SOURCE - chretiente.info - 24 avril 2010
Le diocèse de Paris vient d’annoncer (Paris Notre-Dame, 22 avril 2010) que Mgr Patrick Descourtieux était mis à la disposition du Saint-Siège, pour la Congrégation de la Doctrine de la foi. Plus précisément, il sera affecté à la Commission Pontificale Ecclesia Dei.
Celle-ci, comme on sait, a reçu un nouveau statut par le Motu proprio Ecclesiae unitatem du 2 juillet 2009. La Commission est désormais intégrée à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Son président-né en est le Préfet de cette Congrégation, à savoir aujourd’hui le cardinal Levada et les membres de Commission sont les cardinaux et évêques de la Congrégation.
Désormais la Commission a deux domaines de compétence :
1°/ Le règlement de l’affaire lefebvriste, et tout d’abord la menée de discussions doctrinales avec les délégués de cette Fraternité (jusque-là, le cardinal Castrillón était chargé par le Pape des rapports avec la Fraternité Saint-Pie-X à titre personnel et non comme Président de la Commission).
2°/ L’ensemble du domaine couvert par la liturgie de forme dite « extraordinaire » depuis le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, à savoir essentiellement :
- Le règlement des problèmes d’application de ce Motu Proprio : demandes non satisfaites par des «groupes stables» de célébrations dans des paroisses.
- La tutelle romaine des Instituts de vie consacrée de droit pontifical érigés dans le but de réunir des prêtres célébrants habituellement selon la forme extraordinaire (à l’origine de prêtres ayant quitté la Fraternité Saint-Pie-X après les consécrations autonomes d’évêques de 1988).
Mgr Guido Pozzo a été nommé le 8 juillet 2009 Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, et en est immédiatement devenu le véritable moteur. Originaire du diocèse de Trieste, où il est né en 1951, prêtre depuis 1977, Guido Pozzo a été employé à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi depuis 1987. Homme de solide doctrine, membre de ce que l’on appelle la « nouvelle école romaine ». Il est donc chargé de la gestion de « l’affaire lefebvriste ».
Avec un style tout différent du cardinal Castrillón, ce bourreau de travail, avaleur infatigable de dossiers, doit réussir là où le cardinal Castrillón a échoué (ce qui lui a valu sa « disgrâce ») : « réintégrer » la Fraternité Saint-Pie-X. Pour le dire clairement : l’avenir de Mgr Pozzo aujourd’hui dépend largement, comme hier celui du cardinal Castrillón… de Mgr Fellay.
Dépend largement, dis-je, car l’autre face de l’activité de la Commission Pontificale est encore plus importante du point de vue de l’avenir de l’Église : sur les épaules de Mgr Pozzo pèse aussi l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum, formidable instrument de rénovation de la liturgie romaine après 40 ans de crise sans précédent. Sauf que… la réussite est encore plus aléatoire, en ce sens qu’elle ne dépend pas du bon vouloir d’un évêque, mais de tous les évêques, ceux de France en particulier.
Pour ce faire, Mgr Pozzo s’est certes entouré de l’équipe la plus efficace possible. Il s’est adjoint trois collaborateurs nouveaux de grande valeur :
- Un Italien (un Sicilien), le Père Vincenzo Nuara, dominicain, fondateur de l’Amicizia Sacerdotale Summorum Pontificum et organisateur de congrès romains en faveur de la liturgie traditionnelle.
- Un Brésilien multilingue, Dom Almiro De Andrade, membre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, qui œuvrait déjà officieusement pour le cardinal Castrillón.
- Et pour finir, un Français, Mgr Patrick Descourtieux, du diocèse de Paris.
Donnons au passage quelques indications biographiques sur ce prêtre de 53 ans. Ordonné en 1986, vicaire à la paroisse Saint-Séverin, il partit en 1989 pour Rome, où il intégra la Section francophone de la Secrétairerie d’État durant 10 ans. Excellent musicien, il exerça les fonctions d’organiste à Saint-Louis-des-Français durant 5ans. Il quitta ensuite la Secrétairerie d’État et devint recteur de l’église de la Trinité-des-Monts en remplacement de Mgr Arrighi, cependant qu’il enseignait à l’Institut Pontifical Patristique, l’Augustinianum. Il resta 7ans à la Trinité-des-Monts. A la suite de la fermeture de la maison des religieuses de la Trinité-des-Monts, remplacées par des religieux de la Fraternité de Jérusalem (les « moines dans la ville ») fondée par le P. Pierre-Marie Delfieu, il rentra à Paris, et fut nommé prêtre résident à la paroisse Sainte-Clotilde, puis chapelain à Notre-Dame depuis 2008. Spécialiste de patrologie, il enseignait à la Faculté Notre-Dame de l’École cathédrale.
Comme le P. Nuara et comme le P. De Andrade, Mgr Descourtieux a une bonne connaissance de la liturgie traditionnelle et qui plus est de la demande de cette liturgie : à Rome, puisqu’il avait satisfait aux vœux des fidèles romains qui désiraient célébrer le Triduum pascal dans la forme dite aujourd’hui « extraordinaire » en leur ouvrant son église de la Trinité-des-Monts ; à Paris, parce qu’il faisait partie des prêtres diocésains délégués pour la célébration selon cette forme selon les besoins.
