La Fraternité Saint-Pie X signera-t-elle un accord ? |
3 juin 2008 - Ennemond Beauchamp - christus.imperat |
L’encre coule, les esprits s’échauffent, les touches de clavier cliquètent. Mystérieuse parabole que cette série d’apologues proposée il y a quelques semaines par le responsable français de la Fraternité Saint-Pie X. Quelques-uns ont décelé dans un écrit incompris les marques d’un orgueil inconsidéré faisant de l’œuvre fondée par Mgr Lefebvre la seule arche du salut. D’autres, à l’impartialité aguerrie, ont imaginé qu’il était le terrible symptôme d’une société épuisée et presque à l’hallali. Un certain nombre, peut-être vexé de ne pas avoir su trouver la juste combinaison, a finalement dédaigné et l’auteur et son texte. Quoiqu’il en soit, tous, imitant le « brouhaha » des chasseurs, ont apporté, à leur tour, leurs avis divergents. Et, tous, à l’unisson, ont révélé, souvent bien malgré eux, la vive importance que constitue à leurs yeux ce dernier coup, en avouant implicitement qu’ils ont le regard rivé sur les faits et gestes du chasseur qui doit le lancer. Tous, par conséquent, viennent entendre et recevoir pour leur propre compte la morale de cette histoire : Même si beaucoup d’avis peuvent être accumulés, il n’y aura qu’un seul tir dont l’issue constitue un enjeu particulièrement fondamental pour l’Église. Qui, après avoir été enseigné des sévères mises en garde de saint Pie X, ne peut imaginer que le néo-modernisme contemporain puisse être comparé à une hydre ? Qui, s’il nourrit un peu de bonne foi, n’est pas disposé à constater que la barque est prêtre à sombrer – du moins qu’elle prend l’eau de toutes parts ? Que l’Église se réapproprie pleinement des corps qui n’ont pas versé dans le relativisme et dans l’esprit des réformes, voilà qui la fera vaincre – avec la grâce de Dieu – les méfaits de l’hydre destructrice. Ces réappropriations successives sont comme autant de coups portés sur elle car elles réaffirment, progressivement, que la doctrine et la liturgie que ces corps enseignent, ne sont ni abrogées ni abrogeables. Après plusieurs essais lancés depuis les rangs de catholiques résistants, la Fraternité Saint-Pie X constitue la dernière cartouche. Parce qu’elle est le fer de lance des mouvements de restauration traditionnelle, parce qu’elle est la plus répandue de ces communautés à la surface du globe, parce qu’elle est forte à la fois du sacerdoce et de l’épiscopat pleinement catholiques, elle apparaît, dans cette comparaison, comme le coup magistral qui puisse ébranler à sa juste mesure l’Église. Cette réappropriation se fera - à terme - par la signature d’un accord, point d’aboutissement de la feuille de route établie en 2000. Les chasseurs dont parle la parabole sont les prêtres de la Fraternité, que l’abbé de Cacqueray harangue car ils sont placés sous son autorité. Il sont les premiers à être invités à observer à la fois une certaine réserve et à participer à un débat ordonné et constructif. Leur champion, c’est-à-dire leur supérieur général, est en réalité – fort de sa réélection par le chapitre général il y a deux ans – le seul décideur en la matière, en vertu des statuts de la FSSPX. C’est donc lui qui, le moment venu, tirera le coup, lancera la Fraternité dans ce processus que l’on pourrait juridiquement appeler « régularisation ». Dans ce contexte, le chasseur bénéficie de l’expérience passée. Il a vu quels étaient les impacts, les éventuels bienfaits et les réelles carences des coups précédemment tirés, des régularisations jadis engagées. Par conséquent, il demeure conscient que la cartouche ne peut pas être tirée à la légère et à n'importe quel prix. Parallèlement, il mesure, pour avoir tâté le terrain, la marge de manœuvre qui s’offrait à lui. L’évolution du sort des traditionalistes – d’abord honnis, puis timidement tolérés, désormais peu à peu