15 juin 2008

20 ans après les sacres
Conclusion du dossier : quelle doit être notre attitude ?
Juin 2008 - Le Chardonnet n° 239 - Abbé François-Marie Chautard - mise en ligne: laportelatine.org
A la lumière des questions soulevées et des réponses apportées, la conclusion porte sur deux aspects corrélatifs :
  • les conclusions théoriques :
  • les applications pratiques.

I – Les leçons des 20 dernières années :
  1. Les sacres étaient le moyen nécessaire pour assurer la pérennité de la Tradition, de sa survie et de son intégrité doctrinale particulièrement :
    1. Pour assurer librement les ordinations et par là le développement de la Tradition sans devoir obtenir de Rome des évêques au cas par cas au prix de concessions doctrinales ;
    2. Pour assurer la validité des sacrements de confirmation et d’extrême-onction ;
  2. Le ralliement des instituts Ecclesia Dei montre a posteriori par :
    1. Les déviations doctrinales ;
    2. La division créée ;
Qu’on ne peut se mettre sous l’autorité d’une structure infestée de modernisme sans être soi-même gangrené par le modernisme ambiant cette solution était vouée à l’échec.
3.   Rome n’a pas changé.

II – Les applications pratiques
Les applications pratiques entraînent trois questions :
- quelle doit être l’attitude actuelle de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X vis-à-vis de Rome ?
- quelle doit être notre attitude vis-à-vis des ralliés ?s
- quelle doit être notre attitude personnelle dans cette crise de l’Eglise ?
L’attitude de la Fraternité Saint-Pie X relativement à Rome
A cette première question, la réponse nous est clairement donnée par le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, S.E. Mgr B. Fellay :
« (…) rien n’a changé dans la volonté de Rome de poursuivre les orientations conciliaires, malgré quarante années de crise, malgré les couvents dépeuplés, les presbytères abandonnés, les églises vides. Les universités catholiques persistent dans leurs divagations, l’enseignement du catéchisme reste une inconnue alors que l’école catholique n’existe plus comme spécifiquement catholique : c’est devenu une espèce éteinte…
Voici pourquoi la Fraternité Saint-Pie X ne peut pas ‘signer d’accord’. Elle se réjouit franchement de la volonté papale de réintroduire le rite ancien et vénérable de la sainte Messe, mais découvre aussi la résistance parfois farouche d’épiscopats entiers. Sans désespérer, sans impatience, nous constatons que le temps d’un accord n’est pas encore venu. Cela ne nous empêche pas de continuer d’espérer, de continuer le chemin défini dès l’an 2000. Nous continuons de demander au Saint-Père l’annulation du décret d’excommunication de 1988, car nous sommes persuadés que cela ferait le plus grand bien à l’Eglise et nous vous encourageons à prier pour que cela se réalise. Mais il serait très imprudent et précipité de se lancer inconsidérément dans la poursuite d’un accord pratique qui ne serait pas fondé sur les principes fondamentaux de l’Eglise, tout spécialement sur la foi. »(1).
Dès lors, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X continue, d’une part, son travail apostolique aux quatre coins de l’univers et, d’autre part, son ministère critique, œuvrant par là au retour de Rome à la Tradition de l’Eglise.
Notre attitude vis-à-vis des ralliés
Compte tenu des graves déviances doctrinales desdits instituts, trois mesures semblent s’imposer :
1 - Ne pas assister aux messes de ces derniers (2) comme le rappelait Mgr Lefebvre ainsi que M. l’abbé de Cacqueray (dans un passage portant davantage sur les messes Motu proprio):
« N’estimons pas que notre formation, même bonne, nous place au-dessus de ces dangers : d’autres, et en grand nombre, n’y ont pas résisté. Il me semble que l’histoire des sociétés qui dépendent de la commission Ecclesia Dei démontre éloquemment qu’il est hélas possible, après l’adoration du Christ couronné par la liturgie, d’assister à son découronnement par la prédication. Je ne veux pas dire que l’on perd la foi en écoutant, une fois en passant, un sermon imprégné des erreurs modernes. Cependant, il est bien nécessaire d’avoir conscience des trois points suivants :
- Tout d’abord, l’humilité d’une âme doit naturellement l’incliner à se défier d’elle-même et à ne pas prendre le risque de se laisser troubler ou déstabiliser.
- Même si elle pense qu’elle ne risque rien, elle doit cependant mesurer ce qu’elle n’a sans doute pas reçu et qu’elle aurait pu recevoir en assistant à la messe dans une chapelle où l’enseignement doctrinal est vraiment communiqué.
- Il lui faut également se rappeler que les hommes sont enclins à se rassurer au sujet de ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire en regardant ce que font les autres, surtout s’ils leur portent une certaine estime. C’est ainsi. De la permission que l’un prend pour lui-même, il résulte que d’autres font de même et l’effet s’en trouve multiplié. Et si l’on estime son esprit suffisamment acéré pour trier et ne conserver que la vérité, en sera-t-il de même pour ceux que l’on aura entraînés dans son sillage ? »(3).
2 - Eviter absolument les mariages avec des ralliés convaincus  comme l’explique M. l’abbé Bourrat car
« minimiser les divergences sur la fidélité à la Tradition de l’Eglise, considérer que la défense du combat de la Tradition se limite à la messe en latin, atténuer les conséquences pratiques, au sein du foyer, des  divergences doctrinales du combat mené par la Fraternité St-Pie X et celui des mouvements Ecclesia Dei (pour schématiser), c’est préparer au sein même de la famille et chez les enfants des divisions et des contradictions qui se résoudront généralement au profit d’un abandon de la position vraiment catholique, toujours plus difficile à tenir qu’un compromis d’esprit libéral. Tout cela pour éviter des fissures dans le mariage (amour mutuel) au détriment de la fidélité de la foi (éducation des enfants). Autrement dit, pour préserver la fin seconde, on mettra en péril la fin première »(4).
3 - Ce qui suppose d’éviter des liens d’amitié trop grands où les familles pourraient relativiser les graves divergences doctrinales existantes.

