SOURCE - Christophe Geffroy - La Nef - n°214 d'Avril 2010
Un nouveau statut
L’Institut du Christ Roi a depuis plus d’an an un nouveau statut de droit pontifical. Son prieur général nous explique ce que cela signifie.
La Nef – Pourquoi ce nouveau statut et de quoi s’agit-il précisément dans votre cas ?
Mgr Gille Wach – En effet, le 7 octobre 2008, le Saint-Siège érigeait notre Institut en « Société apostolique en forme canoniale de droit pontifical » par le décret Sæculorum Rex. Ce nouveau statut de droit pontifical qui a été attribué à notre Institut donne à notre maison une structure canonique plus forte, plus conforme aussi à ce que nous sommes vraiment. Nous avons toujours insisté sur la romanité et nous voilà aujourd’hui relevant directement du Saint-Siège. Cela ne s’est pas fait d’un jour à l’autre, mais au bout de 20 ans d’existence et en suivant le processus normal en vigueur dans l’Église. Tous les diocèses dans lesquels nous exerçons notre apostolat ont été interrogés à notre sujet et je crois que cela est révélateur de la satisfaction qu’éprouvent les évêques (de France et d’ailleurs) qui ont fait appel à nos services. Dans la vie quotidienne, on ne peut pas dire que le droit pontifical change tout. Concrètement, nous avons toujours besoin de l’accord de l’évêque du lieu pour être présents dans un diocèse et cela est normal ; l’Église est hiérarchique et le droit pontifical n’est pas le droit divin ! Il est vrai que le statut de droit pontifical apporte une sécurité et une stabilité dont l’impact est certain, et cela donne un crédit particulier à notre Institut.
Quand on évoque les chanoines, on pense plutôt à des religieux ou aux chanoines des chapitres cathédrales : d’où vient l’aspect canonial que vous avez choisi et pourquoi ce choix?
On pense aussi à des prêtres vénérables chargés d’années de labeur apostolique et de sagesse ! Mais l’Institut compte des chanoines qui n’ont pas trente ans… En effet, il y a dans l’Église des chanoines réguliers qui sont des religieux et obéissent à une règle, comme les Prémontrés ou nos amis de l’Abbaye de Lagrasse. Il y a aussi les chanoines titulaires nommés par l’évêque pour que l’office divin soit célébré dans la cathédrale, église mère du diocèse. Enfin, il y a les chanoines séculiers, espèce beaucoup plus rare, dont nous sommes. Cet aspect canonial de notre institut n’a rien d’honorifique : il s’agit plutôt d’une charge. Depuis les origines de notre fondation, nous avons privilégié l’Office divin en communauté, la liturgie solennelle et la vie fraternelle de nos prêtres, séminaristes et oblats.
Primauté du culte divin, parce que le prêtre est l’homme de l’autel et que la prière doit passer en premier dans sa vie. Vie fraternelle, plus que jamais nécessaire en raison de la rigueur des temps : aujourd’hui, un prêtre seul est un prêtre en danger. Voilà pourquoi notre modeste Institut privilégie aussi une véritable vie familiale.
Lorsque notre Institut a été érigé de droit pontifical, nos constitutions ont été révisées et attentivement relues par S.Ex. Mgr Burke, Préfet du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique, à Rome. En définitive, on a inscrit dans le marbre ce que nous pratiquions depuis le début et c’est cela qui a donné lieu à la forme canoniale de notre Institut. Ainsi, l’expérience et la vie ont précédé la mise en forme juridique. Nous n’avons rien choisi ni demandé, tout cela est le fruit d’une lente maturation et d’un développement harmonieux. Aujourd’hui donc, nos prêtres sont des chanoines séculiers œuvrant à travers le monde, dans des contextes très divers, mais fortement liés les uns aux autres : tout d’abord par l’incardination dans l’Institut et aussi par les liens fraternels, les vues communes et un certain style de vie sacerdotale et d’action missionnaire.
Où en est l’Institut aujourd’hui, comment se vit votre apostolat à travers le monde?
Aujourd’hui, l’Institut se porte bien grâce à Dieu ! Comme prieur général, je consacre beaucoup de mon temps à visiter nos apostolats à travers le monde. Notre Institut est présent en Europe, Afrique, Amérique, en tout dans plus de 50 diocèses différents, et dans des apostolats très divers : paroisses, chapelles, sanctuaires, écoles, missions, etc. Toutes nos maisons, ou peu s’en faut, comportent plusieurs membres, ce qui permet de mettre en œuvre cette vie canoniale dont je viens de parler.
Quelques prêtres sont par ailleurs sollicités par les diocèses pour collaborer plus étroitement à la vie du diocèse, en tenant compte des caractères propres de notre Institut. Certains travaillent dans les tribunaux ecclésiastiques, d’autres sont délégués ou vicaires épiscopaux, chargés de coordonner la mise en œuvre du motu proprio Summorum Pontificum, etc.
