SOURCE - District de France de la FSSPX - Lettre à Nos Frères Prêtres n°50 - mise en ligne par La Porte Latine - juin 2011
Le 2 janvier 2011, sous le titre évocateur « Lire les signes des temps » (on sait que les « signes des temps », il y a un demi-siècle, furent l’un des slogans de ceux qui voulaient accomplir la « révolution conciliaire »), l’éditorialiste de la Documentation catholique écrit : « Résolument, Benoît XVI privilégie une “herméneutique de la continuité” dans la lecture du concile Vatican II. Pour lui, il ne serait pas heureux d’opérer une rupture avec l’héritage de la tradition de l’Église ».
Le père Jean-François Petit, qui signe ce texte, ajoute immédiatement : « C’est dans cette direction que semble s’orienter l’Église en France ».
Première question : si l’Église en France s’oriente désormais vers une « herméneutique de la continuité », s’agit-il simplement de l’approfondissement d’une tendance déjà ancienne, ou au contraire de la fin d’une adhésion au moins partielle à « l’herméneutique de la rupture » ?
Deuxième question : la situation actuelle de l’Église serait-elle exclusivement le fruit d’une « lecture » erronée de Vatican II, qui ne pourrait trouver aucun fondement dans les textes de ce concile, non plus que dans les actes officiels du Magistère romain subséquent ?
Dans les derniers mois du concile Vatican II, la revue Itinéraires, principale revue « traditionaliste » de l’époque, dirigée par Jean Madiran, publiait des textes qui sont l’expression la plus claire de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’herméneutique de continuité ».
Jean Madiran mettait d’abord en garde contre un « esprit du Concile » qui ne serait pas celui de ses textes promulgués : « Il est vrai que je n’entends pas bien ce qu’est “l’esprit du Concile” contredistingué de l’Esprit-Saint ; il est vrai que je conçois mal comment “l’esprit du Concile” peut être différent des décisions promulguées par le même concile » (novembre 1965, p. 27).
Il exposait ensuite le principe essentiel de « l’herméneutique de continuité » : « Nous recevons les décisions du Concile en conformité avec les décisions des conciles antérieurs. Si tels ou tels textes devaient paraître, comme il peut arriver à toute parole humaine, susceptibles de plusieurs interprétations, nous pensons que l’interprétation juste est fixée précisément par et dans la conformité avec les précédents conciles et avec l’ensemble de l’enseignement du Magistère. Nous croyons à l’Église des papes et des conciles, non point à une Église qui serait celle d’un seul concile. (…) Par définition, l’enseignement d’un concile prend place dans le contexte et dans la continuité vivante de tous les conciles. Ceux qui voudraient nous présenter l’enseignement du Concile hors de ce contexte et en rupture avec cette continuité nous présenteraient une pure invention de leur esprit, sans aucune autorité » (janvier 1966, pp. 22-23).
Enfin, Madiran soulignait la nécessité de faire les distinctions requises : « Nous recevons les décisions du Concile en nous préoccupant de connaître la note théologique qui convient à chacune d’elles. (…) Les diverses notes théologiques qui conviennent à chacun des différents textes conciliaires promulgués n’apparaissent pas toujours clairement. Mais ce n’est point à nous qu’il revient de les fixer (…). Nous les attendons de l’autorité compétente. D’avance nous pouvons déclarer que nous recevons chacune des décisions conciliaires avec la note théologique qui est la sienne et non autrement » (janvier 1966, p. 23).
Le 23 juin 1966, en effet, paraissait une « Mise en garde des cardinaux et du Conseil permanent de l’épiscopat français » (publiée dans la Documentation catholique du 17 juillet 1966, col. 1285-1288, cette même Documentation catholique qui nous vante désormais avec enthousiasme « l’herméneutique de continuité »). Les évêques déclaraient qu’ils « considèrent comme un devoir de mettre en garde les fidèles contre des articles parus notamment dans des magazines comme Le Monde et la vie, des revues comme Itinéraires et Défense du foyer, des bulletins comme Lumière », en raison de leur opposition à « l’esprit du renouveau entrepris », c’est-à-dire le fameux « esprit du Concile », comme on l’appelait aussi.
