Sous le frais soleil de ce premier dimanche de juillet, les adeptes de la messe selon le rite de saint Pie V, dit «tridentin», s’égaient devant l’église Saint-Germain, au Chesnay (Yvelines). La célébration a eu lieu en latin, le prêtre dos aux fidèles servi par des enfants de chœur tous de sexe masculin. Malgré la solennité du rite, y compris les cierges et l’encens, l’ambiance est recueillie mais détendue sur fond de cris d’enfants, l’assistance étant majoritairement jeune et prolifique. Pourtant une certaine frustration agite certains de ces partisans de la liturgie en vigueur avant le concile de Vatican II. Il y a un an, le 7 juillet 2007, Benoît XVI publiait le motu proprio Summorum Pontificum redonnant droit de cité à cette messe. Depuis Vatican II, cette liturgie était soumise à autorisation expresse de l’évêque. Désormais, sa célébration est de plein droit «dans les paroisses où existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure», précise le décret papal . Pas question, en clair, de donner la clé des églises à des commandos traditionalistes constitués pour la circonstance.
Résultat. Un an après la publication du motu proprio, «on n’a pas vu de rush dans la plupart des diocèses, affirme Robert Le Gall, archevêque de Toulouse et président de la commission pour la liturgie à la Conférence des évêques de France. Mais on n’a pas fait de point précis, le pape nous a donné trois ans.»Pour les tenants de la messe en latin, ce maigre résultat s’explique par la mauvaise volonté de la hiérarchie ecclésiastique.
Fabien, Claire et leurs cinq enfants habitent Versailles. Elle, universitaire, est âgée de 33 ans, lui, consultant, de 34 ans. Tous deux votent à droite, «entre Bayrou et Sarkozy», sont conservateurs sur les questions de morale mais ouverts à l’œcuménisme (l’un des buts principaux de Vatican II). En théorie, i ls dépendent de la paroisse Notre-Dame-de-Versailles. Dès la décision du pape connue, ils ont écrit, avec cinq autres familles, à leur curé pour lui demander qu’y soit célébrée la messe selon le rite de saint Pie V. Selon Fabien, le prêtre leur a demandé «combien vous avez de personnes avec vous ?», et leur a opposé une fin de non-recevoir. «Il a peur qu’on ait trop de succès», analyse le jeune homme. Les familles se sont alors tournées vers l’évêque. Le prélat a argué d’«une campagne de promotion du rite antérieur au concile», et conclu qu’il ne lui paraissait «pas opportun d’accéder à [leur] demande». Désormais au nombre de 130, les mêmes ont écrit à la commission Ecclesia Dei, au Vatican, pour lui demander «aide et conseil». Sans réponse pour l’instant. A l’échelle du diocèse, la situation serait peu ou prou la même selon Louis, un ami du couple. Il y aurait eu «environ 55 à 60 messes accordées», mais plus de 800 demandes non satisfaites. Dans un premier temps, Fabien, Claire et leurs amis se sont voulus discrets. Mais c’est fini. Ils devraient organiser, en septembre, un colloque sur l’application du motu proprio, et y ont convié les médias. L’évêque a fait savoir qu’il ne viendrait pas.
Abandon. Lorsque le pape a publié le décret , les évêques français n’ont pas bondi de joie. L’abandon de la messe selon le rite de saint Pie V avait été l’une des causes de la dissidence des adeptes de l’évêque Marcel Lefebvre, excommunié par le pape Jean Paul II en 1988 après avoir lui-même ordonné des évêques. Le Saint-Père espérait que la libéralisation de cette liturgie inciterait les intégristes à retourner dans le giron de Rome. En novembre 2006, le cardinal Jean-Pierre Ricard, alors président de la conférence épiscopale française, avait pourtant souligné que les différends avec les lefebvristes n’étaient pas seulement liturgiques mais aussi «théologiques (autour de la liberté religieuse, de l’œcuménisme, du dialogue interreligieux) et politiques», rien n’y a fait, le pape a publié le motu proprio. Depuis, des traditionalistes sont rentrés dans le rang. Mais les successeurs de, Mgr Lefebvre, continuent de traîner des pieds.
Reste que Fabien et Claire n’ont rien à voir avec cette chapelle intégriste. «On n’a jamais été des paroissiens lefebvristes», affirment-ils. «On reconnaît totalement Vatican II», assure Fabien. Ils se disent favorables à la coexistence entre les deux formes de célébration. Même s’ils se reconnaissent davantage dans la liturgie tridentine. Pour Claire, «le latin, c’est une forme de généalogie des catholiques». Et pour Edwige : «Dans la forme extraordinaire [la messe tridentine, ndlr], on a beaucoup plus l’impression qu’on s’approche de Dieu que dans la forme ordinaire [la messe post-Vatican II]». Espèrent-ils qu’un jour, le rite tridentin supplantera l’autre ? «C’est la crainte des évêques de France», analyse Fabien. Le fait est que l’église catholique de France se droitise : Nicolas Senèze (1), auteur de la Crise intégriste, affirme ainsi que 17 % des séminaristes sont proches de la mouvance traditionaliste contre 1,5 % des prêtres en activité. Pour Arnaud Spriet, curé de Saint-Germain, il n’y a pas de doute, les «tradis» sont l’avenir de l’église catholique. La «nouvelle évangélisation» voulue par Jean-Paul II, confirmée par Benoît XVI, et qui vise à ramener vers l’Eglise «les grandes masses qui [s’en] sont éloignées», passe par eux.