À ces formes classiques d’apostolat viennent s’ajouter également les retraites régulièrement prêchées, dans l’esprit de notre saint patron, saint François de Sales, des camps et colonies de vacances, des pèlerinages (cette année, par exemple, un grand pèlerinage est organisé au mois d’avril auprès des reliques du saint Curé d’Ars), etc.
Je n’ai qu’un seul souci : je ne peux pas fournir autant de prêtres que l’on m’en demande !
Comment définiriez-vous l’esprit dans lequel se fait la formation de vos séminaristes ?
La formation donnée à nos séminaristes se veut avant tout romaine. Dans notre siècle souvent individualiste et chaotique, il faut donner à nos jeunes le sens de l’Église et de son service. Dans le cadre paisible de Gricigliano, nos séminaristes ont une vie simple et bien remplie : prière, étude et travail au bon fonctionnement de la maison, si bien que l’on peut dire, d’une certaine manière, que le séminaire est ce qu’ils en font.
Depuis la fondation de l’Institut, il y a près de 20 ans aujourd’hui, nous avons tenu à ce que les séminaristes qui souhaitaient nous rejoindre, reçoivent une formation d’une irréprochable orthodoxie, à l’école du Docteur commun, saint Thomas d’Aquin. C’est dans cet esprit que nous avons été baignés à Gênes, du temps du cardinal Siri, et plus tard à Rome, sous la férule de grands maîtres, qui se distinguaient par leur science… et leur humilité.
C’est précisément dans l’humilité qu’il est possible de se former, de se laisser former, de recevoir une solide formation intellectuelle, mais aussi spirituelle et affective.
Nous ne sommes pas habitués – et nous n’y tenons pas ! – à avoir un avis sur tout et tout le monde. Nous avons plutôt été habitués à recevoir tout de l’Église : sa doctrine, sa reconnaissance canonique, ses lois… ses croix aussi, parfois… et nous ne souhaitons pas que cela change. Il faut à l’Église et au monde des prêtres sains, saints, savants, prudents, fidèles, comme les serviteurs de l’Évangile.
C’est pourquoi nous tenons à la solidité de l’enseignement donné à nos séminaristes, enseignement transmis par des prêtres, des laïques, parfois enseignant dans des universités françaises ou étrangères de grande réputation, compétents dans leurs domaines, et qui assurent en philosophie ou en théologie, au cours des 7 années d’études que comporte le cursus, la formation intellectuelle à Gricigliano.
La proximité de la belle ville de Florence attire vers notre hôtellerie de nombreux hôtes et je crois qu’ils sont les témoins de cet esprit qui règne dans la maison. L’un d’eux me disait non sans humour : « Gricigliano, c’est l’ordre souriant ! »
Le motu proprio Summorum Pontificum a-t-il modifié votre situation et vos rapports avec les autorités diocésaines ? Est-il plus facile de s’implanter dans les diocèses depuis ?
Ce motu proprio a été, je l’ai souvent dit, l’occasion de « rendre la liturgie à l’Église ».
Il a modifié la situation dans le sens où il l’a clarifiée. Les trois ans d’expérimentation qu’a fixés le Souverain Pontife arriveront à leur terme en juillet 2010 et je crois que dès aujourd’hui nous récoltons les premiers fruits de cette mesure prise par le pape : c’est un effet pacifiant. Même s’il reste encore des blocages ou des incompréhensions, on sent bien que les portes ne sont plus fermées et que les demandes sont nombreuses. Vous me demandez s’il est plus facile de s’implanter dans les diocèses. Notre institut ne cherche pas à réaliser des implantations mais à répondre aux besoins des âmes et de l’Église. Il n’y a pas chez nous de volonté de construire des petits mondes à part et de planter notre bannière… Nos apostolats ne sont pas des royaumes fermés, des propriétés privées. Partout où des missions nous sont confiées, nos prêtres cherchent à œuvrer en lien avec la réalité diocésaine qui les entoure, car l’urgence la plus pressante est que Jésus-Christ soit connu de tous les hommes.
Le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et ancien président de la Conférence des évêques de France nous l’avait dit lors de son passage à Gricigliano, au chapitre 2008, et me l’a répété alors que j’assistais à des confirmations qu’il conférait dans l’un de nos apostolats dans son diocèse : « Je tiens, en mon nom propre et au nom des évêques de France dans les diocèses desquels vous êtes implantés, à vous redire ma satisfaction pour la manière dont vous exercez votre apostolat, en esprit de communion et de paix ».
Propos recueillis par Christophe GeffroyTout renseignement sur www.icrsp.com ou 01 39 16 64 05.
