SOURCE - Candidus - Le Forum Catholique - 15 octobre 2012
La nouvelle qui semble se confirmer du renvoi de Mgr Williamson de la FSSPX apparaît au premier abord comme l'épilogue des discussions romaines entreprises par Mgr Fellay. Cette apparence est trompeuse car ces discussions ne sont nullement la cause de la crise actuelle de la FSSPX, disons qu'elles ont joué le rôle de catalyseur ; qu'elles en ont été la cause efficiente.
Je voudrais essayer de démontrer dans ce message que l'ont peut affirmer que la logique de la division actuelle qui frappe de plein fouet la FSSPX était déjà à l'oeuvre dès sa fondation.
Ce qui jusqu'à présent avait permis à l'oeuvre de Mgr Lefebvre de maintenir plus ou moins son unité était l'attachement religieux à son fondateur dont personne en son sein n'osait mettre en doute la sainteté et le prophétisme.
Tout bon membre de la FSSPX manifestait à l'égard de Mgr Lefebvre ce qu'un catholique doit manifester à l'égard du St Père, c'est-à-dire : il a a-priori raison et si mes lumières personnelles, ma pauvre intelligence bornée, me conduit à voir d'une certaine couleur ce que lui déclare être d'une autre couleur, c'est que, nécessairement, je me suis égaré, ce qui dans le langage saintpidiste se traduit par "ne pas avoir l'esprit de Monseigneur".
Ce que l'ont refuse au pape lorsqu'il affirme une continuité doctrinale, là où d'autres voient une rupture, on l'acceptait du fondateur lorsqu'il condamnait et expulsait de sa Fraternité des éléments perturbateurs qui avaient l'outrecuidance d'utiliser leur jugement propre (qu'ils déguisaient eux-aussi sous l'euphémisme habituel de "constat objectif") aux dépens de leur supérieur, Mgr Lefebvre.
Pour qui connaît un peu la FSSPX (et je pense être de ceux-là de par mon histoire personnelle), il ne fait aucun doute que cette organisation à toujours comporté en son sein une frange quasi, voire crypto sédévacantiste et Mgr Williamson en était certainement le membre le plus éminent.
Permettez-moi de relater un souvenir personnel qui remonte à la période située entre les consécrations épiscopales et la mort de Mgr Lefebvre. Lors d'un voyage transatlantique en compagnie de Mgr Williamson la discussion s'était portée sur le sédévacantisme. Mgr Williamson m'avait fort étonné en déclarant qu'il n'avait rien contre la thèse sédévacantiste, si ce n'était que Mgr Lefebvre ne l'avait pas (encore) embrassée. Très clairement, il m'a indiqué qu'il n'aurait aucun scrupule à dénoncer l'illégitimité de Jean-Paul II et à déclarer le siège de Pierre vacant si "Monseigneur" adoptait cette position.
Qu'on réfléchisse un peu à cette affirmation : avant d'adopter une thèse aussi grave et aux conséquences théologiques aussi explosives, Mgr Williamson ne réclamait aucune argumentation béton, aucune démonstration théologique irréfutable, aucune réfutation de ce qui était pourtant la position officielle de la FSSPX ; non ! Il suffisait que "Monseigneur" le veuille et aussitôt pour lui Jean-Paul II devenait antipape !
La Fraternité St Pie X a toujours eu un problème avec la notion d'autorité et par conséquent avec celle d'unité ; c'est le lot de tous les groupes qui ont pour principe d'unité une personne : en effet, une personne, c'est mortel.
Ceux qui ont connu la FSSPX dans les années précédant 1988 se souviennent peut être d'un tabou qui régnait alors : évoquer l'éventualité de "la mort de Monseigneur". Avec le recul du temps, et malgré la nouvelle donne qu'ont entraîné les sacres de 1988, on doit reconnaître que ce tabou (qui dissimulait une frayeur panique notamment chez les séminaristes) n'était finalement pas si puéril que cela et je crois que ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux nous le démontre.
