Sermon prononcé par S. Exc. Mgr Alfonso de Galarreta, lors des ordinations du 27 juin 2008 à Ecône |
27 juin - dici.org |
Excellences, Chers Confrères, Chers Ordinands, Mes bien chers Frères, Lorsque l’on considère quelle est la pensée de la sainte Église sur le sacerdoce, que ce soit dans les saintes Écritures, spécialement dans saint Paul, ou dans la Tradition, pensée qui est comme condensée dans le Pontifical Romain, on constate combien il est vrai que Mgr Lefebvre, notre saint fondateur, a été le serviteur fidelis et prudens, fidèle et prudent ; et l’on pourrait bien ajouter : fort, vaillant, lui qui n’a fait autre chose que de nous transmettre avec fidélité ce qu’il avait reçu de la sainte Eglise, c’est-à-dire le vrai sacerdoce catholique. Et cela est vrai à tel point que, pour nous, il suffit de vivre ce qu’il nous a transmis, vivre ce que nous avons reçu, et plus précisément, vivre ce que nous sommes. La sainteté sacerdotale, c’est tout simplement de vivre ce que nous sommes. Je voudrais donc vous parler de cet enseignement que nous avons reçu, de ce sacerdoce, non pas évidemment d’une façon exhaustive, mais dans ses éléments essentiels, dans ce qui me semble être ses éléments essentiels. Le prêtre est ordonné au Saint-Sacrifice de la Messe Et tout d’abord, le prêtre par son sacerdoce est ordonné au sacrifice, au Saint-Sacrifice de la Messe. Le prêtre est avant tout l’homme du culte de Dieu, l’homme consacré et établi afin de rendre au vrai seul Dieu le vrai culte. Il est établi aussi comme médiateur, intermédiaire entre Dieu et les hommes, tout spécialement pour offrir des prières et des sacrifices. Il est surtout et essentiellement l’homme du Saint-Sacrifice. Il n’y a pas de sacerdoce, il n’y a pas de prêtre sans le Saint-Sacrifice de la Messe. L’apôtre saint Paul dans l’Epître aux Hébreux le dit d’une façon très claire : « Car tout Pontife pris d’entre les hommes est établi pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin qu’il offre des dons et des sacrifices, dona et sacrificia, pour les péchés.» (Hebr, 5, 1-3). Et après avoir montré que le prêtre doit compatir aux pécheurs, c’est-à-dire qu’il doit avoir des sentiments de compassion et de miséricorde vis-à-vis des pécheurs, car lui-même est revêtu de faiblesse, l’apôtre insiste : « C’est pour cela qu’il doit offrir pour lui-même ainsi que pour le peuple des sacrifices pour les péchés ». Il me semble que nous réalisons cela d’une triple façon. Cela signifie tout d’abord que nous devons faire de la sainte messe le centre, le cœur de notre vie spirituelle, de notre vie sacerdotale, de notre vie tout court. Et que c’est de la messe, de la sainte messe, et de la célébration de la sainte messe que nous devons puiser, tirer toutes les grâces de sanctification personnelle et de sanctification des fidèles. C’est-à-dire aussi que le principal moyen d’apostolat pour nous, prêtres, c’est la sainte messe. C’est bien cela que nous a transmit Mgr Lefebvre. Ensuite, il faut que nous accomplissions cette tâche de médiateur par la prière. Il y a une médiation du prêtre, par la prière, aussi bien publique que privée. Bien sûr, par la liturgie, cela est clair, mais aussi par la vie de prière personnelle, privée. Le prêtre est ordonné à une médiation entre Dieu et les hommes. Autrement dit, c’est une prière de demande, d’intercession, de médiation, de réparation, d’expiation, surtout de propitiation. Notre Seigneur lui-même a dit aux apôtres, dans l’Évangile selon saint Jean : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis, et qui vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jean, 15,16). Et Notre Seigneur ajoute : « … afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, Il vous le donne ». Donc il y a bien un office d’intermédiaire par la prière. Puissant office que cette fonction du prêtre, semblable à celle de Moïse, par exemple dans l’Ancien Testament, quand il a obtenu le pardon du peuple, par sa prière, ou quand il a obtenu la victoire dans la bataille, dans la mesure où il a prié pour le peuple. Un pouvoir semblable à celui