SOURCE - Golias - 18 octobre 2012
Si cela n’est pas un point final, cela y ressemble en tout cas. Toujours est-il que Mgr Gerhardt Müiler, le puissant et influent préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, voulu à ce poste par Benoît XVI en personne, théologien de renom au caractère trempé, ne cache pas son sentiment
Si cela n’est pas un point final, cela y ressemble en tout cas. Toujours est-il que Mgr Gerhardt Müiler, le puissant et influent préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, voulu à ce poste par Benoît XVI en personne, théologien de renom au caractère trempé, ne cache pas son sentiment
Il n’est plus l’heure de poursuivre le débat doctrinal avec les intégristes et ce d’autant plus que ces derniers persistent à ne pas accepter le Concile et en restent sur une position de dénigrement de Vatican II. En fait, avec le tempérament carré qui est le sien, et un esprit tout teutonique, Müller énonce une vérité qui crève les yeux de ceux qui veulent rester lucides : à l’évidence les intégristes n’acceptent pas le Concile, et n’entendent pas revenir sur leur position. Parler de réconciliation ou plus encore de ralliement signifierait faire prendre des vessies pour des lanternes.
Animé d’une bonne volonté évidente à l’endroit d’Ecône, désireux par ailleurs de bénéficier du renfort d’alliés utiles dans sa grande campagne contre le relativisme et pour défendre une certaine conception de l’orthodoxie figée, inébranlable et impavide de la foi, ému peut-être par leur attachement aux rites d’antan, le Pape Benoît XVI s’est enlisé dans une sorte de complaisance qui n’a porté aucun fruit. Une page semble désormais se tourner.
Quelle sera désormais la suite ? Nous ne sommes pas devins. Rien ne permet de dire si Ecône évoluera vers un peu plus d’ouverture ou si, en revanche, le mouvement de durcissement que l’on peut actuellement constater ne conduira pas à une sorte de pétrification mortifère et de tombée en poussière du courant lefebvriste, qui volerait alors en éclats. Toujours est-il qu’à moyen terme non seulement le dialogue entre Rome et Ecône se trouve de fait au point mort mais qu’il semble devoir être franchement déclaré tel , déjà par pure honnêteté intellectuelle. Pour Mgr Müller, en tout cas, le dialogue entre Rome et Ecône semble voué à l’impasse en raison de l’obstination des intégristes à ne pas reconnaître l’autorité véritable d’un Concile qui est légitime et fondée.
En fait, paradoxalement, cette situation pourrait arranger tout le monde. Dans l’état actuel de la sociologie du catholicisme, il semble pour le moins hasardeux et incertain de vouloir réintégrer les dissidents intégristes, au risque de susciter de nouvelles hémorragies. Par ailleurs, le fait de ne plus creuser le différend conduit en somme à entériner pour le moment le statut quo ante. Autrement dit, à ne plus faire bouger les lignes et à accepter un état de fait de non-communion sans rupture définitive pour le futur. Ce qui renforcerait la position de Mgr Fellay au sein de la Fraternité, favorable on le sait à un rapprochement avec Rome, mais conscient que cela conduirait aujourd’hui à une explosion du mouvement lefebvriste.
Reste à savoir ce qu’en pense le vieux Pontife, las et sans doute amer, même s’il cultive une espérance surnaturelle. On peut raisonnablement conjecturer qu’il assume à présent l’écart qui existe entre les positions d’Ecône et celles du Vatican, même dans ses cercles clairement conservateurs. Un écart qu’ il n’avait pas assez mesuré de par un passé récent, peut-être en se focalisant de trop sur ce que Mgr Müller continue de désigner comme un extrême opposé.
Enfin, la dissidence intégriste, à l’évidence persistante, qu’elle puisse se renforcer, ou, au contraire, qu’elle soit destinée à s’étioler, manifeste en réalité les réticences d’une institution à se réformer par peur de disparaître, même si elle en constitue l’expression la plus outrée. C’est là sans doute le problème de fond qui ne concerne pas que Rome ou Ecône. Et à la base se trouve une véritable tragédie intellectuelle et spirituelle. Un naufrage de la jeunesse du cœur et de l’esprit. Celui qui ne manque de survenir lorsqu’on commence à se laisser gagner par la peur.