Mgr Lefebvre et son charisme (qui était en fait un "anti-charisme" comme on parle d'anti-héros, ce qui constitue la forme la plus efficace et le degré le plus élevé du charisme et de l'héroïsme) était le lien qui permettait la cohabitation de personnalités et de sensibilités aussi contrastées que celles d'un Mgr Williamson, des abbés Aulagnier, Laguérie, de Tanouarn, etc.
Dans les premiers temps qui suivent la disparition physique du "ciment fédérateur", la dynamique de la division n'apparaît pas immédiatement mais déjà elle commence son travail souterrain destructeur et destructurateur.
Au début de l'ère qui suit la disparition du fondateur-fédérateur se trouve à la tête de l'organisation des autorités qui ont été soit mises en place par lui, soit qui ont bénéficié de son onction. Elles bénéficient donc d'une certaine "protection", d'une légitimité posthume ; mais le temps joue contre l'apparente et fragile unité de l'organisation parce que, comme dans tout corps social, une croissance et un renouvellement naturel va entraîner l'apparition de nouvelles personnalités qui n'auront, elles, pas pu bénéficier de l'onction du fondateur ou alors pas dans le type de fonction qui leur échoit (Mgr Fellay en tant que supérieur, par exemple).
Mais ce n'est pas ce qui est le plus perturbant pour une structure jouissant de ce type de fausse unité ; le plus grand danger qui la guette, c'est que les temps changent, les contextes historiques se modifient, les personnes que l'on a en face de soi et qui ont directement ou indirectement influencé certaines prises de positions du fondateur se renouvellent ou évoluent : Benoît XVI n'est plus le cardinal Ratzinger (le "serpent") ; il n'est pas Jean-Paul II ; le clergé de la génération BXVI n'est plus celui de la génération JPII et encore moins celui de la génération Paul VI ; le Motu Proprio de 2007 n'est pas l'indult de 1988, etc, etc.
Alors que faire ? Le fondateur n'est plus là pour décider de la praxis à adopter. Que faire ? Eh bien la seule chose que l'on pouvait faire à moins de remettre en cause "la fidélité à l'esprit de Monseigneur", véritable socle du combat de la Fraternité, c'était de s'efforcer d' INTERPRÉTER la pensée du fondateur en tentant de l'appliquer aux réalités nouvelles et c'est ce jour-là que l'on a ouvert la boîte de Pandore...
En effet, quand on a pour principe fédérateur la pensée d'un homme aussi pragmatique que Mgr Lefebvre, une personnalité qui a vécu à une époque aussi troublée que celle des années d'après concile ; époque durant laquelle les conservateurs titubaient sous les coups de poing d'une modernité délirante ; temps où tous, y compris l'autorité, tâtonnaient pour trouver sa route dans l'obscurité et l'euphorie étouffante issue des années soixante. Quand on dépend de la pensée d'un tel homme qui a vécu dans un tel contexte, alors, bonjour les dégâts, car très vite la fiction selon laquelle Monseigneur a été et demeure le guide sûr permettant de cheminer sur la crête dangereuse qui sépare le sédévacantisme du ralliement (n'y a-t-il pas autant de crêtes que d'individus ? Ne foulons-nous pas chacun notre crête ?) va s'avérer un guide ectoplasmique face aux bourrasques issues de tempéraments qui se sont forgés dans le creuset du combat anti moderniste et qui insidieusement ont ingéré le virus du libre examen ; et on en arrive à la crise actuelle qui se cristallise sur Mgr Williamson.
Ce qui frappe dans les derniers rebondissements de cette crise c'est que Mgr Fellay ne peut ignorer que le renvoi de Mgr Williamson entraînera le départ de nombreux prêtres qui préfèreront suivre le prélat anglais. Ce nombre aurait été bien plus élevé d'ailleurs s'il n'y avait pas eu l'épisode des déclarations révisionnistes (sans parler des lubies conspirationnistes) de Mgr Williamson qui très ironiquement vont jouer en faveur de Mgr Fellay.