Il ne faut pas oublier que « l’herméneutique de continuité » a d’abord et premièrement été le fait des « traditionalistes ». Il ne faut pas oublier que ceux qui se proclament aujourd’hui les plus fervents défenseurs de Vatican II contre les méchants « traditionalistes » ont hier condamné, rejeté, combattu « l’herméneutique de continuité » au nom de « l’esprit du Concile », c’est-à-dire en vérité au nom de ce que le Pape actuel appelle « l’herméneutique de la discontinuité et de la rupture ». Il ne faut pas oublier que cette rupture avec le passé de l’Église, cette idée de Vatican II comme commencement absolu de l’Église, a d’abord et premièrement été le fait des évêques français.
Il ne faut pas oublier que si « l’Église en France » déclare privilégier enfin « l’herméneutique de continuité », c’est seulement après l’avoir fortement et longuement combattue, c’est seulement après avoir très largement favorisé « l’herméneutique de rupture ».
Le Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei y déclare notamment : « Le point vraiment déterminant du travail de désorientation et de confusion qui a caractérisé et caractérise encore notre époque ne provient pas du concile Vatican II en tant que tel, et il n’est pas l’enseignement objectif contenu dans ses documents, mais c’est l’interprétation de cet enseignement ». Juste avant, Mgr Pozzo a d’ailleurs souligné le « contraste existant d’une part entre les documents officiels de Vatican II, le Magistère postérieur des Papes, les interventions de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et, d’autre part, tant d’idées ou de déclarations ambiguës, douteuses et souvent contraires à la saine doctrine catholique, qui se sont multipliées dans des milieux catholiques et en général dans l’opinion publique ».
Le prélat romain, au cours de sa longue conclusion, affirme également ceci : « Quelle est l’origine de la discontinuité, ou de la rupture avec la tradition ? C’est ce que nous pouvons appeler l’idéologie conciliaire, ou plus exactement para-conciliaire, qui s’est emparée du Concile depuis le début, en se superposant à lui. Avec cette expression, on n’entend pas quelque chose qui regarde les textes du Concile, ni l’intention des acteurs, mais le cadre général d’interprétation dans lequel le Concile a été placé et qui agit comme une sorte de conditionnement intérieur de la lecture successive des faits et des documents. Le Concile n’est pas l’idéologie para-conciliaire, mais dans l’histoire de l’événement ecclésial et des moyens de communication de masse, on a largement opéré la mystification du Concile, ce qui est précisément l’idéologie para-conciliaire ».
Cette thèse n’est, certes, ni impossible et invraisemblable en soi ; mais il faudrait, pour que cela arrive, que les autorités de l’Église, dont le rôle est précisément d’interpréter authentiquement les documents conciliaires et de les mettre correctement en oeuvre, en aient été empêchées. Ce qui aurait pu se produire, par exemple, au IIIe siècle, lorsque les papes étaient sauvagement martyrisés les uns après les autres ; au XIe siècle, lorsque saint Grégoire VII était combattu militairement par l’empereur Henri IV et mourait assiégé et en exil ; à la fin du XIVe siècle, lorsque l’Église était déchirée entre deux voire trois papes qui se combattaient mutuellement, etc.
Mais, sauf erreur de notre part, durant le demi-siècle qui vient de s’écouler, la structure de l’Église a fonctionné normalement. Les autorités ecclésiastiques disposaient de tous les moyens nécessaires à leur fonction, elles n’étaient ni empêchées d’agir ni persécutées. Comment comprendre alors qu’elles n’aient pas réussi à mettre en oeuvre le Concile selon son sens obvie et ses intentions réelles ? Si cela était vrai, ce serait un mystère étonnant et, pour tout dire, véritablement incroyable.
Et tout d’abord le pape Paul VI a vécu et régné pendant treize ans après la clôture de Vatican II, temps tout à fait suffisant pour mettre en oeuvre le Concile selon son véritable esprit, et pour combattre énergiquement le faux esprit qui pouvait le polluer. De grands Papes réformateurs ont eu un pontificat de même durée, voire moins long : Saint Grégoire le Grand a régné quatorze ans, saint Grégoire VII a régné douze ans, saint Pie V a régné sept ans, saint Pie X a régné onze ans.
Paul VI était entouré des cardinaux qui avaient dirigé le Concile, des évêques qui avaient participé au Concile, des experts qui avaient travaillé au Concile. La plupart des participants au Concile n’ont quitté ce monde que durant le pontificat de Jean-Paul II. Qui lui-même a participé très activement à Vatican II comme évêque. Et qui a eu, comme successeur, un homme qui fut durant le Concile l’expert du cardinal Frings (un des dix membres du Conseil de présidence).
