Lors du sermon qu’il a prononcé à l’occasion des ordinations diaconales et sacerdotales à Ecône, Mgr Fellay
le 29 juin dernier, a annoncé que les discussions avec Rome, en vue
d’un éventuel arrangement avec la Fraternité, étaient revenues au point
de départ, c'est-à-dire comme au lendemain des consécrations épiscopales
de 1988. Rome voudrait en effet qu’au préalable de la régularisation
canonique de la Fraternité Saint Pie X, nous acceptions les documents
promulgués lors du dernier concile et que nous reconnaissions la
légitimité et donc la bonté du Novus ordo Missae. Une telle acceptation serait un reniement pur et simple du combat que Mgr Lefebvre
et sa Fraternité ont mené depuis plus de 40 ans. Ainsi, pour une
raison doctrinale, le Supérieur Général et son Conseil, soutenus par le
Chapitre Général de la FSSPX, ont-t-ils refusé les dernières
propositions de Rome. La situation actuelle peut nous attrister car elle
nous fait constater que le cancer du modernisme continue à ronger
l’Eglise de l’intérieur tandis que le Pape et les autorités romaines
refusent de désigner l’origine des maux qui accablent l’Eglise depuis
des décennies, c'est-à-dire le concile Vatican II. Les temps ne sont
pas encore mûrs pour une normalisation de nos relations avec Rome. Face à
une telle situation, une question peut monter à nos lèvres : « Mais qu’attend donc Dieu pour nous sortir de cette situation si difficile ? »
Dieu attend son heure ! Ouvrez l’Evangile et
vous y lirez que Notre Seigneur a toujours voulu agir à son
rythme et non à celui de son entourage. Combien de fois n’a-t-il
pas dit : « mon heure n’est pas encore venue » ? C’est
le Christ qui décide du moment de sa Passion, et de l’instant
de sa mort : « on ne m’ôte pas la vie mais c’est moi qui
la donne ». De même que c’est Dieu qui reste le maître
du temps et des évènements. Il peut intervenir directement ou
indirectement sur ces derniers selon Sa volonté. Certains peuvent
se décourager de la longueur de l’épreuve qui accable l’Eglise.
D’autres pourraient être déçus que la FSSPX ait laissé passer
cette occasion de régularisation de sa situation. D’autres enfin
pourraient croire que la situation est définitivement figée
et que tout espoir de restauration de la Tradition dans l’Eglise
est perdu. Aucune de ces attitudes n’est satisfaisante ! C’est
pourquoi il me semble opportun de rappeler quelques principes
importants qui pourront vous aider à comprendre la situation
présente et vous encourager à garder la vertu de la sainte espérance.
1er principe : Rien n’arrive que Dieu ne l’ait prévu de toute
éternité et qu’Il ne l’ait voulu ou du moins permis. Cette crise
que l’Eglise traverse n’échappe pas à la toute- puissance de
Dieu. De toute éternité, Dieu la permet comme il a permis la
Passion de son Fils, la trahison de Judas et le reniement de
Saint Pierre. Cette période troublée que nous vivons ne peut
être comprise et supportée qu’à la lumière de la foi.
2ème principe
: Dieu ne peut rien vouloir ou rien permettre qu’en vue de la
fin qu’il s’est proposée en créant, c'est-à-dire la manifestation
de sa bonté, de ses perfections divines et en vue de la gloire
de l’homme-Dieu Jésus-Christ son Fils. Cette crise, qui trouve
son origine pour une grande part dans le Concile Vatican II,
a sans aucun doute permis à ceux qui voulaient rester fidèles
à la Tradition de l’Eglise d’étudier avec plus d’intensité la
doctrine et la liturgie que nos anciens nous ont transmises
et que la bourrasque conciliaire a voulu emporter à jamais.
Au lendemain de la dernière guerre, l’Eglise était en effet
entrée dans une sorte de torpeur qui la rendit plus vulnérable
à ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. De manière insidieuse,
tel le ver dans la pomme, malgré la fermeté de Pie XII, le modernisme
a laminé, corrompu tous les degrés de l’Eglise comme une gangrène.
Cette maladie aurait pu être fatale, mais Dieu a suscité Mgr
Lefebvre et Mgr de Castro Mayer qui ont su s’opposer avec un
esprit de sacrifice héroïque à cette révolution conciliaire.
La Providence veillait, et ainsi Notre Seigneur a montré qu’Il
voulait être fidèle à sa promesse de protéger son Eglise jusqu’à
la fin des temps. Dieu reste le maître des évènements !
Le 3éme
principe découle du second : Comme le dit Saint Paul : « tout
concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » Chez ceux qui ont
voulu rester fidèles à la Tradition, Dieu a suscité un esprit
de sacrifice méritoire pour se préserver des erreurs multiples
qui se répandaient dans l’Eglise. La FSSPX a ouvert des séminaires,
des prieurés, des écoles, etc… Des religieuses et religieux
ont fondé des communautés traditionnelles un peu partout dans
le monde. Ainsi la Tradition catholique a été sauvée. Cette
sainte réaction a suscité un élan de ferveur d’une générosité
admirable. Les séminaires traditionnels se sont remplis, de
saints foyers se sont formés. On vit alors le tissu catholique
se reconstituer peu à peu dans l’attente qu’un jour Rome reconnaisse
la légitimité de l’apparente désobéissance qui nous anime.
