25 juin 2008




Rome ou pas Rome : le carrefour
25 juin 2008 - abbé Guillaume de Tanoüarn - ab2t.blogspot.com
Lu sur le Forum catholique, d'un scribe sympathique : "Le premier, j'ai donné mon avis positif sur la possibilité d'une signature de ce texte qui n'engage à rien sauf à reconnaître que nous sommes catholiques romains. Mais si Mgr Fellay décide, avec la grâce de l'Esprit-Saint, de ne pas le signer, je le suivrai quand même". Il me semble que ce scribe-là est très représentatif des fidèles de la FSSPX, confrontés, qu'ils le veuillent ou non, à une véritable tornade, depuis que le cardinal Castrillon Hoyos a solennellement proposé à Mgr Fellay l'accord en cinq points (ce texte qui n'engage à rien comme dit le scribe) comme un accord de dernière chance. Les fidèles s'en remettent donc au chef. Et le chef a dit, lors d'ordinations sacerdotales au Séminaire de Winona (EU), le 20 juin dernier, qu'il faudrait "continuer pour un moment, un bon moment", sans signer le moindre engagement avec Rome.

Il nous faudra du temps, dit Mgr Fellay, en bon Suisse qu'il est. Vous avez jusqu'au 30 juin, répond le cardinal, comme s'il trouvait que l'on en avait déjà assez perdu comme ça, du temps.
Les cinq conditions énumérées par Rome (et qui sont désormais accessibles au grand public sur certains blogs ou forums) forment simplement une sorte de code de bonne conduite, sans toucher aucun point doctrinal. Notons simplement que dans l'un de ces paragraphes, on avertit que les supérieurs de la Fraternité ne devront pas céder à la tentation de constituer un magistère supérieur à celui du pape. C'est ce point d'abord qui doit nous arrêter. La réaction du Scribe est caractéristique d'une fidélité "absolue" aux positions de la FSSPX, quelles qu'elles soient. Elle est honorable et inquiétante tout à la fois. Il ne s'agit pas pour moi de sonder les reins et les coeurs, mais il me semble que sur cette terre la seule autorité à laquelle on puisse et on doive obéir inconditionnellement (et encore : dans certains cas bien défini par les règles de l'exercice du magistère), c'est l'autorité du vicaire du Christ. Cette autorité, dans son principe même, nous devons lui être fidèles lorsqu'elle prend des formes à travers lesquelles c'est l'autorité du Christ lui-même qui se donne. Pourquoi la Fraternité Saint Pie X ne parle-t-elle plus jamais de l'autorité du Vicaire du Christ, qu'un catholique doit reconnaître a priori ? Qu'il doit reconnaître pour être catholique ?
Rome fait appel au légitimisme catholique des fidèles de la Fraternité Saint Pie X. Sera-t-elle entendue ? Les premières déclarations de Mgr Fellay laissent penser que non.
Quel est à ce jour l'argument de Mgr Fellay pour ne pas souscrire au cinq points de bonne conduite réclamés par le cardinal Castrillon ? En anglais la formule du supérieur de la FSSPX, dans son discours de Winona, est éloquente, presque grossière : "They just say : Shut up !". ils ont juste dit : La ferme... La réaction de Rome à une telle interprétation des fameux cinq points a consisté à organiser la fuite de ces cinq points, désormais dans le domaine public grâce à Andrea Tornielli de Il Giornale. Il est clair pour tout le monde que ce qui est demandé à la FSSPX, ce n'est pas le silence et l'absence de critique, c'est "le respect de la personne du pape" en particulier et le respect des personnes en général (et peut-être même dans leur propre camp), dans la polémique.
Ce respect, force est de constater que dans les déclarations souvent improvisées des autorités de la FSSPX, il n'est pas au rendez-vous. Le sermon de Mgr Fellay le 1er juin dernier lors des confirmations à Saint Nicolas du Chardonnet est caractéristique à cet égard. Le pape, lors de son voyage aux Etats unis, ayant manifesté son admiration pour ce pays, a manifesté son admiration pour un haut lieu maçonnique dans le monde. et ce n'est pas étonnant (même si c'est "un grand mystère") parce qu'il s'agit d'un pape libéral.
Honnêtement la critique manque de profondeur. Elle manque de preuve. Elle consiste en un raccourcis éminemment contestable. Si Mgr Fellay cherche uniquement à défendre son droit au raccourci contestable, si c'est cela qu'il appelle "not shut down our mouth", alors l'affaire est très mal engagée. Mais je ne suis pas convaincu que ce soit cela que revendique Mgr Fellay. Du reste, le 4 juin dernier, il s'est excusé devant le cardinal Castrillon Hoyos pour les écarts de langage qui avait pu être perçus comme autant de manques de respect envers le pape.
Il faut bien insister sur le fait qu'il y a une chose qui n'est touchée dans aucun des cinq points, une chose qui a été publiquement reconnue par Rome dans l'acte d'adhésion que j'ai signé moi même sortant, il y a trois ans de la FSSPX, c'est le droit à une critique constructive de Vatican II. On peut même dire que le silence du document en cinq points sur Vatican II laisse grande ouverte cette porte. Il suffirait à Mgr Fellay de mentionner ce sésame tout en signant.
Le moment est historique. Il ne se reproduira pas. Refuser de signer un simple code de bonne conduite, c'est déconsidérer l'oeuvre de Mgr Lefebvre. C'est non seulement s'exposer à de nouvelles sanctions, selon la menace explicite de l'ultimatum cardinalice, mais c'est se retirer toute légitimité à les braver.
La seule légitimité que pourrait trouver Mgr Fellay à refuser, lui évêque catholique, de signer un code de bonne conduite envers le pape, c'est le sédévacantisme. On constate d'ailleurs qu'à part Virgo Maria, les sédévacacantistes du Forum catholique (John Daly, Anaclet et consorts) poussent la Fraternité à se renforcer dans son refus. Au fond la question fondamentale est bien celle-ci : Mgr Fellay reconnaît-il une autorité concrète du pape sur lui ou bien ne reconnaît-il que l'idée (irréelle forcément) de cette autorité ?
Ainsi posé le problème ne laisse aucun doute sur sa solution : un successeur de Mgr Lefebvre, reconnaissant l'autorité du pape, doit signer le code de bonne conduite, tout en gardant, pour le bien de l'Eglise (et non par goût de la polémique) un droit de critique constructive. Je prie pour que Mgr Fellay le 30 juin soit ce successeur, digne du fondateur.