Le personnel de la Commission Pontificale est donc désormais au complet : l’armée romaine du Motu Proprio est en ordre de bataille. Mais…
Mais c’est ici que le bât blesse très cruellement : le Motu Proprio prévoit que lorsque le curé d’une paroisse refuse une demande de messe en forme extraordinaire, on en réfère à l’évêque. Et si l’évêque refuse à son tour, le « groupe stable » s’adresse alors à la Commission Ecclesia Dei… laquelle n’a strictement aucun pouvoir de contrainte sur l’évêque.
Mgr Pozzo, comme hier le cardinal Castrillón peut certes écrire à l’évêque, lui téléphoner, le recevoir, lui donner de bons conseils. Mais il n’a aucun pouvoir juridictionnel pour le contraindre d’appliquer le texte. L’évêque tremble d’ailleurs bien moins devant le personnel d’Ecclesia Dei que devant les demandeurs les plus déterminés de son diocèse.
Qui plus est, au bout de cinq ans de pontificat, après deux grosses crises médiatiquement orchestrées (l’affaire Williamson, les affaires de pédophilie), la Curie romaine s’avère n’être pas tenue, c’est le moins qu’on puisse dire, par un Secrétaire d’État à main de fer. Les ratzinguériens, comme Mgr Pozzo, y sont certes nombreux. Mais les anti-ratzinguériens plus ou moins ouvertement déclarés y sont eux aussi très actifs. Les premiers ne sont jamais certains d’être soutenus s’ils s’avancent en terrain découvert en menant une action forte – qui est d’ailleurs rarement dans leur caractère.
De sorte qu’à la tête d’un organisme particulièrement sensible, Mgr Pozzo apparaît parfois comme très seul. D’autant que sa manière très curiale, pour ne pas dire administrative, de traiter les dossiers, l’isole d’une « base », qui constitue de fait la vraie force de pression du Motu Proprio : les fameux « groupes stables ».
Heureusement, ce climat actuellement brumeux des bords du Tibre pourrait changer prochainement, avec ce printemps qui perce enfin.
Les prochaines nominations vont sans doute amener – avec aussi quelques mauvaises surprises possibles – des hommes forts à des postes-clés, lesquels pourraient constituer des ilots puissants dans un système curial de gouvernement relativement friable. C’est fort possible. C’est très souhaitable. Osera-t-on ajouter que c’est extrêmement urgent ?
Le diocèse de Paris vient d’annoncer (Paris Notre-Dame, 22 avril 2010) que Mgr Patrick Descourtieux était mis à la disposition du Saint-Siège, pour la Congrégation de la Doctrine de la foi. Plus précisément, il sera affecté à la Commission Pontificale Ecclesia Dei.
Celle-ci, comme on sait, a reçu un nouveau statut par le Motu proprio Ecclesiae unitatem du 2 juillet 2009. La Commission est désormais intégrée à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Son président-né en est le Préfet de cette Congrégation, à savoir aujourd’hui le cardinal Levada et les membres de Commission sont les cardinaux et évêques de la Congrégation.
Désormais la Commission a deux domaines de compétence :
1°/ Le règlement de l’affaire lefebvriste, et tout d’abord la menée de discussions doctrinales avec les délégués de cette Fraternité (jusque-là, le cardinal Castrillón était chargé par le Pape des rapports avec la Fraternité Saint-Pie-X à titre personnel et non comme Président de la Commission).
2°/ L’ensemble du domaine couvert par la liturgie de forme dite « extraordinaire » depuis le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, à savoir essentiellement :
- Le règlement des problèmes d’application de ce Motu Proprio : demandes non satisfaites par des «groupes stables» de célébrations dans des paroisses.
- La tutelle romaine des Instituts de vie consacrée de droit pontifical érigés dans le but de réunir des prêtres célébrants habituellement selon la forme extraordinaire (à l’origine de prêtres ayant quitté la Fraternité Saint-Pie-X après les consécrations autonomes d’évêques de 1988).
Mgr Guido Pozzo a été nommé le 8 juillet 2009 Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, et en est immédiatement devenu le véritable moteur. Originaire du diocèse de Trieste, où il est né en 1951, prêtre depuis 1977, Guido Pozzo a été employé à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi depuis 1987. Homme de solide doctrine, membre de ce que l’on appelle la « nouvelle école romaine ». Il est donc chargé de la gestion de « l’affaire lefebvriste ».
Avec un style tout différent du cardinal Castrillón, ce bourreau de travail, avaleur infatigable de dossiers, doit réussir là où le cardinal Castrillón a échoué (ce qui lui a valu sa « disgrâce ») : « réintégrer » la Fraternité Saint-Pie-X. Pour le dire clairement : l’avenir de Mgr Pozzo aujourd’hui dépend largement, comme hier celui du cardinal Castrillón… de Mgr Fellay.
