15 octobre 2012

[Abbé Pierre Barrère, fsspx - Le Pélican] Soyons fidèles à l’Eglise de toujours

SOURCE -Abbé Pierre Barrère, fsspx - Le Pélican - septembre/octobre 2012

« Il relève de la fonction du bon chef de rendre ses soldats prudents contre des embûches. » Il est vrai que notre ennemi est perfide et rusé.  « Nombreuses sont les ruses de l’homme perfide. Il siège au milieu des ruses avec les riches (Psaume 10, 8), c’est-à-dire avec les orgueilleux. » (Sermon de saint Thomas d’Aquin sur les faux prophètes.)

Depuis quelques mois, à savoir depuis le 14 septembre 2011 beaucoup de choses étaient obscures dans les relations de la Fraternité avec Rome d’où les troubles que cela a engendrés dans nos rangs. Les dernières nouvelles que notre Supérieur général nous a communiquées dans une conférence au cours de la retraite sacerdotale à Ecône le vendredi 7 septembre 2012 ont l’avantage de dissiper un brouillard tenace et de nous apporter la clarté du moins quant aux intentions du Pape et de la Rome actuelle vis-à-vis de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX). Ce qui veut dire que nous savons désormais à quoi nous en tenir. Les ennemis de l’Eglise qui ont pris la peau de mouton pendant quelques mois pour se rapprocher des traditionnalistes et les circonvenir sont désormais mieux identifiés. A nous donc de nous maintenir sur nos gardes et de nous méfier en imitant la prudence du serpent vis-à-vis de ces professionnels de l’embrouille.

En fait que s’est-il passé durant la période de septembre 2011 jusqu’à la fin du mois de juin 2012 ? Certaines personnalités romaines ont réussi à faire croire à nos supérieurs de Menzingen que le Pape et ses proches collaborateurs voulaient désormais rendre le concile discutable ou objet d’opinion. Plusieurs évènements ces dernières années pouvaient donner quelque fondement à ces rumeurs. D’abord il y a eu les petites ouvertures de Benoît XVI en faveur de la FSSPX concernant les conditions réclamées par celle-ci avant d’entamer de nouvelles relations. Il y a eu encore les livres de Mgr Bruno Ghérardini «  Vatican II un débat à ouvrir » et  « Vatican II le concile qui n’a pas eu lieu » ainsi que d’autres écrits d’auteurs extérieurs à la FSSPX qui allaient dans le sens d’une vague remise en question du dernier concile ( le bulletin d’information DICI s’en est fait l’écho dans ses colonnes ). Ces écrits ont eu un succès certain dans nos chapelles. Le Pape n’a pas semblé désapprouver tout cela aussi peut-être en était-il discrètement le chef d’orchestre dans le but remettre de l’ordre dans l’Eglise. En effet sous Jean Paul II et Paul VI nous n’avions pas connu un tel climat de contestation du concile, sauf bien sûr, de la part de la FSSPX. Egalement les discussions doctrinales tenues secrètes des théologiens de la Fraternité et des experts romains ont pu amener à penser que la Rome actuelle était prête à revoir certaines de ses positions et à redresser les plus graves de ses déviances concernant surtout la nouvelle messe, l’œcuménisme, la liberté religieuse et beaucoup d’autres choses encore. Enfin les médias ont diffusé des émissions télévisées présentant Benoit XVI comme un Pape qui ne croit plus au concile Vatican II. Les journalistes semblent suivre la dessus une directive précise : il faut montrer ce Pape comme un crypto intégriste prêt à tout accorder à la FSSPX. Ainsi les médias, ces faiseurs d’opinion, font coup double :

a) Ils paralysent les initiatives de Benoît XVI dans le cas où il aurait la velléité d’être trop favorable à la Tradition (personne n’aime avoir la réputation d’intégriste surtout pas le chef de l’Eglise officielle  qui se doit d’avoir la réputation d’un homme large et ouvert).

 b) Plus tard il sera plus facile a un successeur progressiste de démolir les petites avancées favorables à la Tradition en les dénonçant comme trop favorables à l’intégrisme. C’est la technique révolutionnaire bien connue : trois pas en avant (ex : Jean Paul II) et deux pas en arrière (ex : Benoît XVI), le prochain : trois pas en avant …etc... Ainsi on s’éloigne toujours plus, mais en douceur, de la foi de l’Eglise.

