Claire Chartier - L'Express - 23 février 2006
Quinze ans après la mort de Mgr Lefebvre, ses ouailles pourraient retrouver le chemin de Rome. Le pape y travaille
Ennemis de la modernité, apôtres de la soutane et des messes en latin, ils faisaient un peu partie du folklore catholique. Pour la première fois depuis leur rupture avec Rome, en 1988, les lefebvristes, moutons noirs de l'Eglise, sont peut-être en passe de se réconcilier avec leur famille d'origine. Des discussions sont en cours à la curie, où un début d'accord pourrait être trouvé très prochainement sur le statut particulier à accorder à ces dissidents entêtés, rassemblés sous la bannière de la Fraternité saint Pie X. Pour Benoît XVI, il n'est que temps de régler une grosse fâcherie qui embarrasse le Vatican depuis 1988.
Prélat frondeur, Mgr Lefebvre s'était livré à l'époque à un fracassant coup d'éclat en consacrant quatre évêques contre l'avis du Saint-Siège, ce qui avait valu à la troupe schismatique d'être automatiquement excommuniée. A sa mort, en 1991, ses successeurs ont repris le flambeau. L'objet de leur rébellion? Le concile Vatican II, coupable, selon eux, d'avoir sacrifié la messe en latin et d'avoir ancré le christianisme dans le monde contemporain. Le début de la fin. Yves Amiot, un laïque lefebvriste qui a fondé l'association Sensus fidei (le Sens de la foi), ne fait pas dans la nuance: «Il est ridicule de se dire l'ami du monde! tempête-t-il. Le monde nous hait. La maçonnerie nous hait. L'islam nous hait.» Porte-parole de la Fraternité saint Pie X, le père Alain Lorans renchérit: «Depuis Vatican II, l'Eglise a cessé de promulguer des dogmes. Résultat: elle n'est plus qu'un bateau qui prend l'eau de toute part, comme le dit Benoît XVI lui-même. Il y a un examen de conscience à faire.»
Les négociations s'annoncent délicates, mais, dans ce paysage maussade, les 460 prêtres et les 150 000 fidèles dont s'enorgueillit la fraternité dans 50 pays du monde constituent évidemment un argument non négligeable. Le Vatican devrait permettre aux traditionalistes de célébrer plus facilement leurs messes selon le rite tridentin, en vigueur avant le concile. A l'heure actuelle, de nombreux offices en latin sont pratiqués un peu partout en France, mais les prêtres doivent demander une autorisation préalable à leur évêque. Ils pourraient également obtenir l'annulation du décret papal de 1998 qui les mettaient au ban de l'Eglise. En revanche, sur les questions de fond, le rapprochement semble nettement plus ardu. Pour les intégristes lefebvristes, qui ne conçoivent d'autre vérité que celle de la religion catholique, le dialogue interreligieux et l'œcuménisme ont le goût du blasphème. Pour Benoît XVI, ils constituent le cœur même de son pontificat.
Quinze ans après la mort de Mgr Lefebvre, ses ouailles pourraient retrouver le chemin de Rome. Le pape y travaille
Ennemis de la modernité, apôtres de la soutane et des messes en latin, ils faisaient un peu partie du folklore catholique. Pour la première fois depuis leur rupture avec Rome, en 1988, les lefebvristes, moutons noirs de l'Eglise, sont peut-être en passe de se réconcilier avec leur famille d'origine. Des discussions sont en cours à la curie, où un début d'accord pourrait être trouvé très prochainement sur le statut particulier à accorder à ces dissidents entêtés, rassemblés sous la bannière de la Fraternité saint Pie X. Pour Benoît XVI, il n'est que temps de régler une grosse fâcherie qui embarrasse le Vatican depuis 1988.
Prélat frondeur, Mgr Lefebvre s'était livré à l'époque à un fracassant coup d'éclat en consacrant quatre évêques contre l'avis du Saint-Siège, ce qui avait valu à la troupe schismatique d'être automatiquement excommuniée. A sa mort, en 1991, ses successeurs ont repris le flambeau. L'objet de leur rébellion? Le concile Vatican II, coupable, selon eux, d'avoir sacrifié la messe en latin et d'avoir ancré le christianisme dans le monde contemporain. Le début de la fin. Yves Amiot, un laïque lefebvriste qui a fondé l'association Sensus fidei (le Sens de la foi), ne fait pas dans la nuance: «Il est ridicule de se dire l'ami du monde! tempête-t-il. Le monde nous hait. La maçonnerie nous hait. L'islam nous hait.» Porte-parole de la Fraternité saint Pie X, le père Alain Lorans renchérit: «Depuis Vatican II, l'Eglise a cessé de promulguer des dogmes. Résultat: elle n'est plus qu'un bateau qui prend l'eau de toute part, comme le dit Benoît XVI lui-même. Il y a un examen de conscience à faire.»
Les négociations s'annoncent délicates, mais, dans ce paysage maussade, les 460 prêtres et les 150 000 fidèles dont s'enorgueillit la fraternité dans 50 pays du monde constituent évidemment un argument non négligeable. Le Vatican devrait permettre aux traditionalistes de célébrer plus facilement leurs messes selon le rite tridentin, en vigueur avant le concile. A l'heure actuelle, de nombreux offices en latin sont pratiqués un peu partout en France, mais les prêtres doivent demander une autorisation préalable à leur évêque. Ils pourraient également obtenir l'annulation du décret papal de 1998 qui les mettaient au ban de l'Eglise. En revanche, sur les questions de fond, le rapprochement semble nettement plus ardu. Pour les intégristes lefebvristes, qui ne conçoivent d'autre vérité que celle de la religion catholique, le dialogue interreligieux et l'œcuménisme ont le goût du blasphème. Pour Benoît XVI, ils constituent le cœur même de son pontificat.