considérés – a révélé la place fondamentale qu’avaient occupée jusqu’ici Monseigneur Lefebvre et son œuvre dans cette vaste entreprise de restauration et de réhabilitation, brillamment illustrée par la sauvegarde de la messe traditionnelle. Par voie de conséquence, il est légitime de penser que la Fraternité jouera encore dans l’avenir un rôle moteur et primordial. Certains cardinaux l’ont évoqué. Ainsi, autant que le plan de Dieu nous paraisse visible, il ne semble ni orgueilleux ni présomptueux de penser que la Fraternité puisse être, dans les mois, les années qui viennent, employée par Dieu comme un outil privilégié de cette entreprise de restauration. Cela veut-il dire que la Fraternité signera un accord ? Après avoir présenté de manière allégorique les divers arguments contradictoires, la parabole vient donner une réponse interrogative mais précise : « N’apparaît-il donc pas qu’il vaut encore mieux se risquer à tirer plutôt que de ne pas tirer ? » Toute l’action de la Fraternité, malgré les légitimes critiques portées contre les réformes néfastes, à l’époque de Monseigneur Lefebvre comme aujourd’hui, a été de maintenir le contact avec Rome afin d’aboutir à ce que le prélat d'Ecône appelait « le rétablissement des droits de la Tradition à Rome ». Sinon, pourquoi la Fraternité continuerait-elle à entretenir des discussions ? Pourquoi poursuivrait-elle une feuille de route si c'était pour ne nourrir aucun espoir de restauration ecclésiale ? Si cette oeuvre a un devoir grave de maintenir l'héritage doctrinal de son fondateur, elle ne peut en revanche bannir le principe même d'un accord, ce qui serait contraire à ce même héritage et ce qui lui ferait franchir le seuil du schisme. Depuis quelques mois, une demi-douzaine de fidèles, arguant de leur ancienneté et de leurs décorations en tous genres, ont funestement placé leurs feuilles si chics et leurs stations « internautiques » au service d’un dénigrement systématique des autorités de la Fraternité et d’un travestissement de la pensée de Monseigneur Lefebvre en passant maîtres dans l’art du découpage. Leur but non avoué est de donner mauvaise conscience à tout rapprochement avec le Saint-Siège, rapprochement qui fut pourtant toujours présent dans l’esprit de Mgr Lefebvre. Le but du prélat d’Écône n’a jamais été celui de la dissidence. S'il désirait continuer à garder pleinement la foi catholique, il a néanmoins toujours porté son espoir en Rome et n’a jamais voulu s’en séparer. Seules les condamnations l’ont placé dans une position d’irrégularité qu’il n’a ni revendiquée ni désirée. Même au pire de la crise, il continuait à envisager le moment où « la Tradition retrouverait ses droits à Rome. » « Si on dit maintenant que, depuis vingt ans, il n’y a plus de pape, on quitte l’Église, pratiquement, on abandonne l’Église à la dérive. […] C’est vraiment le schisme complet. On ne peut absolument pas se lancer dans une aventure pareille. Il n’y a vraiment que l’évêque de Rome qui est le successeur de Pierre. Il n’y a pas deux évêques de Rome, il n’y a qu’un évêque de Rome et il n’y a rien à faire. Là il y a une chaîne sans fin. C’est toujours l’évêque de Rome qui est le successeur de Pierre. Et c’est parce qu’il est évêque de Rome qu’il est le successeur de Pierre. » (26 décembre 1982) Face à ce qui n’est qu’une comparaison, il y aura donc ceux qui, de mauvaise foi, continueront à regarder le bout du doigt lorsqu’on le pointera pour leur montrer la lune. Il y aura aussi les sourds qui ne voudront pas entendre. C’est cette fois l’humilité qui nous poussera à considérer qu’il n’y a qu’un seul homme qui avait le pouvoir de proposer des paraboles tout en sachant rendre l’ouïe aux malentendants. Non seulement Il était homme, mais Il était aussi Dieu. Quoiqu’il arrive, de quelque manière que soit lancée la cartouche, notre espoir demeure en Lui. |