Ce qui signifie que, quarante-cinq après la fin de ce concile, nous avons encore à la tête de l’Église un homme qui sait précisément comment celui-ci s’est déroulé, et quel a été son véritable esprit, sa réelle orientation. Jamais dans l’histoire de l’Église, peut-on dire, les participants d’un concile n’ont eu autant de temps pour le mettre en oeuvre par eux-mêmes.
Mieux vaut admettre une cause plus simple et plus obvie : que le Concile lui-même, comme sa mise en oeuvre officielle, souffre de certaines défaillances qui expliquent pour une part les problèmes de la situation actuelle (même si la crise de l’Église ne se réduit pas à cette seule cause).
Le 2 janvier 2011, sous le titre évocateur « Lire les signes des temps » (on sait que les « signes des temps », il y a un demi-siècle, furent l’un des slogans de ceux qui voulaient accomplir la « révolution conciliaire »), l’éditorialiste de la Documentation catholique écrit : « Résolument, Benoît XVI privilégie une “herméneutique de la continuité” dans la lecture du concile Vatican II. Pour lui, il ne serait pas heureux d’opérer une rupture avec l’héritage de la tradition de l’Église ».
Le père Jean-François Petit, qui signe ce texte, ajoute immédiatement : « C’est dans cette direction que semble s’orienter l’Église en France ».
Deux questions importantes au regard de l’histoireCe texte pose en réalité deux questions sur lesquelles nous estimons utile de proposer quelques documents et réflexions, en suivant toutefois l’ordre inverse de l’auteur.
Première question : si l’Église en France s’oriente désormais vers une « herméneutique de la continuité », s’agit-il simplement de l’approfondissement d’une tendance déjà ancienne, ou au contraire de la fin d’une adhésion au moins partielle à « l’herméneutique de la rupture » ?
Deuxième question : la situation actuelle de l’Église serait-elle exclusivement le fruit d’une « lecture » erronée de Vatican II, qui ne pourrait trouver aucun fondement dans les textes de ce concile, non plus que dans les actes officiels du Magistère romain subséquent ?
L’herméneutique de continuité chez les traditionalistes en 1965…Pour commencer, quelle a donc été l’attitude (officielle) de l’Église en France concernant l’interprétation de Vatican II, à la suite même de ce concile ? C’est ce qu’un peu d’histoire va nous rappeler, au moment du quarante-cinquième anniversaire des événements.
Dans les derniers mois du concile Vatican II, la revue Itinéraires, principale revue « traditionaliste » de l’époque, dirigée par Jean Madiran, publiait des textes qui sont l’expression la plus claire de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’herméneutique de continuité ».
Jean Madiran mettait d’abord en garde contre un « esprit du Concile » qui ne serait pas celui de ses textes promulgués : « Il est vrai que je n’entends pas bien ce qu’est “l’esprit du Concile” contredistingué de l’Esprit-Saint ; il est vrai que je conçois mal comment “l’esprit du Concile” peut être différent des décisions promulguées par le même concile » (novembre 1965, p. 27).
Il exposait ensuite le principe essentiel de « l’herméneutique de continuité » : « Nous recevons les décisions du Concile en conformité avec les décisions des conciles antérieurs. Si tels ou tels textes devaient paraître, comme il peut arriver à toute parole humaine, susceptibles de plusieurs interprétations, nous pensons que l’interprétation juste est fixée précisément par et dans la conformité avec les précédents conciles et avec l’ensemble de l’enseignement du Magistère. Nous croyons à l’Église des papes et des conciles, non point à une Église qui serait celle d’un seul concile. (…) Par définition, l’enseignement d’un concile prend place dans le contexte et dans la continuité vivante de tous les conciles. Ceux qui voudraient nous présenter l’enseignement du Concile hors de ce contexte et en rupture avec cette continuité nous présenteraient une pure invention de leur esprit, sans aucune autorité » (janvier 1966, pp. 22-23).
Enfin, Madiran soulignait la nécessité de faire les distinctions requises : « Nous recevons les décisions du Concile en nous préoccupant de connaître la note théologique qui convient à chacune d’elles. (…) Les diverses notes théologiques qui conviennent à chacun des différents textes conciliaires promulgués n’apparaissent pas toujours clairement. Mais ce n’est point à nous qu’il revient de les fixer (…). Nous les attendons de l’autorité compétente. D’avance nous pouvons déclarer que nous recevons chacune des décisions conciliaires avec la note théologique qui est la sienne et non autrement » (janvier 1966, p. 23).