Un nouveau statut
L’Institut du Christ Roi a depuis plus d’an an un nouveau statut de droit pontifical. Son prieur général nous explique ce que cela signifie.
La Nef – Pourquoi ce nouveau statut et de quoi s’agit-il précisément dans votre cas ?
Mgr Gille Wach – En effet, le 7 octobre 2008, le Saint-Siège érigeait notre Institut en « Société apostolique en forme canoniale de droit pontifical » par le décret Sæculorum Rex. Ce nouveau statut de droit pontifical qui a été attribué à notre Institut donne à notre maison une structure canonique plus forte, plus conforme aussi à ce que nous sommes vraiment. Nous avons toujours insisté sur la romanité et nous voilà aujourd’hui relevant directement du Saint-Siège. Cela ne s’est pas fait d’un jour à l’autre, mais au bout de 20 ans d’existence et en suivant le processus normal en vigueur dans l’Église. Tous les diocèses dans lesquels nous exerçons notre apostolat ont été interrogés à notre sujet et je crois que cela est révélateur de la satisfaction qu’éprouvent les évêques (de France et d’ailleurs) qui ont fait appel à nos services. Dans la vie quotidienne, on ne peut pas dire que le droit pontifical change tout. Concrètement, nous avons toujours besoin de l’accord de l’évêque du lieu pour être présents dans un diocèse et cela est normal ; l’Église est hiérarchique et le droit pontifical n’est pas le droit divin ! Il est vrai que le statut de droit pontifical apporte une sécurité et une stabilité dont l’impact est certain, et cela donne un crédit particulier à notre Institut.
Quand on évoque les chanoines, on pense plutôt à des religieux ou aux chanoines des chapitres cathédrales : d’où vient l’aspect canonial que vous avez choisi et pourquoi ce choix?
On pense aussi à des prêtres vénérables chargés d’années de labeur apostolique et de sagesse ! Mais l’Institut compte des chanoines qui n’ont pas trente ans… En effet, il y a dans l’Église des chanoines réguliers qui sont des religieux et obéissent à une règle, comme les Prémontrés ou nos amis de l’Abbaye de Lagrasse. Il y a aussi les chanoines titulaires nommés par l’évêque pour que l’office divin soit célébré dans la cathédrale, église mère du diocèse. Enfin, il y a les chanoines séculiers, espèce beaucoup plus rare, dont nous sommes. Cet aspect canonial de notre institut n’a rien d’honorifique : il s’agit plutôt d’une charge. Depuis les origines de notre fondation, nous avons privilégié l’Office divin en communauté, la liturgie solennelle et la vie fraternelle de nos prêtres, séminaristes et oblats.
Primauté du culte divin, parce que le prêtre est l’homme de l’autel et que la prière doit passer en premier dans sa vie. Vie fraternelle, plus que jamais nécessaire en raison de la rigueur des temps : aujourd’hui, un prêtre seul est un prêtre en danger. Voilà pourquoi notre modeste Institut privilégie aussi une véritable vie familiale.
Lorsque notre Institut a été érigé de droit pontifical, nos constitutions ont été révisées et attentivement relues par S.Ex. Mgr Burke, Préfet du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique, à Rome. En définitive, on a inscrit dans le marbre ce que nous pratiquions depuis le début et c’est cela qui a donné lieu à la forme canoniale de notre Institut. Ainsi, l’expérience et la vie ont précédé la mise en forme juridique. Nous n’avons rien choisi ni demandé, tout cela est le fruit d’une lente maturation et d’un développement harmonieux. Aujourd’hui donc, nos prêtres sont des chanoines séculiers œuvrant à travers le monde, dans des contextes très divers, mais fortement liés les uns aux autres : tout d’abord par l’incardination dans l’Institut et aussi par les liens fraternels, les vues communes et un certain style de vie sacerdotale et d’action missionnaire.
Où en est l’Institut aujourd’hui, comment se vit votre apostolat à travers le monde?
Aujourd’hui, l’Institut se porte bien grâce à Dieu ! Comme prieur général, je consacre beaucoup de mon temps à visiter nos apostolats à travers le monde. Notre Institut est présent en Europe, Afrique, Amérique, en tout dans plus de 50 diocèses différents, et dans des apostolats très divers : paroisses, chapelles, sanctuaires, écoles, missions, etc. Toutes nos maisons, ou peu s’en faut, comportent plusieurs membres, ce qui permet de mettre en œuvre cette vie canoniale dont je viens de parler.
Quelques prêtres sont par ailleurs sollicités par les diocèses pour collaborer plus étroitement à la vie du diocèse, en tenant compte des caractères propres de notre Institut. Certains travaillent dans les tribunaux ecclésiastiques, d’autres sont délégués ou vicaires épiscopaux, chargés de coordonner la mise en œuvre du motu proprio Summorum Pontificum, etc.
