19 octobre 2006

La leçon de l’article 7
Jean Madiran -  Présent du 19 octobre 2006 - Mis en ligne sur le Forum Catholique
La leçon de l’article 7 «L’interdit sur la messe grégorienne est levé en son principe» écrit fort justement l’abbé Christophe Héry dans Mascaret, le mensuel de l’abbé Philippe Laguérie.
C’est prendre acte avec exactitude de ce qui est maintenant la situation officielle de la messe traditionnelle après l’érection de l’Institut du Bon Pasteur (IBP). Désormais il est devenu parfaitement clair que seule la mauvaise volonté épiscopale, individuelle ou collégiale, peut encore empêcher ou limiter dans les diocèses la célébration de la MESSE CATHOLIQUE TRADITIONNELLE, LATINE ET GRÉGORIENNE SELON LE MISSEL ROMAIN DE SAINT PIE V.
Cette nouvelle situation officielle ne comporte aucune obligation de célébrer aussi la messe de Paul VI, comme si une telle obligation résultait d’une concession réciproque.
Le « bi-ritualisme » peut être une transition souhaitable pour le clergé diocésain qui voudrait ainsi se réhabituer progressivement à la liturgie traditionnelle. Mais un « biritualisme » en sens inverse apporterait à la messe de Paul VI une caution inopportune et déplorable, et serait un obstacle inattendu sur le chemin de la « réforme de la réforme » qui aura à stopper le caractère dangereusement évolutif de cette messe et à introduire dans son texte même une affirmation plus visible de la présence réelle et du saint-sacrifice.
Qu’il s’agisse de la liturgie, de la pastorale de Gaudium et spes ou à plus forte raison d’une simple « déclaration » conciliaire, il serait excessif d’imaginer que tout décret « magistériel » (c’est-à-dire provenant du magistère ecclésiastique) appelle la même obéissance obligatoire. Selon les cas, il y a des degrés, – étant sauf l’enseignement infaillible. L’Eglise n’est pas une caserne, et la discipline militaire, admirable à sa place, n’a pas sa place dans l’Eglise. Il existe à ce sujet un précédent fort éclairant.
Quand Paul VI promulgua en 1969 la messe nouvelle, il l’accompagna d’une Institutio generalis, ou Présentation, qui en son article 7 donnait une définition de la messe passant sous silence le saint-sacrifice et la présence réelle. Nos protestations furent publiques, vives et argumentées. Elles ne nous valurent aucune excommunication ou remontrance, au contraire : l’article 7 fut corrigé. Le malheur est que le texte de la messe ne le fut pas, et que l’épiscopat français, s’en tenant à la première version de l’article 7, édicta et enseigna pendant plusieurs années qu’à la messe « il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli ». On peut retrouver toute l’histoire de cet article 7 aux pages 111 à 117 du livre de référence de Louis Salleron : La nouvelle messe (Nouvelles Editions Latines).
On a peut-être oublié ou méconnu la signification d’un tel précédent. Il demeure instructif. On a peut-être oublié aussi l’avertissement de Dom Guéranger, restaurateur de Solesmes justement, et refondateur de la Congrégation française de l’Ordre bénédictin : « Quand le pasteur se change en loup, c’est au troupeau à se défendre tout d’abord. Régulièrement sans doute la doctrine descend des évêques au peuple fidèle (…). Mais il est dans le trésor de la Révélation des points essentiels dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change pas, qu’il s’agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme… »
On lira le contexte et la suite dans le tome de L’Année liturgique sur le temps de la Septuagésime, parmi les commentaires de la fête de saint Cyrille d’Alexandrie (9 février): page 126 de l’édition du Barroux chez DMM.
JEAN MADIRAN
Article paru dans PRESENT NUMÉRO 6194 du JEUDI 19 OCTOBRE 2006, p.1