SOURCE - La Croix - Isabelle de Gaulmyn - 14 septembre 2011
Le P. Jean-Paul Durand, dominicain, professeur de droit canonique et consulteur du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs, explique en quoi consiste l’accord préalable sur un préambule doctrinal.
La Croix : Quelle est la signification de ce « préambule doctrinal », qui est mis par le Saint-Siège comme condition de l’accord avec la Fraternité Saint-Pie-X ?
Recueilli par ISABELLE DE GAULMYN
Le P. Jean-Paul Durand, dominicain, professeur de droit canonique et consulteur du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs, explique en quoi consiste l’accord préalable sur un préambule doctrinal.
La Croix : Quelle est la signification de ce « préambule doctrinal », qui est mis par le Saint-Siège comme condition de l’accord avec la Fraternité Saint-Pie-X ?
P. Jean-Paul Durand : Il était impossible de parvenir à un accord autrement. Benoît XVI a senti qu’on lui reprochait de s’être montré trop accueillant, et il était important de bien poser les choses. Dans un certain nombre de discours, depuis, il a d’ailleurs pris soin de rappeler l’importance du concile Vatican II. De ce fait, ce préambule a deux objectifs. D’abord la Fraternité Saint-Pie-X elle-même, mais surtout les tiers, les catholiques. Il est important que ces derniers ne puissent accuser Rome de s’être laissé récupérer, d’avoir trop reculé. Ce préambule doctrinal, sorte d’exposé des motifs, comporte donc un aspect de communication forte, de façon à ce qu’il n’y ait pas ensuite de procès d’intention.Pourquoi d’un côté poser ce préambule, et de l’autre laisser ouverte « à une légitime discussion » des expressions ou formulations présentes dans les textes du concile Vatican II ?
C’est une méthode de dialogue, que l’on utilise aussi dans le dialogue œcuménique, avec les autres confessions chrétiennes. C’est ainsi qu’avec les luthériens, pour l’accord sur la doctrine de la justification, on a reconnu une base commune, mais aussi des différences d’appréciations, et c’est une manière de ne pas bloquer les choses. C’est la même chose ici : il est demandé aux intégristes un minimum incontournable, le préambule doctrinal, et on prend ensuite le temps de discuter sur certaines interprétations.Minimum incontournable ?
Le respect « en bloc » du Concile, c’est-à-dire de son authenticité, de la légitimité de son enseignement. On ne peut transiger s’il n’y a pas ce minimum de départ. Les membres de la Fraternité Saint-Pie‑X sont obligés d’accepter cela. Le Siège apostolique ne peut les accueillir s’ils ne se sont pas engagés à reconnaître ainsi le Concile, à ne pas le disqualifier. En revanche, on est autorisé à continuer de travailler sur l’interprétation du Concile. Ainsi, la liberté religieuse fait partie de l’enseignement de Vatican II. En revanche, on peut parler de son interprétation. Les responsables de la Fraternité doivent ainsi accepter que Vatican II est un moment de l’histoire de l’Église, où le Seigneur a continué à parler aux hommes. Dieu s’adresse à chaque génération de l’histoire, mais c’est bien le même Dieu, et la même religion.La création d’une prélature personnelle est envisagée. Quel est le sens d’une telle structure ?
Après celle de l’Opus Dei , ce serait donc la seconde. Une prélature personnelle n’est pas une Église particulière, contrairement, par exemple, à un diocèse. Une prélature personnelle donne au prélat, à sa tête, des compétences sur les individus qui appartiennent à la prélature, mais non sur le territoire où vivent ces derniers. Elle n’a pas un peuple de fidèles propres. C’est une institution d’appartenance. L’Église, dans son organisation, a pris une option générale en faveur de la territorialité (paroisse et diocèse). Mais elle a prévu, à côté, des cas particuliers de formes d’appartenance non territoriale. En revanche, la Mission de France est une prélature territoriale, donc elle est circonscrite à un territoire, et compte des prêtres incardinés dans ce territoire seulement. Pour revenir à la prélature personnelle, le prélat a une autorité qui peut se comparer à celle d’un supérieur d’ordre religieux sur les religieux ou religieuses de son ordre. Donc, une prélature personnelle ne peut se substituer à un diocèse. Elle doit, en théorie passer des conventions avec les évêques des diocèses où elle se trouve.---
Recueilli par ISABELLE DE GAULMYN