d’Élie, d’ouvrir ou de fermer le ciel, les grâces du ciel. C’est Notre Seigneur lui-même qui nous a donné l’exemple. Mgr Lefebvre parlait de Notre Seigneur comme du « grand priant ». Il est le modèle de prière sacerdotale par excellence. Et la prière sacerdotale par excellence, c’est la sainte messe, encore. C’est donc bien l’exemple que nous avons reçu de Notre Seigneur, la médiation afin de rendre Dieu propice, pas seulement pour l’Église, pour les chrétiens, pour le Corps mystique, mais pour le monde. Comme le signale saint Jean Chrysostome, nous sommes constitués afin de prier pour tout le monde. C’est donc la sainte messe et le sacrifice de la messe qui doit être comme le modèle et l’âme de la prière sacerdotale. Et nous réalisons ce premier aspect essentiel en nous conformant à Notre-Seigneur Jésus-Christ prêtre et victime. Il y a là une identification qui est requise, une conformité croissante dans notre vie sacerdotale. Imitamini quod tractatis - c’est le Pontifical Romain qui le dit - : « imitez ce que vous traitez ». Imitez donc Notre Seigneur dans la sainte messe. Or Notre Seigneur dans la sainte messe est le prêtre. Il est l’oblation. Il est le sacrifice. Il est la victime. Donc il y a une double imitation. Nous devons chercher à ressembler chaque jour davantage à Notre Seigneur prêtre, dans sa sainteté, dans la recherche qu’Il a tout le temps de la gloire de Dieu : tout est ordonné à la gloire du Père. Il nous faut l’imiter dans son souci du salut des âmes, et dans sa miséricorde. Sainteté, gloire de Dieu et miséricorde. Mais nous devons aussi nous conformer à Notre Seigneur, victime, oblation, sacrifice. Or le sacrifice implique toujours une destruction, en particulier dans l’holocauste. Il y a forcément une destruction, une mort, mystiquement parlant, surtout à la messe. C’est surtout dans l’exemple de la messe que nous devons puiser cet esprit qui est le vrai esprit sacerdotal. Et - pour traduire cela en mots simples - c’est là qu’il faut accepter les souffrances joyeusement et volontiers, les adversités, les difficultés, les incompréhensions, les misères…, la liste des malheurs de l’homme est très longue. Et c’est bien cela qu’il faut assumer, nous devons accepter avec résignation de souffrir la Croix. On ne peut pas éviter de ressentir la Croix comme une croix, sinon ce n’est plus une croix, mais il s’agit de l’unir à celle de Notre Seigneur, de la vivre en Lui, pour tous les biens dont nous avons besoin, pour les pécheurs et pour la sainte Eglise. Je pense que c’est là le sommet de la vie sacerdotale, c’en est la fleur, ou le fruit, plutôt. Le prêtre est ordonné à la prédication de la Vérité dans son intégralité et sa pureté Le deuxième élément essentiel au sacerdoce est la prédication de la Vérité. Notre-Seigneur Jésus-Christ est la vérité même. « Je suis la Vérité » (Jean, 14,6) . Et Il est venu en ce monde afin de rendre témoignage de la Vérité. Comme Il le dit devant Thomas. Et la sainte Église catholique est la colonne et le soutien de la Vérité. Il s’ensuit que c’est une tâche essentielle du prêtre que de prêcher la Vérité. Le prêtre doit donc s’y préparer. Il doit être capable ou il doit se rendre capable d’enseigner la Vérité. Et il doit se consacrer à la prédication. Pour saint Paul, être apôtre, c’est essentiellement prêcher, enseigner. C’est être un docteur, un messager, un héraut qui proclame toujours la parole de Dieu - ce sont ses propres mots : la parole de Dieu, la parole de Vérité, les saintes paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les paroles de la Foi, la sainte Doctrine. Et c’est bien l’exemple que nous a donné Notre Seigneur. Sa vie publique est une vie de prédication, d’enseignement, de révélation de la Vérité aux âmes. Et c’est même son commandement : « Allez et enseignez toutes les nations » (Matt., 28,19). C’est-à-dire tous les hommes. Et cette prédication doit être fidèle. Ce qui est requis dans l’exercice de ses devoirs, c’est la fidélité. Ce que l’on demande au ministre, c’est qu’il soit fidèle. Un ministre doit être fidèle à son ministère, à