Suite à un désaccord survenu, en juin dernier, entre l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre (ICRSP) et moi-même, je souhaite apporter quelques éléments de réflexion et rendre compte, à la demande de plusieurs personnes, des décisions que j’ai prises alors.
En tout premier lieu, je tiens à dire qu’il n’était nullement dans mes intentions de remettre en cause l’action pastorale de l’abbé Marc Téqui. Tout au long de l’année, mes relations avec lui ont été cordiales et j’ai apprécié sa simplicité et son désir de vivre en communion avec le diocèse. Sa participation à la concélébration de la messe chrismale, avec les autres prêtres du diocèse, le lundi saint, en témoigne. J’ai établi avec lui, comme avec chacun des prêtres du diocèse, des relations fraternelles. C’est d’ailleurs ce qui est demandé dans l’Exhortation apostolique du Pape Jean-Paul II au sujet de la charge épiscopale : « L’Évêque cherchera toujours à se comporter avec ses prêtres comme un père et un frère qui les aime, qui les écoute, les accueille, les corrige et les réconforte, qui suscite leur collaboration et qui, autant que possible, se dépense pour leur bien-être humain, spirituel, ministériel et économique » (Jean-Paul II Pastores Gregis, n° 47). J’ajoute que l’abbé Marc Téqui, n’étant pas à plein temps, recevait chaque mois un demi traitement correspondant à ce que les prêtres diocésains reçoivent. Il bénéficiait aussi d’un logement gratuit et ses déplacements lui étaient remboursés. On ne peut pas dire, par conséquent, qu’il ait été mal accueilli par le diocèse.
Par ailleurs, en accord avec moi, il a assuré la messe à Saint Pierre de Gaillard selon la forme extraordinaire, dans le cadre de la paroisse Sainte-Foy. J’ai voulu, de cette manière, répondre au souhait du pape Benoît XVI. Le décret Summorum Pontificum porte sur la célébration de la messe et des sacrements. L’église Saint Pierre de Gaillard à Agen, me semble convenir pour cela.
Alors pourquoi un différend a-t-il éclaté entre nous, ayant pour conséquence, la décision de l’ICRSP, de ne plus venir à Agen ? La question de la catéchèse, qui n’entre pas dans le cadre du Décret du pape, en est la cause.
En juin dernier, constatant que des enfants se retrouvaient régulièrement autour de l’abbé Téqui pour la catéchèse, je suis intervenu auprès de lui pour lui demander de mettre fin à cette activité. Trois raisons m’y ont conduit :
1. Toute catéchèse dans le diocèse (dans les paroisses, les établissements catholiques et les aumôneries) suppose de ma part une attention particulière. L’évêque veille à ce que la catéchèse ait bien lieu, selon les normes de l’Église. Il doit s’informer des enfants qui y participent et vérifier le contenu du message. Cette vigilance, je l’exerce à l’égard de chaque lieu du diocèse où se déroule une catéchèse. Or, je n’ai jamais su quels étaient les enfants qui se retrouvaient, dans le cadre familial avec l’abbé Téqui, quels étaient les documents catéchétiques utilisés. Certes, j’aurais dû susciter des échanges, m’informer. Ce que je n’ai pris le temps de faire. Mais, de son côté, l’abbé Téqui ne m’a pas jamais rendu compte de ce qu’il faisait.
2. Ici ou là, j’ai perçu aussi des agacements venant des catéchistes du diocèse. Pourquoi en effet aller chercher un « complément » à la catéchèse diocésaine ? La catéchèse actuelle voulue par les évêques de France avec le Texte National pour l’Orientation de la Catéchèse en France et prenant appui sur le Catéchisme de l’Église catholique, n’est-elle pas suffisante ? Je ne pouvais pas laisser se développer un climat de suspicion sur la catéchèse que je veux promouvoir dans mon diocèse.
3. Autre point que je ne pouvais pas accepter : la proposition de la première communion à des enfants sans que le curé de la paroisse en soit informé en temps voulu. La célébration des sacrements de l’initiation chrétienne doit se faire selon les normes de l’Église. Le curé doit donner une autorisation pour qu’un enfant soit baptisé en dehors du territoire de sa paroisse. Pour la première communion, les parents doivent présenter une attestation du baptême de l’enfant.
Tout cela n’étant pas bien défini avec l’abbé Téqui, j’ai donc demandé un arrêt de cette catéchèse.
Suite à ma demande, l’ICRSP ne souhaite plus continuer pour l’instant la célébration de la messe à Agen selon la forme extraordinaire. Avant sa décision, je crois qu’il aurait fallu davantage de concertation entre l’ICRSP et moi-même. Il est important aussi de distinguer deux domaines. D’une part, seuls la liturgie et les sacrements relèvent du Décret Summorum pontificum. D’autre part, il y a la catéchèse qui suppose d’autres normes et qu’il aurait fallu mieux définir entre nous.
La messe selon la forme extraordinaire continuera cependant d’être assurée, le premier dimanche de chaque mois par Monsieur l’abbé Nicolas Richer, curé de la paroisse Sainte-Foy. Par ailleurs, elle est célébrée aussi tous les jours au Monastère Sainte-Marie de la Garde à Saint-Pierre de Clairac.
Le chanoine Benoît Jayr, Provincial de l’ICRSP a repris contact avec moi et nous avons décidé de prendre un temps de réflexion (jusqu’en décembre 2010). Nous prendrons alors, éventuellement, de nouvelles dispositions pour que les relations entre nous se poursuivent dans la sérénité et le respect des uns et des autres.
J’ai été très blessé et beaucoup de diocésains (prêtres et laïcs) avec moi par l’amplification inutile donnée, dans les médias (sites internet, Facebook), à ce désaccord. Je pense qu’il y a mieux à faire pour avancer ensemble dans l’Église et vivre la communion fraternelle. Ceux qui ont alimenté la polémique doivent s’interroger sur leur comportement et leur amour de l’Église.
J’ai alors pensé à saint Cyprien de Carthage. Au III siècle, dans un très beau livre sur l’unité de l’Église, il comparaît l’Église à une tunique déchirée par des conflits internes provoqués par des personnes qui ne cherchent pas la vérité de la foi : « Le Christ nous a donné la paix, il nous a prescrit d’être unis et en parfait accord, il nous a commandé de ne faire subir au pacte d’amour et de la charité ni altération ni violence. On ne peut se prétendre martyr si on n’a pas gardé la charité qui unit les frères. » Il ajoutait aussi au sujet de l’autorité des évêques et de leur paternité : « Voilà l’unité que nous devons tenir et défendre avec fermeté, surtout nous les évêques qui exerçons la présidence dans l’Église, afin d’apporter la preuve que la charge épiscopale elle aussi est une et sans division. Que personne ne trompe les frères par un mensonge, que personne n’altère la vérité de la foi par une perfide trahison. »
Telle est cette attitude que j’essaie d’avoir dans le conflit qui nous oppose. C’est la communion fraternelle que je vous invite à vivre expressément.
À Agen le 24 septembre 2010
Mgr Hubert HERBRETEAU
Évêque d’Agen