Le résultat a été que nos dirigeants de Menzingen se sont imaginé qu’un petit commencement de lumière semblait poindre dans les têtes romaines. Etait-ce une lueur d’espoir qu’il ne fallait pas éteindre ? « N’éteins pas la mèche qui fume encore » dit la Sainte Ecriture. Comptant sur la toute puissance de Dieu et l’appui de Notre Dame par les millions de chapelets successifs ils ont estimé qu’il fallait adopter durant cette période l’attitude de la simple colombe c’est-à-dire faire confiance devant les signes positifs imparfaits, certes, mais tout de même positifs. Aussi le discours était du genre : Rome avec Benoît XVI commence à sortir de sa léthargie, Rome va ouvrir les yeux, Rome ouvre les yeux et se rend compte des erreurs qu’elle diffuse depuis 50 ans qui font perdre la foi et vident paroisses et séminaires, elle veut corriger mais ne le peut pas tout d’un coup, elle est du moins en train de comprendre que sa rupture avec l’Eglise de toujours est de plus en plus patente. Le Pape nous veut pour le bien de l’Eglise, on ne peut pas refuser de répondre à son appel…etc…etc.

Cependant depuis fin juin on peut dire que cette vue optimiste d’une Rome touchée par la grâce n’est plus de mise.

Trois demandes ont été faites par la Pape à notre Supérieur qui les a naturellement repoussées parce qu’elles sont clairement contraires à la vérité. Quelles sont-elles ?

Dans une lettre du 30 juin le pape réclame de la Fraternité :
  1. Une acceptation du magistère actuel comme interprète authentique de la Tradition.
  2. Une acceptation du Concile Vatican II comme partie intégrante de la Tradition.
  3. Une reconnaissance de la validité et la licéité de la nouvelle messe.
Pour ces trois demandes la réponse de notre Supérieur général est chaque fois la même : Non.

Non possumus ! Impossible d’appeler vrai ce qui est faux.

Reprenons et expliquons brièvement l’attitude de la FSSPX car vous devez comprendre que c’est tout simplement l’attitude de la foi.

1) Le magistère actuel (c’est-à-dire celui des papes conciliaires) n’est pas systématiquement interprète authentique de la Tradition à cause de sa philosophie et théologie modernistes, à cause de ses scandales et à cause de beaucoup d’autres choses. Quelles choses ? Un exemple ? Oui, un seul, mais il est de taille et il a toujours été repris par Mgr Lefebvre : Ils ont découronné Notre Seigneur Jésus-Christ c’est-à-dire ils ont œuvré dans la doctrine (Concile Vatican II : dignitatis humanae) et dans la pratique à la disparition des Etats catholiques. De fait ils défendent la liberté religieuse et l’égalité de traitement des religions, la vraie comme les fausses sans distinction, comme un droit inscrit dans la nature humaine. Donc il a fallu supprimer les derniers Etats catholiques qui favorisaient la religion catholique. Ils l’ont fait sans problème. Péché énorme ! Chose on ne peut plus fausse et absolument contraire à la vraie religion et qui démontre à elle seule qu’on ne peut pas se fier à un tel magistère. (Lire le livre : «  Ils l’ont découronné » de Mgr Lefebvre).

2) Le concile Vatican II ne fait pas partie intégrante de la Tradition, il est plutôt une entreprise du parti moderniste pour désintégrer la Tradition. La puissance de ce parti est encore forte aujourd’hui du fait qu’il occupe presque partout les principaux postes de commande. Cependant  il s’affaiblit pourtant a vu d’œil : il est de moins en moins compris par les jeunes générations,  il a de moins en moins de ressources : en 50 ans les vocations se raréfient et le patrimoine vendu à tout va tend à disparaître, les diocèses sont dans une situation de plus en plus catastrophique. Dans un avenir plus ou moins proche il faudra bien que ce soit la tradition qui désintègre le modernisme. Ce n’est pas une entreprise impossible, loin de là, rappelez-vous que la foi de douze Apôtres a détruit le paganisme et puis les promesses de Jésus-Christ sont formelles : « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Eglise » Souvenons-nous aussi que l’Eglise c’est la Tradition.

