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Catholiques, l’unité à quel prix ? |
5 juin 2007 - Jean Mercier - La Vie |
Refaire l’unité. Panser les blessures de l’Histoire. Tendre la main aux brebis égarées. Le métier de pape, pour Benoît XVI, n’est autre que celui du pasteur tentant de réconcilier les membres du troupeau qui se sont jadis déchirés et anathémisés. En l’espace de quelques jours, il pose deux actes clairs dans ce sens. Il s’agit d’abord de la lettre aux catholiques de Chine parue le 30 juin, qui vise à normaliser la situation d’une Église qui a perdu sa cohérence et son unité, divisée entre les croyants qui ont choisi la clandestinité, héritiers des martyrs de la foi des années 1950, et ceux qui acceptent le contrôle de l’État. Il s’agit ensuite du fameux Motu proprio sur la libéralisation de la messe de saint Pie V (avec le missel de Jean XXIII de 1962 qui l’accompagne), attendu de façon imminente, et qui se veut comme l’ultime main tendue aux fidèles qui n’ont pas digéré Vatican II, en particulier dans sa version liturgique. La Chine et les fans du concile de Trente ? A priori, les sujets n’ont rien à voir... Sauf que, dans les deux cas, il s’agit d’unité ecclésiale. Celle-ci peut-elle se faire à n’importe quel prix ? Concernant la Chine, le pape doit exercer son pouvoir paternel face à une situation très complexe et bloquée. Rome ne sait même pas de façon exacte combien il existe d’évêques catholiques dans l’empire du Milieu ! Et ceux qu’elle connaît sont, pour la plupart, très âgés (60 % ont plus de 80 ans). On comprend donc qu’il veuille procéder à une normalisation. Il profite aussi de la fenêtre de tir qu’ouvre la perspective des jeux Olympiques de 2008, celle d’une plus grande ouverture des autorités chinoises. En revanche, on peut s’interroger sur l’opportunité de la libéralisation annoncée du missel dit de Jean XXIII (en fait de saint Pie V retouché en 1962 !). Sur ce dossier, seul le fait que Benoît XVI avance en âge (et cherche à réparer son échec de 1988, lorsqu’il échoua à garder Mgr Lefebvre dans la communion de Rome) représente un facteur d’urgence. Les traditionalistes jouissent déjà de la possibilité d’ouïr la messe d’antan et sont très minoritaires. À l’automne 2006, la plupart des évêques français ont fait savoir qu’ils redoutaient cette évolution, parce qu’elle leur causerait de graves soucis. Il n’est que de voir comment la petite commune de Niafles, en Mayenne, est devenue en juin le théâtre d’affrontements violents entre les « tradis » et les autres fidèles pour avoir une idée de ce qui attend les catholiques de France dans les mois à venir… Contrairement à la Chine, où le message papal contribue à une plus grande clarté de l’Église catholique, le Motu proprio risque de sérieusement brouiller l’image et le témoignage de celle-ci en France, comme le révèle la lecture comparative des deux missels qui, bien que situés aux antipodes sur le fond des valeurs, seraient désormais revêtus de la même autorité spirituelle. |
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