Mercredi à Rome : une messe pour célébrer les 50 ans de l’ouverture du concile Vatican II. En l’absence des intégristes, qui s’éloignent de plus en plus du pape. Photo AFP
Les états généraux du christianisme commencent alors que se ferment les négociations avec les intégristes dont le pape Benoit XVI espérait le retour au sein de l’Eglise catholique. Il rêvait que cela se fasse maintenant, à l’occasion du cinquantenaire du concile Vatican II. Mais les négociations ont échoué. Peu probable qu’elles reprennent.
Les ultrasde la Fraternité sacerdotale Saint Pie X bataillent avec le Vatican depuis 1975. C’est une fracture très profonde, dogmatique, qui dépasse de loin les querelles plus visibles liées aux rites et aux façons de célébrer la messe.
Si les intégristes tiennent tant aux prières dites en latin (plutôt qu’en français, en croate ou en swahili), c’est parce qu’ils vénèrent les traditions d’avant le concile Vatican II. Ils y voient la trace d’une permanence établie siècle après siècle. Mais la vraie raison de la rupture avec Rome n’est pas là. Elle est d’un autre ordre, nettement plus politique, dont le concile Vatican II est la pierre d’achoppement.
Les valeurs positives des autres religions
Ce concile (1962-1965) fut un tournant culturel pour l’Eglise catholique qui renouvelait sa façon de regarder le monde. Pour les conservateurs de l’époque, ce fut au contraire une rupture inacceptable, une mutation frauduleuse.
C’est Vatican II qui ouvrit la voie au dialogue avec les religions non chrétiennes (judaïsme, islam, bouddhisme, hindouisme) et à la reconnaissance des « valeurs positives » dont elles sont elles aussi porteuses. Il faut se rappeler qu’avant Vatican II, les catholiques étaient nombreux à regarder les juifs comme un peuple « déicide », accusé d’avoir permis la crucifixion du Christ. A partir de 1965, ce concept a été officiellement abandonné par l’Eglise de Rome qui a compris combien l’enseignement du mépris envers les juifs pouvait nourrir l’antisémitisme.
Les intégristes ont toujours trouvé suspects les appels à la fraternité adressés aux autres religions. C’est à leurs yeux un inutile renoncement théologique, une perte de spécificité contredisant la primauté du catholicisme qu’ils aimeraient croire acquise ad vitam aeternam. Rassemblés dans la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (nommée ainsi en hommage au pape « antimoderniste » élu en 1903), récusant toute tentation œcuménique, ils estiment qu’il y a une vérité théologique (et une seule), qui ne se partage pas et est du côté de l’Eglise de Rome pourvu qu’il s’agisse de l’Eglise d’avant 1962.
Soucieux de l’unité de l’Eglise catholique, le pape Benoit XVI a multiplié, de façon parfois dangereuse, les concessions depuis son élection en 2005. Les intégristes ont obtenu des garanties sur la liturgie. Les sanctions ecclésiales (excommunications) décidées contre leurs évêques ont été levées. L’idée était qu’en échange, la Fraternité Saint Pie X cesserait de remettre en question le tournant de Vatican II. Peine perdue.
La rupture des négociations avec les intégristes, confirmée samedi dernier par le Vatican, a au moins un mérite : elle proclame sans ambiguïté que si l’Eglise de Rome reste conservatrice sur plusieurs points (réaffirmation du célibat des prêtres et refus de l’accès des femmes au sacerdoce notamment), elle est sincèrement attachée aux dialogues interreligieux et entend bannir tout ce qui peut réveiller les redoutables haines théologiques des siècles passés.
La rupture avec les intégristes étant ainsi consommée, c’est un autre chantier, sans aucun doute plus important, qui peut maintenant occuper Benoît XVI : la réconciliation entre le catholicisme romain et les chrétiens orthodoxes.