ce qu’on lui demande de transmettre. Or être fidèle, cela veut dire d’abord prêcher l’intégralité de la Doctrine, et ensuite enseigner cette doctrine dans toute sa pureté. Donc vous voyez : toute la Foi, rien que la Foi. On ne peut rien ajouter, ni rien retrancher. Et cette prédication, intégrale et pure, doit être nécessairement celle de la Tradition. Il faut prêcher selon l’enseignement de la Tradition, selon la prédication traditionnelle, qui est le critère et la norme de la Foi. Le principal et le premier critère de la Foi. C’est ainsi que saint Paul le donne : « Nous ne sommes pas comme beaucoup qui frelatent, qui adultèrent la parole de Dieu, mais c’est en toute pureté, comme de la part de Dieu, devant Dieu, dans le Christ, que nous parlons » (II Cor., 2,17). Il est justement fier de ne pas adultérer la Foi. Et il dit aussi à Timothée : « Aie comme modèle les saintes paroles que tu as entendues de moi dans la Foi et la Charité du Christ » (II Tim., 1,13-14), l’enseignement pur, parfait. Et il ajoute : « Garde le précieux dépôt de la Foi, par le Saint-Esprit, qui habite en nous ». Donc le prêtre reçoit le Saint-Esprit, tout spécialement par le sacerdoce, afin de garder cet enseignement, cette Tradition, et afin de l’enseigner, de le prêcher. Ce sont bien là les critères de catholicité. Rappelez-vous les paroles de saint Paul dans l’Épître aux Galates : « Si quelqu’un, fût-ce moi-même, ou un ange du Ciel… » ; donc si n’importe qui, que ce soit un prêtre, un évêque, un cardinal ou un pape, « vous annonce un Évangile différent de celui que nous avons annoncé, que vous avez reçu, qu’il soit anathème » (Gal., 1, 8). Le critère de la Foi catholique et de la prédication du prêtre, c’est la Tradition. La conformité avec la Tradition de l’Église catholique. Et nous faisons toujours appel à cette vérité. C’est cela qui fait notre force. Nous ne faisons pas un magistère « au-dessus du magistère du pape ». Nous faisons appel au magistère des papes et à l’enseignement constant, à la Tradition de l’Église catholique, qui est au-dessus de nous et qui est au-dessus du pape. Ensuite, le prêtre doit aussi prêcher et enseigner avec autorité, avec force - qualité essentielle de la prédication. Cela ne veut pas dire, évidemment, avec violence ni agressivité. Cela veut dire « force », être fort. Saint Thomas dit bien que le prêtre doit prêcher et enseigner avec autorité, parce qu’il est l’instrument, le ministre de Dieu. Donc, il a l’autorité, il est revêtu de l’autorité de Dieu pour cet office. Alors, il doit non seulement enseigner la Doctrine, il doit non seulement exhorter les fidèles, - les exhorter au bien, à la pratique du bien -, mais il doit aussi corriger les fautes et les déviations, que ce soit en dénonçant le mal ou en blâmant les fautifs. Et si c’est une question de Foi, une question doctrinale, il est obligé de faire une réfutation solide. Saint Paul souligne : « … capable de convaincre ou confondre les contradicteurs ». De convaincre ou de faire taire les contradicteurs. Il le dit à Tite : « Dis ces choses, exhorte et reprends avec toute ton autorité » (Tit., 2, 15). Et il lui dit aussi : « … le prêtre doit être fortement attaché aux paroles authentiques, telles qu’elles ont été enseignées, afin d’être capable d’enseigner la sainte Doctrine et de confondre les contradicteurs de la Foi » (Tit ., 1, 9). Ce sont les paroles de saint Paul à Tite. Donc, il est inhérent à cette obligation de prêcher de défendre les fidèles de toute contamination doctrinale. Le prêtre doit lutter contre les erreurs et contre les faux docteurs, contre les hérésies et contre les hérétiques. Car il est le gardien des vérités de Foi, mais il est aussi le gardien du bien des âmes ; et leur premier bien est justement cette Vérité en eux, la Foi catholique. Saint Paul est très formel à ce sujet. Rappelez-vous : « Je t’adjure », dit-il à Timothée, « devant Dieu et devant Notre-Seigneur Jésus-Christ : prêche la Parole, insiste à temps et à contretemps ; exhorte, convaincs, reprends, en toute longanimité et doctrine ( II Tim., 4,1-2). Bien