SOURCE - Frère Bruno de Jésus-Marie - La Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle - octobre 2012
L’Église ne
prêche plus la vérité. Elle est entrée depuis cinquante ans dans un
silence pathologique dont les dernières années de notre Père furent la
figure impressionnante. La Documentation catholique a publié en
août dernier le document convaincant de ce fait clinique. À la demande
de la Congrégation pour la doctrine de la foi, la Commission théologique
internationale, qui regroupe trente théologiens triés sur le volet, a
rendu public, après sept années de travaux, un texte définissant les
traits distinctifs de la théologie catholique sous le titre : La théologie aujourd’hui : perspectives, principes et critères (La Documentation catholique, no 2494, août 2012, p. 681-708).
Une introduction énonce clairement, ostensiblement, selon le procédé
utilisé par Jean-Paul II dans ses encycliques, la thèse générale comme
la majeure d’un raisonnement indiscutable, ce qui paralyse d’emblée
toute velléité de critique négative :
« Les années qui ont suivi le deuxième concile du Vatican ont été extrêmement fécondes pour la théologie catholique. De nouvelles voix théologiques se sont fait entendre, particulièrement celles de laïcs et de femmes. » Suit une énumération des « nouveaux thèmes de réflexion » qui sont apparus dans des « contextes culturels nouveaux, particulièrement d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie » : la paix, la justice, la libération, l’écologie et bioéthique [...], développements
fondamentalement positifs. La théologie catholique s’est efforcée de
suivre le chemin ouvert par le Concile qui désirait exprimer sa “ solidarité, [son] respect et [son] amour à l’ensemble de la famille humaine ”, en établissant un dialogue avec elle et en lui offrant “ la puissance salvatrice que l’Église, conduite par l’Esprit-Saint reçoit de son fondateur ”. »
Le « dialogue » supplante l’apostolat hiérarchique conforme à
l’ordre surnaturel ou naturel, qui est paternel, autoritaire,
transcendant, objectivement divin. Remplacé par la vision subjective
qu’un chrétien propose à l’autre dont la propre vision subjective est a priori de même valeur.
Mais voici l’aveu :
« Toutefois, cette période [postconciliaire] a aussi connu une certaine fragmentation de la théologie et, dans le dialogue dont on vient de parler, la théologie est sans cesse confrontée au défi de maintenir son identité propre. »
“ Fragmentation ” ? C’est ce que Notre-Dame de Fatima appelle de son vrai nom de “ ruine ” : « Le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine. »
La fin de l’Église était, traditionnellement, de conduire les hommes
au Ciel par le Christ ; elle est nouvellement de les amener à la
solidarité d’un genre humain réconcilié et fraternel. Le culte de Dieu
et le salut des âmes le cèdent à la constitution de ce nouveau genre
humain. L’Église se dissout volontairement dans le monde. Au lieu de
prétendre être elle-même la famille des enfants de Dieu, elle rallie la
nouvelle internationale de « la famille humaine ».
Quel rapport avec le salut éternel ? On comprend que Notre-Dame de
Fatima ait montré l’Enfer aux enfants ; car c’est à cela qu’il s’agit
d’échapper, et que l’on perd de vue depuis le Concile, par la faute du
Concile.
En tout cas, nous comprenons d’emblée que la théologie catholique ne
jouit d’aucune exclusivité aux yeux des auteurs de ce document, en
raison « des voies sans nombre par lesquelles la grâce de Dieu œuvre pour le salut [dont la nature n’est pas précisée] dans des contextes divers » (no 2), et pas seulement dans l’Église catholique car « tous les hommes, par le Christ, Verbe fait chair, ont accès dans l’Esprit Saint au Père et sont ainsi rendus participants de la nature divine » [no 4 ; référence à Dei Verbum no 2]. Comme ça ? Sans baptême, ni conversion, ni prière, ni pénitence?
Non seulement la théologie, mais la foi elle-même, définie non comme une vertu mais comme « une expérience de Dieu »
(no 12), n’est pas considérée comme spécifiquement catholique ni même
surnaturelle par nos théologiens, citation de l’encyclique Fides et Ratio à l’appui :
« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. » (no 17)
Ce sont les premiers mots de cette encyclique de Jean-Paul II qui se
présentait déjà, en 1998, comme une remise en ordre des principes de la
philosophie et de la théologie. Comparer la foi et la raison à « deux ailes »
également porteuses et motrices, c’est établir une symétrie
fallacieuse, expliquait notre Père, une égale perfection entre la foi
qui est une grâce du Dieu vivant, et la raison, qui est une faculté
humaine, naturelle, infirme quand elle reste étrangère à la foi.
Il en résulte un déséquilibre qui se manifeste aussitôt au paragraphe suivant :
« L’intellectus fidei [l’intelligence de la foi] ne devient théologie au sens strict que quand le croyant entreprend de présenter le contenu du mystère chrétien d’une manière rationnelle et scientifique. » (no 18) Autant dire que l’avion s’écrase au bout de la piste au lieu de prendre son envol.
C’est toute la différence avec la théologie de Georges de Nantes, qui
est “ totale ” donc mystique, c’est-à-dire religieuse, mettant l’âme en relation réelle, vivante, avec Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. La “ religion ”, c’est cela ou ce n’est rien!
frère Bruno de Jésus-Marie.