III – Notre attitude personnelle
Au-delà de la formation qu’il faut transmettre inlassablement, il reste que la réponse à la crise est une vie chrétienne fervente et hardie que les obstacles dressés par la crise dans l’Eglise ne doit pas abattre mais susciter comme le rappelait M. l’abbé de Cacqueray :
 « Toute hérésie, par les attaques qu’elle dirige contre un dogme, engendre chez les catholiques les plus aimants de leur foi un mouvement instinctif à se grouper autour de lui pour le défendre, et les amènent ainsi à l’approfondir et à s’en nourrir. Il en résulte que les orientations spirituelles des âmes se trouvent nécessairement sous l’influence des luttes menées par l’Eglise contre les erreurs du temps. Leur sanctification ne s’opère pas dans une sorte d’isolement spirituel de l’époque où elles vivent mais dans un engagement intérieur, souvent très douloureux, à s’unir profondément aux mouvements les plus intimes de la défense de l’Église et de sa vie militante. Et ce n’est qu’au prix de l’acceptation d’une telle posture que les âmes s’élèvent »(5).
Fin du dossier spécial extrait du chardonnet n° 239 de juin 2008

Notes
(1) Lettre aux amis et bienfaiteurs, n°72, 14 avril 2008.
(2) N’oublions pas que les parents du saint curé d’Ars n’assistaient pas à la messe saint Pie V de leur curé jureur qui lui, n’avait légitimé ni Assise ni la nouvelle messe ni Vatican II mais la constitution civile du clergé, qui, pour grave qu’elle était, n’atteignait pas le degré de blasphème d’Assise.
(3) Lettre aux amis et bienfaiteurs n°71, décembre 2007, p. 22.
(4) Cours personnel.
(5) Lettre aux amis et bienfaiteurs n°71, décembre 2007, p. 5.