Mgr Fellay sait donc qu'il a beaucoup à perdre dans le renvoi de Mgr Williamson et pourtant il semble avoir opté pour l'épreuve de force. Pourquoi ?
Je crois la réponse simple : ces derniers mois l'atmosphère est devenue irrespirable au sein de la FSSPX et Mgr Fellay juge que finalement une purge est indispensable sous peine de devoir gérer une Fraternité devenue complètement ingouvernable.
Mgr Fellay prend là un grand risque en raison de l'épiscopat de celui qu'il exclut. Dorénavant tous les mécontents de la FSSPX qui ne pouvaient se résoudre ni à joindre le camp des "ralliés" ni celui des sédévacantistes explicites, ceux-ci auront désormais une 3ème voie (à moins que la FSSPX canal historique adopte explicitement le sédévacantisme, mais à court terme j'en doute) : une organisation pouvant exciper d'une indéniable filiation avec Mgr Lefebvre et en mesure de se perpétuer grâce à l'épiscopat de Mgr Williamson.
Il en sera de même des "communautés amies" de la FSSPX dont certaines connaissaient régulièrement de graves tensions avec la direction de la Fraternité. Jusqu'à présent, le chantage à l'ordination fonctionnait plutôt bien, mais avec la disparition de ce moyen de pression, et les tentatives inévitables que conduira la FSSPX Canal Historique afin d'asseoir sa légitimité en attirant ces communautés dans son orbite, on peut prédire une complète reconfiguration du paysage religieux traditionaliste.
Une autre difficulté à laquelle devra faire face Mgr Fellay se présentera le jour -qui ne saurait tarder- où Mgr Williamson, au nom de l'état de nécessité, consacrera des évêques.
Au nom de quel principe Mgr Fellay condamnera cet acte ? Au nom d'une infidélité de Mgr Williamson à ses engagements dans la FSSPX ? Ce serait une base fragile pour en conclure que les consécrations auxquelles il aura procédé lui vaudrait une excommunication ; surtout que Mgr Williamson aura beau jeu de démontrer que Mgr Fellay s'est éloigné sur certains points des positions, souvent contradictoires en raison des circonstances différentes qui les engendraient, que défendait Mgr Lefebvre.
Et cela me conduit à envisager une conséquence positive possible de ce chamboulement du paysage religieux traditionnel : une fois expulsé de la FSSPX, Mgr Williamson deviendra un abcès de fixation qui débarrassera la FSSPX de sa nébuleuse extrémiste, conspirationniste, aigrie et quasi sédévacantiste. D'une certaine manière cela facilitera le gouvernement de la FSSPX par Mgr Fellay.
Peut être alors apparaîtra-t-il clairement à Mgr Fellay et aux prêtres qui lui resteront fidèles (certainement la majorité) que le principe révolutionnaire mis en oeuvre par Mgr Williamson et ses partisans est le même que celui qu'eux-mêmes utilisent dans leur relation avec le magistère pétrinien : un succédané du libre examen protestant appliqué non pas aux Écritures mais à la Tradition et déguisé sous l'euphémisme de "constat objectif" de la discontinuité de l'enseignement du pape avec la Tradition. En d'autre termes, le refus de la 13ème règle "pour sentir avec l'Église" des Exercices Spirituels de St Ignace qui ont pourtant toujours joué un rôle de premier plan dans la spiritualité de la Fraternité.
Un examen de conscience pourrait alors en résulter et l'absence d'une opposition interne, grâce au départ de Mgr Williamson, pourrait permettre un véritable rapprochement et un accord avec Rome sur la base de ce que réclamait Mgr Lefebvre dans les années 70, avant de se laisser happer par une dynamique de la surenchère que l'on peut comprendre aux vues du contexte de l'époque ("à la limite du supportable" dixit Benoît XVI) : "Laissez-nous faire l'expérience de la Tradition."