sûr qu’il faut de la patience vis-à-vis des fidèles ou des fautifs pour les corriger, mais il ne parle pas de cela seulement. Il dit qu’il faut le faire avec patience, parce que c’est difficile, c’est une souffrance, c’est un combat. Il annonce - c’est son testament spirituel - que viendront des temps où les hommes, les catholiques même se détourneront de la vérité et tourneront leurs oreilles vers des fables. C’est là que le prêtre doit être vigilant. « Endure la souffrance. Remplis ton ministère. Fais œuvre d’évangéliste » (II Tim., 4, 3-5). C’est bien un devoir que cette défense de la Foi et des âmes. On doit donc dénoncer les erreurs, les hérésies, mais aussi les fauteurs d’erreurs et d’hérésies. Cela suppose évidemment de la force. Dans la mesure où le combat dure, où la crise perdure, c’est surtout notre patience et notre force qui sont mises à l’épreuve. C’est pour cela que saint Paul dit à Timothée : « Et toi, homme de Dieu, combats le bon combat de la Foi » (I Tim., 6, 11-12). C’est un bon combat pour l’apôtre des Gentils, ce n’est pas un mauvais combat. Mais il faut se battre, il faut lutter. Et pour cela, il faut que nous soyons forts dans la Foi. Saint Paul nous rappelle à travers Timothée que par l’imposition des mains, nous n’avons pas reçu un esprit de timidité, c’est-à-dire de crainte, « mais un esprit de force, de charité et de sagesse » (II Tim.,1,7) . Il dit d’abord « de force ». Le prêtre est ordonné au règne de Notre Seigneur sur les personnes et les institutions Le troisième élément essentiel, c’est que le sacerdoce est tout entier ordonné à Notre-Seigneur Jésus-Christ, tout ordonné à faire régner Notre Seigneur. « Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus » (I Cor., 3, 11). Encore des paroles de saint Paul. Autrement dit, on ne peut pas chercher à bâtir cet édifice mystique qu’est l’Eglise catholique en dehors du seul fondement qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et celui qui bâtit sur un autre fondement, bâtit un édifice purement humain et, comme nous le voyons aujourd’hui, humaniste. Donc tout d’abord, le prêtre doit fonder tout son sacerdoce, toute sa vie, tout son apostolat, sur Notre-Seigneur Jésus-Christ comme base essentielle. Et en même temps, Notre Seigneur doit être la fin de tous ses efforts. Car nous sommes constitués pour « omnia instaurare in Christo, tout restaurer dans le Christ » (Eph., 1, 10). Tout restaurer, tout instaurer, tout réunir - comme dit le grec -, en Notre-Seigneur Jésus-Christ. La fin de l’apostolat, la fin du sacerdoce, la fin de la sainte Eglise, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est de tout fonder sur Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est de s’inspirer de Notre Seigneur en tout. Le prêtre ne peut avoir d’autre désir, d’autre volonté que de consacrer sa vie, toute sa vie, tous ses efforts, tout son travail à faire que Notre-Seigneur Jésus-Christ soit tout, en tout et en tous. Je voudrais le dire comme saint Augustin : Notre Seigneur doit être tout, en tout et en tous. Mais il faut que ce soit tout Notre Seigneur : sa doctrine, son sacerdoce, sa grâce, son sacrifice, sa royauté, son Eglise, sa très Sainte Mère. Tout Notre Seigneur. Ensuite il faut que ce soit Notre Seigneur pour tous, car il n’y a pas de salut en dehors de Notre Seigneur. Il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puissions nous sauver. C’est un don et en même temps une exigence. Notre Seigneur pour tous, pas seulement pour les catholiques ou pour ceux qui pratiquent bien leur culte. Non ! Notre Seigneur pour tous. Ensuite, il faut tout ordonner à Notre Seigneur : tout pour Lui. Saint Paul est clair : « Tout est à vous, vous êtes au Christ, et le Christ à Dieu » (I Cor., 3, 22-23). Voilà la volonté de Dieu, du Père : que tout soit ramené à Dieu, à Lui-même par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et nous, prêtres, nous ne faisons que coopérer à tout ramener à Dieu. C’est pour cela que Mgr Lefebvre résumait souvent notre position par ces mots de saint Paul : « Opportet Illum regnare, il