Dépend largement, dis-je, car l’autre face de l’activité de la Commission Pontificale est encore plus importante du point de vue de l’avenir de l’Église : sur les épaules de Mgr Pozzo pèse aussi l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum, formidable instrument de rénovation de la liturgie romaine après 40 ans de crise sans précédent. Sauf que… la réussite est encore plus aléatoire, en ce sens qu’elle ne dépend pas du bon vouloir d’un évêque, mais de tous les évêques, ceux de France en particulier.
Pour ce faire, Mgr Pozzo s’est certes entouré de l’équipe la plus efficace possible. Il s’est adjoint trois collaborateurs nouveaux de grande valeur :
- Un Italien (un Sicilien), le Père Vincenzo Nuara, dominicain, fondateur de l’Amicizia Sacerdotale Summorum Pontificum et organisateur de congrès romains en faveur de la liturgie traditionnelle.
- Un Brésilien multilingue, Dom Almiro De Andrade, membre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, qui œuvrait déjà officieusement pour le cardinal Castrillón.
- Et pour finir, un Français, Mgr Patrick Descourtieux, du diocèse de Paris.
Donnons au passage quelques indications biographiques sur ce prêtre de 53 ans. Ordonné en 1986, vicaire à la paroisse Saint-Séverin, il partit en 1989 pour Rome, où il intégra la Section francophone de la Secrétairerie d’État durant 10 ans. Excellent musicien, il exerça les fonctions d’organiste à Saint-Louis-des-Français durant 5ans. Il quitta ensuite la Secrétairerie d’État et devint recteur de l’église de la Trinité-des-Monts en remplacement de Mgr Arrighi, cependant qu’il enseignait à l’Institut Pontifical Patristique, l’Augustinianum. Il resta 7ans à la Trinité-des-Monts. A la suite de la fermeture de la maison des religieuses de la Trinité-des-Monts, remplacées par des religieux de la Fraternité de Jérusalem (les « moines dans la ville ») fondée par le P. Pierre-Marie Delfieu, il rentra à Paris, et fut nommé prêtre résident à la paroisse Sainte-Clotilde, puis chapelain à Notre-Dame depuis 2008. Spécialiste de patrologie, il enseignait à la Faculté Notre-Dame de l’École cathédrale.
Comme le P. Nuara et comme le P. De Andrade, Mgr Descourtieux a une bonne connaissance de la liturgie traditionnelle et qui plus est de la demande de cette liturgie : à Rome, puisqu’il avait satisfait aux vœux des fidèles romains qui désiraient célébrer le Triduum pascal dans la forme dite aujourd’hui « extraordinaire » en leur ouvrant son église de la Trinité-des-Monts ; à Paris, parce qu’il faisait partie des prêtres diocésains délégués pour la célébration selon cette forme selon les besoins.
Le personnel de la Commission Pontificale est donc désormais au complet : l’armée romaine du Motu Proprio est en ordre de bataille. Mais…
Mais c’est ici que le bât blesse très cruellement : le Motu Proprio prévoit que lorsque le curé d’une paroisse refuse une demande de messe en forme extraordinaire, on en réfère à l’évêque. Et si l’évêque refuse à son tour, le « groupe stable » s’adresse alors à la Commission Ecclesia Dei… laquelle n’a strictement aucun pouvoir de contrainte sur l’évêque.
Mgr Pozzo, comme hier le cardinal Castrillón peut certes écrire à l’évêque, lui téléphoner, le recevoir, lui donner de bons conseils. Mais il n’a aucun pouvoir juridictionnel pour le contraindre d’appliquer le texte. L’évêque tremble d’ailleurs bien moins devant le personnel d’Ecclesia Dei que devant les demandeurs les plus déterminés de son diocèse.
Qui plus est, au bout de cinq ans de pontificat, après deux grosses crises médiatiquement orchestrées (l’affaire Williamson, les affaires de pédophilie), la Curie romaine s’avère n’être pas tenue, c’est le moins qu’on puisse dire, par un Secrétaire d’État à main de fer. Les ratzinguériens, comme Mgr Pozzo, y sont certes nombreux. Mais les anti-ratzinguériens plus ou moins ouvertement déclarés y sont eux aussi très actifs. Les premiers ne sont jamais certains d’être soutenus s’ils s’avancent en terrain découvert en menant une action forte – qui est d’ailleurs rarement dans leur caractère.
De sorte qu’à la tête d’un organisme particulièrement sensible, Mgr Pozzo apparaît parfois comme très seul. D’autant que sa manière très curiale, pour ne pas dire administrative, de traiter les dossiers, l’isole d’une « base », qui constitue de fait la vraie force de pression du Motu Proprio : les fameux « groupes stables ».
Heureusement, ce climat actuellement brumeux des bords du Tibre pourrait changer prochainement, avec ce printemps qui perce enfin.
Les prochaines nominations vont sans doute amener – avec aussi quelques mauvaises surprises possibles – des hommes forts à des postes-clés, lesquels pourraient constituer des ilots puissants dans un système curial de gouvernement relativement friable. C’est fort possible. C’est très souhaitable. Osera-t-on ajouter que c’est extrêmement urgent ?