Cependant
les trois principes rappelés plus haut ne nous dispensent évidemment
pas de faire ce qui est en notre pouvoir, là où la Providence
nous a placés, pour accomplir la volonté de Dieu signifiée par
ses préceptes et les conseils qui nous sont prodigués et se
soumettre aux évènements par lesquels Il veut aussi nous conduire.
Dieu alors ne manquera pas de nous donner les grâces que nous
nécessitons pour rester fermes dans la foi et pour hâter la
fin de ce temps d’épreuves. L’issue de cette crise ne dépend
pas directement de nous, bien évidemment, mais de la tête de
l’Eglise et plus précisément du Pape lorsque ce dernier, par
la grâce de Dieu, se réappropriera ce que ses prédécesseurs
ont fait et enseigné depuis près de 2000 ans et abandonnera
ces principes conciliaires qui ont mené l’Eglise au bord du
précipice.
Cette grâce viendra, n’en doutons point ! Quand ?
Dieu seul le sait, mais Lui-même, de toute éternité, compte
sur nos prières, nos sacrifices pour nous accorder ce secours
tant désiré. Ce sera alors son heure. « C'est le propre du secours
céleste (…) d'arriver toujours à point, et de se présenter à
l'homme au temps le plus convenable. Auxiliaire intelligent,
si le Seigneur Dieu des armées prête main-forte à sa créature,
toujours il fait survenir le renfort au moment critique et décisif
; et l'on peut dire que la principale efficacité de l'intervention
divine consiste ordinairement dans sa pleine opportunité ».
C’est ainsi que la toute-puissance de Dieu et sa miséricorde
se manifesteront, de telle sorte que nul homme ne pourra s’attribuer
cette victoire future. Cette vérité doit nous remplir d’espérance
et de confiance comme l’exprime si bien saint Paul : « si Dieu
est avec nous, qui sera contre nous ? »
Par rapport aux épreuves
de la vie et particulièrement celles que traversent l’Eglise,
il nous faut vivre au temps présent sans chercher à précéder
l’heure de Dieu, sans forcer la Providence. Gardons au fond
de nos âmes une ferme confiance en ce secours qui ne nous fera
jamais défaut si nous nous comportons en bons fils de Dieu.
Relisons dans l’Ancien Testament le livre de Daniel au chapitre
XIII : Dieu sauva la vie de la chaste Suzanne et la récompensa
de sa confiance alors que la situation semblait perdue suite
aux faux témoignages des deux vieillards qui furent finalement
condamnés à sa place. Voyez la réalisation de la promesse de
Notre Seigneur qui avait annoncé à ses apôtres et à ses disciples
qu’il enverrait « un autre Consolateur pour qu’il demeure avec
vous, l’Esprit de Vérité (…) qui vous enseignera toute choses
et vous rappellera tout ce que je vous ai dit ». Le Saint-Esprit
vint en effet le jour de la Pentecôte. Méditez aussi la prière
que nous a enseignée Notre Seigneur. Il nous invite à demander
le pain du jour, « donnez nous notre pain quotidien » et non
celui que nous nécessiterons dans un mois ou une année. Voyez
aussi cette promesse qu’il fit à ceux qui souffrirons pour lui
: « Ne vous inquiétez pas comment vous défendre ou que dire,
car le Saint- Esprit vous enseignera au moment même ce qu’il
faut dire ». L’adage populaire s’inspire de cette promesse pour
dire « qu’avant l’heure ce n’est pas l’heure ». Ainsi nous garderons
la paix, loin des inquiétudes qui ruinent l’âme et la détournent
de l’essentiel.
Un jour donc, quand sonnera l’heure de Dieu,
Rome manifestera à la FSSPX sa reconnaissance pour sa fidélité
et s’appuiera sur elle pour reconstruire la chrétienté. Pour
hâter ce jour, restons fermes dans la foi, sans compromission
avec les erreurs qui fourmillent dans l’Eglise. Accomplissons
notre devoir d’état, prions, faisons pénitence, étudions notre
sainte religion et gardons confiance comme Notre Dame attendant
la résurrection de son Fils au lendemain du Vendredi saint.
Je terminerai ces quelques considérations en vous laissant cette
prière composée par Madame Elisabeth, sœur du Roi Louis XVI,
qui, se sachant condamnée par la Révolution par haine de la
foi, se préparait aux évènements tragiques qui l’attendaient.
Elle mourra en effet sur l’échafaud après avoir récité quotidiennement
cette prière qui lui fut d’un grand secours et que nous pourrions
faire nôtre : « que m'arrivera-t-il aujourd'hui, ô mon Dieu,
je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est qu'il ne m'arrivera
rien que vous ne l'ayez prévu de toute éternité. Cela me suffit,
ô mon Dieu, pour être tranquille. J'adore vos desseins éternels,
je m’y soumets de tout mon cœur ; je veux tout, j'accepte tout,
je vous fais un sacrifice de tout ; j'unis ce sacrifice à celui
de votre cher Fils, mon Sauveur, vous demandant, par son Sacré-Cœur
et par ses mérites infinis, la patience dans mes maux et la
parfaite soumission qui vous est due pour tout ce que vous voudrez
et permettrez ».
Que Dieu vous bénisse!
Que Dieu vous bénisse!