La nouvelle qui semble se confirmer du renvoi de Mgr Williamson de la FSSPX apparaît au premier abord comme l'épilogue des discussions romaines entreprises par Mgr Fellay. Cette apparence est trompeuse car ces discussions ne sont nullement la cause de la crise actuelle de la FSSPX, disons qu'elles ont joué le rôle de catalyseur ; qu'elles en ont été la cause efficiente.
Je voudrais essayer de démontrer dans ce message que l'ont peut affirmer que la logique de la division actuelle qui frappe de plein fouet la FSSPX était déjà à l'oeuvre dès sa fondation.
Ce qui jusqu'à présent avait permis à l'oeuvre de Mgr Lefebvre de maintenir plus ou moins son unité était l'attachement religieux à son fondateur dont personne en son sein n'osait mettre en doute la sainteté et le prophétisme.
Tout bon membre de la FSSPX manifestait à l'égard de Mgr Lefebvre ce qu'un catholique doit manifester à l'égard du St Père, c'est-à-dire : il a a-priori raison et si mes lumières personnelles, ma pauvre intelligence bornée, me conduit à voir d'une certaine couleur ce que lui déclare être d'une autre couleur, c'est que, nécessairement, je me suis égaré, ce qui dans le langage saintpidiste se traduit par "ne pas avoir l'esprit de Monseigneur".
Ce que l'ont refuse au pape lorsqu'il affirme une continuité doctrinale, là où d'autres voient une rupture, on l'acceptait du fondateur lorsqu'il condamnait et expulsait de sa Fraternité des éléments perturbateurs qui avaient l'outrecuidance d'utiliser leur jugement propre (qu'ils déguisaient eux-aussi sous l'euphémisme habituel de "constat objectif") aux dépens de leur supérieur, Mgr Lefebvre.
Pour qui connaît un peu la FSSPX (et je pense être de ceux-là de par mon histoire personnelle), il ne fait aucun doute que cette organisation à toujours comporté en son sein une frange quasi, voire crypto sédévacantiste et Mgr Williamson en était certainement le membre le plus éminent.
Permettez-moi de relater un souvenir personnel qui remonte à la période située entre les consécrations épiscopales et la mort de Mgr Lefebvre. Lors d'un voyage transatlantique en compagnie de Mgr Williamson la discussion s'était portée sur le sédévacantisme. Mgr Williamson m'avait fort étonné en déclarant qu'il n'avait rien contre la thèse sédévacantiste, si ce n'était que Mgr Lefebvre ne l'avait pas (encore) embrassée. Très clairement, il m'a indiqué qu'il n'aurait aucun scrupule à dénoncer l'illégitimité de Jean-Paul II et à déclarer le siège de Pierre vacant si "Monseigneur" adoptait cette position.
Qu'on réfléchisse un peu à cette affirmation : avant d'adopter une thèse aussi grave et aux conséquences théologiques aussi explosives, Mgr Williamson ne réclamait aucune argumentation béton, aucune démonstration théologique irréfutable, aucune réfutation de ce qui était pourtant la position officielle de la FSSPX ; non ! Il suffisait que "Monseigneur" le veuille et aussitôt pour lui Jean-Paul II devenait antipape !
La Fraternité St Pie X a toujours eu un problème avec la notion d'autorité et par conséquent avec celle d'unité ; c'est le lot de tous les groupes qui ont pour principe d'unité une personne : en effet, une personne, c'est mortel.
Ceux qui ont connu la FSSPX dans les années précédant 1988 se souviennent peut être d'un tabou qui régnait alors : évoquer l'éventualité de "la mort de Monseigneur". Avec le recul du temps, et malgré la nouvelle donne qu'ont entraîné les sacres de 1988, on doit reconnaître que ce tabou (qui dissimulait une frayeur panique notamment chez les séminaristes) n'était finalement pas si puéril que cela et je crois que ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux nous le démontre.