faut qu’Il règne » (I Cor., 15, 25). Oui, il faut que Notre Seigneur règne. Et le sacerdoce est une œuvre de christianisation. Nos charges sont entièrement ordonnées à christianiser et à établir le règne de Notre Seigneur dans toute son étendue, aussi bien sur les individus que sur les institutions. Aussi bien l’un que l’autre. Evidemment, in quantum possumus, « dans la mesure où nous le pouvons » aujourd’hui. Mais nous sommes pour cette royauté tant sur les individus que sur les sociétés, et nous travaillons pour cela. Nous sommes pour la confessionnalité d’Etat qui est une conséquence du règne de Jésus-Christ. Nous sommes pour la royauté sociale de Notre Seigneur, et donc pour la confessionnalité d’Etat. Ce n’est pas une question simplement politique ; ce n’est pas une question d’opportunité : est-ce possible ou non ? Non, c’est une question de Foi ! « Opportet Illum regnare ». Déjà saint Grégoire le Grand le disait : Il y a des hérétiques qui nient la divinité de Notre Seigneur, d’autres qui nient l’humanité de Notre Seigneur, et d’autres encore qui nient la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Des hérétiques. Par les sacres, Mgr Lefebvre a voulu sauvegarder le sacerdoce catholique Vous voyez, mes bien chers Frères, cette simple description du sacerdoce et de ses éléments essentiels, met en évidence combien Mgr Lefebvre a été fidèle à nous transmettre le vrai sacerdoce catholique. Et cela met aussi en évidence la dérive à laquelle nous assistons de la part des autorités ecclésiastiques. Car il y a, chez elles, une radicale opposition par rapport à tout ce que je viens de dire. Et cela nous le constatons même aujourd’hui. Prenez, par exemple, le voyage du Saint-Père aux Etats-Unis. Il est, pour ainsi dire, typique. C’est un enseignement toujours sous-jacent qui s’applique à des degrés différents, selon les personnes et selon les circonstances. Nous ne disons pas qu’il ne prêche que l’erreur, qu’il prêche toujours l’erreur. Nous ne disons pas cela. Mais si l’on dégage les principes sous-jacents, nous trouvons justement cet esprit naturaliste, humaniste, qui n’est pas à proprement parler surnaturel, mais plutôt humain. Une vision humaine, où l’homme est le centre un peu de tout. C’est une prédication qui favorise la liberté de conscience et la liberté religieuse. Or c’est justement là le contraire de la christianisation qui consiste à tout ramener au Christ. Ici, tout est indépendant, l’homme est autonome, - que ce soit dans sa conscience ou que ce soit dans sa vie sociale. Oui, ces autorités romaines font une œuvre de déchristianisation diamétralement opposée à ces règles de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qu’elles le veuillent ou non. Pourquoi ? Parce qu’elles adhèrent à des principes libéraux modernistes que l’Eglise a dénoncés depuis deux siècles. Elles n’ont qu’à lire les encycliques des papes précédents. En outre, on ne prêche plus la Vérité. On est en quête de la Vérité. Le principal moyen d’apostolat, c’est aujourd’hui le dialogue. Qu’est-ce que cela a à voir avec la vocation du prêtre qui doit prêcher, et prêcher la Vérité ? Qui doit enseigner selon la Tradition ! Nous voyons ainsi comment ce qui est vraiment la chaire de Vérité, de Sagesse, devient, dans le meilleur des cas une chaire de confusion, et dans le pire des cas une chaire d’erreur. C’est terrible ! Et c’est à cela que nous assistons ! Le sacrifice de la messe est diminué, estompé, obscurci au point qu’il devient même un obstacle à la Foi, à la Grâce de Notre Seigneur, et au véritable esprit catholique qui est fondé sur la Croix, sur le Sacrifice de la Croix. C’est terrible ! L’Ecriture dit, en parlant des enfants d’Héli : « Leurs péchés étaient très graves, car ils éloignaient les hommes du sacrifice » (I Rois, 2,17). Leurs péchés étaient graves, puisqu’ils ont été condamnés par Dieu. Et ils en sont morts. En tout cas, cela montre l’importance et la nécessité des sacres, il y a 20 ans. Car si nous avons posé cet acte des sacres, c’est justement pour la survie du sacerdoce catholique. Donc