(1) Ed. Bayard, mars 2008.
Résultat. Un an après la publication du motu proprio, «on n’a pas vu de rush dans la plupart des diocèses, affirme Robert Le Gall, archevêque de Toulouse et président de la commission pour la liturgie à la Conférence des évêques de France. Mais on n’a pas fait de point précis, le pape nous a donné trois ans.»Pour les tenants de la messe en latin, ce maigre résultat s’explique par la mauvaise volonté de la hiérarchie ecclésiastique.
Fabien, Claire et leurs cinq enfants habitent Versailles. Elle, universitaire, est âgée de 33 ans, lui, consultant, de 34 ans. Tous deux votent à droite, «entre Bayrou et Sarkozy», sont conservateurs sur les questions de morale mais ouverts à l’œcuménisme (l’un des buts principaux de Vatican II). En théorie, i ls dépendent de la paroisse Notre-Dame-de-Versailles. Dès la décision du pape connue, ils ont écrit, avec cinq autres familles, à leur curé pour lui demander qu’y soit célébrée la messe selon le rite de saint Pie V. Selon Fabien, le prêtre leur a demandé «combien vous avez de personnes avec vous ?», et leur a opposé une fin de non-recevoir. «Il a peur qu’on ait trop de succès», analyse le jeune homme. Les familles se sont alors tournées vers l’évêque. Le prélat a argué d’«une campagne de promotion du rite antérieur au concile», et conclu qu’il ne lui paraissait «pas opportun d’accéder à [leur] demande». Désormais au nombre de 130, les mêmes ont écrit à la commission Ecclesia Dei, au Vatican, pour lui demander «aide et conseil». Sans réponse pour l’instant. A l’échelle du diocèse, la situation serait peu ou prou la même selon Louis, un ami du couple. Il y aurait eu «environ 55 à 60 messes accordées», mais plus de 800 demandes non satisfaites. Dans un premier temps, Fabien, Claire et leurs amis se sont voulus discrets. Mais c’est fini. Ils devraient organiser, en septembre, un colloque sur l’application du motu proprio, et y ont convié les médias. L’évêque a fait savoir qu’il ne viendrait pas.
Abandon. Lorsque le pape a publié le décret , les évêques français n’ont pas bondi de joie. L’abandon de la messe selon le rite de saint Pie V avait été l’une des causes de la dissidence des adeptes de l’évêque Marcel Lefebvre, excommunié par le pape Jean Paul II en 1988 après avoir lui-même ordonné des évêques. Le Saint-Père espérait que la libéralisation de cette liturgie inciterait les intégristes à retourner dans le giron de Rome. En novembre 2006, le cardinal Jean-Pierre Ricard, alors président de la conférence épiscopale française, avait pourtant souligné que les différends avec les lefebvristes n’étaient pas seulement liturgiques mais aussi «théologiques (autour de la liberté religieuse, de l’œcuménisme, du dialogue interreligieux) et politiques», rien n’y a fait, le pape a publié le motu proprio. Depuis, des traditionalistes sont rentrés dans le rang. Mais les successeurs de, Mgr Lefebvre, continuent de traîner des pieds.
Reste que Fabien et Claire n’ont rien à voir avec cette chapelle intégriste. «On n’a jamais été des paroissiens lefebvristes», affirment-ils. «On reconnaît totalement Vatican II», assure Fabien. Ils se disent favorables à la coexistence entre les deux formes de célébration. Même s’ils se reconnaissent davantage dans la liturgie tridentine. Pour Claire, «le latin, c’est une forme de généalogie des catholiques». Et pour Edwige : «Dans la forme extraordinaire [la messe tridentine, ndlr], on a beaucoup plus l’impression qu’on s’approche de Dieu que dans la forme ordinaire [la messe post-Vatican II]». Espèrent-ils qu’un jour, le rite tridentin supplantera l’autre ? «C’est la crainte des évêques de France», analyse Fabien. Le fait est que l’église catholique de France se droitise : Nicolas Senèze (1), auteur de la Crise intégriste, affirme ainsi que 17 % des séminaristes sont proches de la mouvance traditionaliste contre 1,5 % des prêtres en activité. Pour Arnaud Spriet, curé de Saint-Germain, il n’y a pas de doute, les «tradis» sont l’avenir de l’église catholique. La «nouvelle évangélisation» voulue par Jean-Paul II, confirmée par Benoît XVI, et qui vise à ramener vers l’Eglise «les grandes masses qui [s’en] sont éloignées», passe par eux.
(1) Ed. Bayard, mars 2008.