Mgr Lefebvre et son charisme (qui était en fait un "anti-charisme" comme on parle d'anti-héros, ce qui constitue la forme la plus efficace et le degré le plus élevé du charisme et de l'héroïsme) était le lien qui permettait la cohabitation de personnalités et de sensibilités aussi contrastées que celles d'un Mgr Williamson, des abbés Aulagnier, Laguérie, de Tanouarn, etc.
Dans les premiers temps qui suivent la disparition physique du "ciment fédérateur", la dynamique de la division n'apparaît pas immédiatement mais déjà elle commence son travail souterrain destructeur et destructurateur.
Au début de l'ère qui suit la disparition du fondateur-fédérateur se trouve à la tête de l'organisation des autorités qui ont été soit mises en place par lui, soit qui ont bénéficié de son onction. Elles bénéficient donc d'une certaine "protection", d'une légitimité posthume ; mais le temps joue contre l'apparente et fragile unité de l'organisation parce que, comme dans tout corps social, une croissance et un renouvellement naturel va entraîner l'apparition de nouvelles personnalités qui n'auront, elles, pas pu bénéficier de l'onction du fondateur ou alors pas dans le type de fonction qui leur échoit (Mgr Fellay en tant que supérieur, par exemple).
Mais ce n'est pas ce qui est le plus perturbant pour une structure jouissant de ce type de fausse unité ; le plus grand danger qui la guette, c'est que les temps changent, les contextes historiques se modifient, les personnes que l'on a en face de soi et qui ont directement ou indirectement influencé certaines prises de positions du fondateur se renouvellent ou évoluent : Benoît XVI n'est plus le cardinal Ratzinger (le "serpent") ; il n'est pas Jean-Paul II ; le clergé de la génération BXVI n'est plus celui de la génération JPII et encore moins celui de la génération Paul VI ; le Motu Proprio de 2007 n'est pas l'indult de 1988, etc, etc.
Alors que faire ? Le fondateur n'est plus là pour décider de la praxis à adopter. Que faire ? Eh bien la seule chose que l'on pouvait faire à moins de remettre en cause "la fidélité à l'esprit de Monseigneur", véritable socle du combat de la Fraternité, c'était de s'efforcer d' INTERPRÉTER la pensée du fondateur en tentant de l'appliquer aux réalités nouvelles et c'est ce jour-là que l'on a ouvert la boîte de Pandore...
En effet, quand on a pour principe fédérateur la pensée d'un homme aussi pragmatique que Mgr Lefebvre, une personnalité qui a vécu à une époque aussi troublée que celle des années d'après concile ; époque durant laquelle les conservateurs titubaient sous les coups de poing d'une modernité délirante ; temps où tous, y compris l'autorité, tâtonnaient pour trouver sa route dans l'obscurité et l'euphorie étouffante issue des années soixante. Quand on dépend de la pensée d'un tel homme qui a vécu dans un tel contexte, alors, bonjour les dégâts, car très vite la fiction selon laquelle Monseigneur a été et demeure le guide sûr permettant de cheminer sur la crête dangereuse qui sépare le sédévacantisme du ralliement (n'y a-t-il pas autant de crêtes que d'individus ? Ne foulons-nous pas chacun notre crête ?) va s'avérer un guide ectoplasmique face aux bourrasques issues de tempéraments qui se sont forgés dans le creuset du combat anti moderniste et qui insidieusement ont ingéré le virus du libre examen ; et on en arrive à la crise actuelle qui se cristallise sur Mgr Williamson.
Ce qui frappe dans les derniers rebondissements de cette crise c'est que Mgr Fellay ne peut ignorer que le renvoi de Mgr Williamson entraînera le départ de nombreux prêtres qui préfèreront suivre le prélat anglais. Ce nombre aurait été bien plus élevé d'ailleurs s'il n'y avait pas eu l'épisode des déclarations révisionnistes (sans parler des lubies conspirationnistes) de Mgr Williamson qui très ironiquement vont jouer en faveur de Mgr Fellay.