À ces formes classiques d’apostolat viennent s’ajouter également les retraites régulièrement prêchées, dans l’esprit de notre saint patron, saint François de Sales, des camps et colonies de vacances, des pèlerinages (cette année, par exemple, un grand pèlerinage est organisé au mois d’avril auprès des reliques du saint Curé d’Ars), etc.
Je n’ai qu’un seul souci : je ne peux pas fournir autant de prêtres que l’on m’en demande !
Comment définiriez-vous l’esprit dans lequel se fait la formation de vos séminaristes ?
La formation donnée à nos séminaristes se veut avant tout romaine. Dans notre siècle souvent individualiste et chaotique, il faut donner à nos jeunes le sens de l’Église et de son service. Dans le cadre paisible de Gricigliano, nos séminaristes ont une vie simple et bien remplie : prière, étude et travail au bon fonctionnement de la maison, si bien que l’on peut dire, d’une certaine manière, que le séminaire est ce qu’ils en font.
Depuis la fondation de l’Institut, il y a près de 20 ans aujourd’hui, nous avons tenu à ce que les séminaristes qui souhaitaient nous rejoindre, reçoivent une formation d’une irréprochable orthodoxie, à l’école du Docteur commun, saint Thomas d’Aquin. C’est dans cet esprit que nous avons été baignés à Gênes, du temps du cardinal Siri, et plus tard à Rome, sous la férule de grands maîtres, qui se distinguaient par leur science… et leur humilité.
C’est précisément dans l’humilité qu’il est possible de se former, de se laisser former, de recevoir une solide formation intellectuelle, mais aussi spirituelle et affective.
Nous ne sommes pas habitués – et nous n’y tenons pas ! – à avoir un avis sur tout et tout le monde. Nous avons plutôt été habitués à recevoir tout de l’Église : sa doctrine, sa reconnaissance canonique, ses lois… ses croix aussi, parfois… et nous ne souhaitons pas que cela change. Il faut à l’Église et au monde des prêtres sains, saints, savants, prudents, fidèles, comme les serviteurs de l’Évangile.
C’est pourquoi nous tenons à la solidité de l’enseignement donné à nos séminaristes, enseignement transmis par des prêtres, des laïques, parfois enseignant dans des universités françaises ou étrangères de grande réputation, compétents dans leurs domaines, et qui assurent en philosophie ou en théologie, au cours des 7 années d’études que comporte le cursus, la formation intellectuelle à Gricigliano.
La proximité de la belle ville de Florence attire vers notre hôtellerie de nombreux hôtes et je crois qu’ils sont les témoins de cet esprit qui règne dans la maison. L’un d’eux me disait non sans humour : « Gricigliano, c’est l’ordre souriant ! »
Le motu proprio Summorum Pontificum a-t-il modifié votre situation et vos rapports avec les autorités diocésaines ? Est-il plus facile de s’implanter dans les diocèses depuis ?
Ce motu proprio a été, je l’ai souvent dit, l’occasion de « rendre la liturgie à l’Église ».
Il a modifié la situation dans le sens où il l’a clarifiée. Les trois ans d’expérimentation qu’a fixés le Souverain Pontife arriveront à leur terme en juillet 2010 et je crois que dès aujourd’hui nous récoltons les premiers fruits de cette mesure prise par le pape : c’est un effet pacifiant. Même s’il reste encore des blocages ou des incompréhensions, on sent bien que les portes ne sont plus fermées et que les demandes sont nombreuses. Vous me demandez s’il est plus facile de s’implanter dans les diocèses. Notre institut ne cherche pas à réaliser des implantations mais à répondre aux besoins des âmes et de l’Église. Il n’y a pas chez nous de volonté de construire des petits mondes à part et de planter notre bannière… Nos apostolats ne sont pas des royaumes fermés, des propriétés privées. Partout où des missions nous sont confiées, nos prêtres cherchent à œuvrer en lien avec la réalité diocésaine qui les entoure, car l’urgence la plus pressante est que Jésus-Christ soit connu de tous les hommes.
Le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et ancien président de la Conférence des évêques de France nous l’avait dit lors de son passage à Gricigliano, au chapitre 2008, et me l’a répété alors que j’assistais à des confirmations qu’il conférait dans l’un de nos apostolats dans son diocèse : « Je tiens, en mon nom propre et au nom des évêques de France dans les diocèses desquels vous êtes implantés, à vous redire ma satisfaction pour la manière dont vous exercez votre apostolat, en esprit de communion et de paix ».
Propos recueillis par Christophe GeffroyTout renseignement sur www.icrsp.com ou 01 39 16 64 05.