aujourd’hui, nous revendiquons ces sacres. Nous revendiquons cet acte, non pas comme s’il était une sorte de rébellion contre l’autorité du pape. Nous ne revendiquons pas cet acte dans son apparente désobéissance, mais en revanche nous le revendiquons dans sa résistance réelle à la démolition du sacerdoce, dans la mesure où nous avons posé cet acte simplement afin de sauvegarder le sacerdoce catholique. Et qui dit sauvegarder le sacerdoce, dit sauvegarder la Foi catholique et l’Eglise catholique. Voilà pourquoi nous revendiquons aussi la figure de S. Exc. Mgr Marcel Lefebvre. C’est dans ce contexte que sa figure émerge, avec la taille d’un géant. Car Monseigneur a été, ne l’oublions pas, le principal sauveur de la Tradition. Souvent l’on nous dit : « Vous êtes lefebvristes ». Et nous répondons toujours : « Nous ne sommes pas lefebvristes, nous sommes catholiques ». Mais je souligne quand même que nous sommes des disciples de Mgr Marcel Lefebvre, et nous en sommes très fiers. Il ne faut pas entrer dans la logique, dans la sémantique des ennemis. Bien sûr, « lefebvristes » est méprisant. Cela veut dire que nous serions catholiques parce que lefebvristes. Eh bien non ! c’est parce que nous sommes catholiques, et que Mgr Marcel Lefebvre était catholique, que nous sommes des disciples de Monseigneur. A l’inverse, aujourd’hui, les gens croient parce qu’ils obéissent. Ils n’obéissent pas parce qu’ils croient. Pour eux, ce n’est pas d’abord la Foi surnaturelle, c’est d’abord l’obéissance. Vous êtes catholiques si vous obéissez, et non pas si vous croyez. Or l’obéissance est une conséquence de la Foi. Si donc nous avons adhéré à ce sauveur de la Tradition, c’est parce qu’il était vraiment catholique. Mais cela étant précisé, nous revendiquons sa figure. Nous sommes très heureux d’avoir partagé ce combat, nous serons très heureux encore de continuer ce combat, et de partager les souffrances, les peines, les adversités et même les condamnations dont il a souffert. Nous n’avons pas honte de l’Evangile de Notre Seigneur. Nous n’avons pas honte de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous n’avons pas honte de la Foi catholique de toujours. Nous n’avons pas honte de l’Eglise catholique de toujours. Par conséquent, nous ne rougissons pas de Mgr Marcel Lefebvre. Nos rapports avec Rome doivent être envisagés à la lumière de la Foi catholique Cela m’amène à vous parler rapidement de la situation actuelle. Vous avez peut-être entendu dire, par ci, par là, que nous avions reçu un ultimatum de la part de Rome, de la part du Cardinal Castrillón. Je pense que c’est trop dire, un « ultimatum ». C’est trop dire. Il y a évidemment une volonté de nous émouvoir, de nous effrayer en mettant la pression dans le sens d’un accord purement pratique qui a été toujours la proposition de Son Eminence. Evidemment vous connaissez déjà notre pensée. Cette voie est une voie morte ; pour nous, c’est la voie de la mort. Il n’est donc pas question de la suivre. Nous ne pouvons pas nous engager à trahir la confession publique de la Foi. Il n’en est pas question. C’est impossible. Et nous ne pouvons pas, dans la mesure où nous voulons garder la Tradition et édifier ce bâtiment mystique qu’est l’Eglise, nous ne pouvons pas nous embaucher dans une entreprise de démolition. Vous réfléchirez sur tout ce que nous avons déjà dit. C’est impossible. Bien sûr, notre réponse à Rome va dans le sens de ce que nous avons déjà demandé, et que nous demandons depuis longtemps, à savoir les étapes avec les préalables, qui aboutiraient, éventuellement, à une discussion, à une confrontation théologique, - plus que théologique, une confrontation doctrinale, et plus que doctrinale, une confrontation avec les actes du magistère, et plus encore qu’avec les actes du magistère, avec la Foi. C’est la seule voie que nous sommes prêts à accepter. C’est la seule voie que nous demandons. Evidemment, la réponse de la Fraternité va dans ce sens-là, et elle ira toujours dans ce sens-là. Et maintenant que nous prépare l’avenir proche ? Je ne le sais pas. Je pense que le