Mgr Fellay sait donc qu'il a beaucoup à perdre dans le renvoi de Mgr Williamson et pourtant il semble avoir opté pour l'épreuve de force. Pourquoi ?
Je crois la réponse simple : ces derniers mois l'atmosphère est devenue irrespirable au sein de la FSSPX et Mgr Fellay juge que finalement une purge est indispensable sous peine de devoir gérer une Fraternité devenue complètement ingouvernable.
Mgr Fellay prend là un grand risque en raison de l'épiscopat de celui qu'il exclut. Dorénavant tous les mécontents de la FSSPX qui ne pouvaient se résoudre ni à joindre le camp des "ralliés" ni celui des sédévacantistes explicites, ceux-ci auront désormais une 3ème voie (à moins que la FSSPX canal historique adopte explicitement le sédévacantisme, mais à court terme j'en doute) : une organisation pouvant exciper d'une indéniable filiation avec Mgr Lefebvre et en mesure de se perpétuer grâce à l'épiscopat de Mgr Williamson.
Il en sera de même des "communautés amies" de la FSSPX dont certaines connaissaient régulièrement de graves tensions avec la direction de la Fraternité. Jusqu'à présent, le chantage à l'ordination fonctionnait plutôt bien, mais avec la disparition de ce moyen de pression, et les tentatives inévitables que conduira la FSSPX Canal Historique afin d'asseoir sa légitimité en attirant ces communautés dans son orbite, on peut prédire une complète reconfiguration du paysage religieux traditionaliste.
Une autre difficulté à laquelle devra faire face Mgr Fellay se présentera le jour -qui ne saurait tarder- où Mgr Williamson, au nom de l'état de nécessité, consacrera des évêques.
Au nom de quel principe Mgr Fellay condamnera cet acte ? Au nom d'une infidélité de Mgr Williamson à ses engagements dans la FSSPX ? Ce serait une base fragile pour en conclure que les consécrations auxquelles il aura procédé lui vaudrait une excommunication ; surtout que Mgr Williamson aura beau jeu de démontrer que Mgr Fellay s'est éloigné sur certains points des positions, souvent contradictoires en raison des circonstances différentes qui les engendraient, que défendait Mgr Lefebvre.
Et cela me conduit à envisager une conséquence positive possible de ce chamboulement du paysage religieux traditionnel : une fois expulsé de la FSSPX, Mgr Williamson deviendra un abcès de fixation qui débarrassera la FSSPX de sa nébuleuse extrémiste, conspirationniste, aigrie et quasi sédévacantiste. D'une certaine manière cela facilitera le gouvernement de la FSSPX par Mgr Fellay.
Peut être alors apparaîtra-t-il clairement à Mgr Fellay et aux prêtres qui lui resteront fidèles (certainement la majorité) que le principe révolutionnaire mis en oeuvre par Mgr Williamson et ses partisans est le même que celui qu'eux-mêmes utilisent dans leur relation avec le magistère pétrinien : un succédané du libre examen protestant appliqué non pas aux Écritures mais à la Tradition et déguisé sous l'euphémisme de "constat objectif" de la discontinuité de l'enseignement du pape avec la Tradition. En d'autre termes, le refus de la 13ème règle "pour sentir avec l'Église" des Exercices Spirituels de St Ignace qui ont pourtant toujours joué un rôle de premier plan dans la spiritualité de la Fraternité.
Un examen de conscience pourrait alors en résulter et l'absence d'une opposition interne, grâce au départ de Mgr Williamson, pourrait permettre un véritable rapprochement et un accord avec Rome sur la base de ce que réclamait Mgr Lefebvre dans les années 70, avant de se laisser happer par une dynamique de la surenchère que l'on peut comprendre aux vues du contexte de l'époque ("à la limite du supportable" dixit Benoît XVI) : "Laissez-nous faire l'expérience de la Tradition."