3) Quant à la nouvelle messe elle n’est pas toujours valide, loin de là, et elle est toujours illicite mais il s’agit là d’une vieille histoire et, il faut le reconnaître, c’est toujours un peu lassant de revenir sur les mêmes problèmes car on a l’impression de radoter. Sachez tout de même que et ce n’est pas la FSSPX qui  l’a dit en premier (elle n’existait pas encore) mais le cardinal Ottaviani, gardien de la foi au Saint-Office dans son bref examen critique. A ce propos il faut connaître par cœur une de ses phrases et la dire et la redire quand les occasions se présentent car elle résume parfaitement la réalité : « La nouvelle messe s’éloigne, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe, telle qu’elle a été  formulée à la XX ième session du concile de Trente ». On voit mal quelle légitimité peut donc avoir un tel rite et les Papes qui l’ont laissé se répandre ont tout simplement favorisé l’hérésie. Les protestants qui ont participé à l’élaboration de cette messe et qui ne croient pas au renouvellement du Saint Sacrifice ont avoué aussi que cette célébration leur convient tout à fait : « Désormais des communautés non-catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l’Eglise catholique. Théologiquement, c’est possible. » (La Croix 30-5-1969) Il est donc évident que Dieu ne peut pas être content d’un tel culte. Dieu n’est pas protestant, cela se saurait.

Sachons donc ne pas remettre sans cesse en question les certitudes acquises qui sont fondées sur des arguments solides depuis fort longtemps. Reprenons les anciennes lectures au besoin pour rafraîchir notre mémoire et retrouver nos convictions.

Retenons pour notre gouverne que l’opposition entre la Rome moderniste et la FSSPX gardienne de la Tradition est profonde. Il ne s’agit pas de petits malentendus ou de petites erreurs insignifiantes, Mgr Lefebvre répétait souvent cela en son temps. Le message de la Salette en 1846 avertissait que « Rome perdra la foi  et deviendra le siège de l’Antéchrist». Nous y sommes, ce n’est pas rien.

Cette opposition essentielle s’est d’ailleurs manifestée à la fin des discussions doctrinales entre nos théologiens et ceux de Rome. Les accusations mutuelles qui se sont échangées alors ne sont pas inintéressantes à évoquer. C’est par là que je voudrais finir cet article sans doute trop long.

Les théologiens romains défenseurs de Vatican II ont dit des nôtres : « Vous êtes des protestants parce que vous faites un tri dans les enseignements du magistère et du concile en prenant ce qui vous fait plaisir et en rejetant le reste ! »

La FSSPX a rétorqué : « Vous êtes des modernistes parce que vous croyez que le dogme évolue et peut changer substantiellement, pour vous ce qui était vrai hier peut être faux aujourd’hui !

Quant à nous il nous est très facile d’expliquer pourquoi  nous faisons ce tri dans les écrits des papes conciliaires ou du « magistère » conciliaire. Ce n’est pas du tout avec une mentalité protestante de libre examen mais dans un esprit tout à fait catholique. Saint Pie X lui-même a donné la solution  dans son encyclique « Pascendi » qui analyse et condamne l’erreur moderniste, il suffit de le citer pour avoir toute la lumière sur ce sujet : il dit en parlant des modernistes : « Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique ; tournez la page, vous croyez lire un rationaliste. Ecrivent-ils l’histoire : nulle mention de la divinité de Jésus-Christ ; montent-ils dans la chaire sacrée, ils la proclament hautement. Historiens, ils dédaignent Pères et Conciles ; catéchistes, ils les citent avec honneur. »

D’où la nécessité de trier, de choisir dans les enseignements des modernistes (laïcs, prêtres, évêques ou Papes) : Il faut prendre le catholique et rejeter le rationaliste. C’est une simple question de discernement, Saint Ignace d’ailleurs dans ses exercices spirituels donne des règles du discernement des esprits : car il sait bien que chacun à la possibilité de reconnaître grâce à certains critères où se trouve l’esprit de Dieu.

Mais en réalité dans un ouvrage catholique on ne devrait jamais citer, fréquemment du moins,  avec honneur un auteur moderniste, fût-il Pape. Autrement on sème le doute chez le lecteur qui finit par ne plus se rendre compte de cette très mauvaise tare. Si le démon peut se manifester en ange de lumière croyons bien que ces hommes peuvent exprimer de temps en temps, dans un contexte précis, des vérités catholiques magnifiques avec un art excellent.  Chez les modernistes la vérité exprimée dans toute sa beauté cache en réalité l’hameçon qui  tue les âmes en faisant avaler les erreurs les plus grossières dont ils sont ordinairement  les ardents défenseurs.

Le jugement de Louis Veuillot sur les libéraux demeure : « leurs intentions ont pu être excellentes ; mais ils ont bien fait le mal et mal fait le bien ». Ne participons donc pas à leurs œuvres.

Le Prieur, Abbé Pierre Barrère

(Le Pélican, bulletin du Prieuré Saint François Régis, N° 77 de septembre octobre 2012, Editorial pages 1 à 3)