…condamnée solennellement par l’épiscopat français en 1966 !Or ces déclarations si claires, si fortes, si motivées en faveur de ce qu’on appelle désormais « l’herméneutique de continuité », parues au moment même de la clôture du Concile, et qui manifestent tant d’heureuse clairvoyance, ces déclarations ont valu à Jean Madiran et à Itinéraires une solennelle condamnation de l’épiscopat français.
Le 23 juin 1966, en effet, paraissait une « Mise en garde des cardinaux et du Conseil permanent de l’épiscopat français » (publiée dans la Documentation catholique du 17 juillet 1966, col. 1285-1288, cette même Documentation catholique qui nous vante désormais avec enthousiasme « l’herméneutique de continuité »). Les évêques déclaraient qu’ils « considèrent comme un devoir de mettre en garde les fidèles contre des articles parus notamment dans des magazines comme Le Monde et la vie, des revues comme Itinéraires et Défense du foyer, des bulletins comme Lumière », en raison de leur opposition à « l’esprit du renouveau entrepris », c’est-à-dire le fameux « esprit du Concile », comme on l’appelait aussi.
Un changement substantiel d’orientation de l’épiscopat français ?Il est donc tout à fait réjouissant d’apprendre aujourd’hui par la Documentation catholique que, désormais, « c’est dans cette direction que semble s’orienter l’Église en France », c’est-à-dire celle de « l’herméneutique de continuité ». Mais il ne faut pas oublier les faits qu’a enregistrés l’histoire.
Il ne faut pas oublier que « l’herméneutique de continuité » a d’abord et premièrement été le fait des « traditionalistes ». Il ne faut pas oublier que ceux qui se proclament aujourd’hui les plus fervents défenseurs de Vatican II contre les méchants « traditionalistes » ont hier condamné, rejeté, combattu « l’herméneutique de continuité » au nom de « l’esprit du Concile », c’est-à-dire en vérité au nom de ce que le Pape actuel appelle « l’herméneutique de la discontinuité et de la rupture ». Il ne faut pas oublier que cette rupture avec le passé de l’Église, cette idée de Vatican II comme commencement absolu de l’Église, a d’abord et premièrement été le fait des évêques français.
Il ne faut pas oublier que si « l’Église en France » déclare privilégier enfin « l’herméneutique de continuité », c’est seulement après l’avoir fortement et longuement combattue, c’est seulement après avoir très largement favorisé « l’herméneutique de rupture ».
Une conférence de Mgr Guido Pozzo, de la Commission Ecclesia DeiDans une conférence donnée le 2 juillet 2010 aux prêtres de la Fraternité Saint-Pierre au séminaire de Wigratzbad et consacrée à la mise en oeuvre du concile Vatican II, Mgr Guido Pozzo a proposé un très clair exposé de la thèse des tenants de « l’herméneutique de continuité », concernant l’innocence absolue du concile Vatican II et du Magistère romain subséquent dans la crise que subit l’Église depuis un demi-siècle.
Le Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei y déclare notamment : « Le point vraiment déterminant du travail de désorientation et de confusion qui a caractérisé et caractérise encore notre époque ne provient pas du concile Vatican II en tant que tel, et il n’est pas l’enseignement objectif contenu dans ses documents, mais c’est l’interprétation de cet enseignement ». Juste avant, Mgr Pozzo a d’ailleurs souligné le « contraste existant d’une part entre les documents officiels de Vatican II, le Magistère postérieur des Papes, les interventions de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et, d’autre part, tant d’idées ou de déclarations ambiguës, douteuses et souvent contraires à la saine doctrine catholique, qui se sont multipliées dans des milieux catholiques et en général dans l’opinion publique ».
Le prélat romain, au cours de sa longue conclusion, affirme également ceci : « Quelle est l’origine de la discontinuité, ou de la rupture avec la tradition ? C’est ce que nous pouvons appeler l’idéologie conciliaire, ou plus exactement para-conciliaire, qui s’est emparée du Concile depuis le début, en se superposant à lui. Avec cette expression, on n’entend pas quelque chose qui regarde les textes du Concile, ni l’intention des acteurs, mais le cadre général d’interprétation dans lequel le Concile a été placé et qui agit comme une sorte de conditionnement intérieur de la lecture successive des faits et des documents. Le Concile n’est pas l’idéologie para-conciliaire, mais dans l’histoire de l’événement ecclésial et des moyens de communication de masse, on a largement opéré la mystification du Concile, ce qui est précisément l’idéologie para-conciliaire ».