plus probablement tout cela aboutira à une pause, à une stagnation de nos contacts avec Rome. Moins probablement, à une déclaration, nouvelle, contre nous. Et moins probablement encore, au retrait du décret d’excommunication, avant une discussion sur la Foi catholique. Discussion, si l’on peut dire, comme je vous l’ai expliqué. Voilà. Je vous ai donné ces probabilités dans l’ordre décroissant, d’après moi, car c’est une conjecture simplement personnelle. Le secours de la Providence et la protection de la Sainte Vierge Pour terminer, je vous rappelle, chers ordinands et chers confrères, les paroles de Notre Seigneur avant de monter au Ciel, qui me semblent contenir des passages si beaux, paroles qui contiennent comme la quintessence de l’Evangile : « Tout pouvoir m’a été donné, au Ciel, et sur la Terre » (Matt. 28,18). C’est le Christ Roi universel qui parle, le Maître de l’Histoire et de l’Eglise. « Tout pouvoir m’a été donné, au Ciel, et sur la Terre ». « Allez donc, et enseignez tous les hommes, toutes les nations » (ibidem, v. 19), c’est bien le Christ Prêtre, Docteur de Vérité. C’est le Christ Vérité qui nous le dit : « les baptisant, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (v. 19). C’est bien le Christ Vie, le Christ Prêtre qui communique la grâce qui nous donne cet ordre de les convertir, de leur donner la grâce. « Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé » (v. 20). « Tout ce que je vous ai commandé » absolument tout. C’est bien le Christ Législateur qui établit la morale et qui nous demande d’enseigner cela. « Ceux qui croiront et se feront baptiser se sauveront. Et ceux qui ne croiront pas, se condamneront, seront condamnés » (Marc 16,16). C’est le Christ Juge et Rémunérateur qui nous l’annonce. « Et voici que Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles » (Matt. 28, 20). C’est le Christ Sauveur, Rédempteur, le Christ Tête de l’Eglise. C’est le Sacré-Cœur de Jésus qui nous annonce son secours, dans sa Toute-Puissance et dans sa Miséricorde. Alors, nous n’avons rien à craindre. Il l’a dit lui-même aux apôtres : « Ne craignez rien ! J’ai vaincu le monde » (Jean, 16, 33). Et Notre Seigneur ne parle pas ici seulement du monde des mondains ; le contexte montre bien que dans ce « j’ai vaincu le monde », il inclut les autorités ecclésiastiques de l’époque, puisqu’il parlait un peu avant des Pharisiens et des Sadducéens. Autrement dit, Notre Seigneur a vaincu tous ses ennemis. Et nous, nous sommes au service de ce si puissant Seigneur, Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs. Alors nous n’avons rien à craindre. La Providence va nous donner, pour l’avenir, ce qui nous convient. Comme toujours. Parfois c’est la souffrance, l’épreuve, parfois c’est une accalmie, une petite bataille gagnée. Nous ne connaissons pas l’avenir. Nous ne savons pas où l’histoire du monde va aboutir, ni l’Eglise elle-même, ni le monde. A quoi Dieu nous prépare-t-il ? Nous ne le savons pas. Mais que ce soit dans la souffrance, dans le combat, dans la joie, dans la victoire, nous sommes toujours également assurés. Car notre Espérance est bien fondée en Dieu, en sa Providence et en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et c’est pour cela que nous prions spécialement aujourd’hui la Très Sainte Vierge Marie, et tout particulièrement l’Immaculée, la Toute Pure. Car c’est bien Elle qui est le chemin pour aller à Notre-Seigneur Jésus-Christ, le chemin assuré pour aller au Christ, pour vivre de la Vie du Christ. C’est l’Immaculée qui a reçu les promesses de la Victoire. Ipsa conteret, elle t’écrasera à la tête (Gen., 3, 15). La victoire a commencé déjà, par Marie. La victoire finale viendra aussi par l’entremise de l’Immaculée, par le triomphe du Cœur Immaculé et douloureux de Marie. Ayons cette confiance et soyons courageux dans notre ministère et dans l’accomplissement, chaque jour meilleur, des exigences du sacerdoce catholique. Ainsi soit-il ! Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu. Les intertitres et les références scripturaires ont été ajoutés par DICI. |