Les autorités de l’Église ont-elles été empêchées d’agir ?Cette thèse soutient donc que la crise actuelle proviendrait de ce que le concile Vatican II aurait été massivement mal interprété et mal compris.
Cette thèse n’est, certes, ni impossible et invraisemblable en soi ; mais il faudrait, pour que cela arrive, que les autorités de l’Église, dont le rôle est précisément d’interpréter authentiquement les documents conciliaires et de les mettre correctement en oeuvre, en aient été empêchées. Ce qui aurait pu se produire, par exemple, au IIIe siècle, lorsque les papes étaient sauvagement martyrisés les uns après les autres ; au XIe siècle, lorsque saint Grégoire VII était combattu militairement par l’empereur Henri IV et mourait assiégé et en exil ; à la fin du XIVe siècle, lorsque l’Église était déchirée entre deux voire trois papes qui se combattaient mutuellement, etc.
Mais, sauf erreur de notre part, durant le demi-siècle qui vient de s’écouler, la structure de l’Église a fonctionné normalement. Les autorités ecclésiastiques disposaient de tous les moyens nécessaires à leur fonction, elles n’étaient ni empêchées d’agir ni persécutées. Comment comprendre alors qu’elles n’aient pas réussi à mettre en oeuvre le Concile selon son sens obvie et ses intentions réelles ? Si cela était vrai, ce serait un mystère étonnant et, pour tout dire, véritablement incroyable.
Un concile mis en oeuvre par ceux qui l’avaient faitIl y a plus. Pour la première fois dans l’histoire, en raison de l’allongement de la durée de la vie, un concile a pu être interprété directement par ceux mêmes qui l’avaient fait et qui, à l’évidence, savaient pertinemment ce qu’il contenait, ce qu’il promettait, ce qu’il permettait.
Et tout d’abord le pape Paul VI a vécu et régné pendant treize ans après la clôture de Vatican II, temps tout à fait suffisant pour mettre en oeuvre le Concile selon son véritable esprit, et pour combattre énergiquement le faux esprit qui pouvait le polluer. De grands Papes réformateurs ont eu un pontificat de même durée, voire moins long : Saint Grégoire le Grand a régné quatorze ans, saint Grégoire VII a régné douze ans, saint Pie V a régné sept ans, saint Pie X a régné onze ans.
Paul VI était entouré des cardinaux qui avaient dirigé le Concile, des évêques qui avaient participé au Concile, des experts qui avaient travaillé au Concile. La plupart des participants au Concile n’ont quitté ce monde que durant le pontificat de Jean-Paul II. Qui lui-même a participé très activement à Vatican II comme évêque. Et qui a eu, comme successeur, un homme qui fut durant le Concile l’expert du cardinal Frings (un des dix membres du Conseil de présidence).
Ce qui signifie que, quarante-cinq après la fin de ce concile, nous avons encore à la tête de l’Église un homme qui sait précisément comment celui-ci s’est déroulé, et quel a été son véritable esprit, sa réelle orientation. Jamais dans l’histoire de l’Église, peut-on dire, les participants d’un concile n’ont eu autant de temps pour le mettre en oeuvre par eux-mêmes.
Admettre une cause logique plutôt qu’une explication imaginaireSi donc l’on nous dit que, malgré ces conditions exceptionnellement favorables, Vatican II n’a pas encore commencé d’être interprété et compris correctement ; ou que du moins sa mise en oeuvre a été tellement imparfaite que personne ne peut comprendre aujourd’hui la réelle intention de ce concile, cela signifierait que les critiques de la Fraternité Saint-Pie X seraient très largement en dessous de la réalité, celle d’une Église devenue depuis un demi-siècle un véritable « bateau fantôme » sans gouvernail ni direction, abandonnée à tous les vents : ce qui n’est pas vrai.
Mieux vaut admettre une cause plus simple et plus obvie : que le Concile lui-même, comme sa mise en oeuvre officielle, souffre de certaines défaillances qui expliquent pour une part les problèmes de la situation actuelle (même si la crise de l’Église ne se réduit pas à cette seule cause).