SOURCE - Jamila Aridj - Le Point - 19 novembre 2012
Elles sont arrivées les seins nus, avec des coiffes de bonnes soeurs, pour contre-manifester "avec humour". L'humour trash des Femen, ces amazones topless venues d'Ukraine, n'a pas fait rire les partisans de l'Institut Civitas qui manifestaient dimanche devant le ministère de la Famille pour protester contre le projet de loi autorisant le mariage des couples homosexuels.
Elles sont arrivées les seins nus, avec des coiffes de bonnes soeurs, pour contre-manifester "avec humour". L'humour trash des Femen, ces amazones topless venues d'Ukraine, n'a pas fait rire les partisans de l'Institut Civitas qui manifestaient dimanche devant le ministère de la Famille pour protester contre le projet de loi autorisant le mariage des couples homosexuels.
Défendant
de façon fervente la laïcité, ces filles de la révolution orange sont
inscrites sur le fichier Europol pour avoir sprinté en petite culotte
contre "l'hypocrisie de régimes islamiques participant aux Jeux
olympiques de Londres qui imposent des femmes voilées". Prostitution,
corruption, tourisme sexuel, capitalisme, religion, elles entendent
"partir en guerre contre le patriarcat et la dictature" et sont
entraînées à "échapper aux policiers".
Les militantes féministes ont été prises à partie, tout comme des journalistes.
Certaines ont été frappées en marge de ce défilé où se mêlaient de
nombreux jeunes, des prêtres en soutane, des familles nombreuses et des
militants d'extrême droite, brandissant pour certains des drapeaux
bleu-blanc-rouge, des croix chrétiennes ou des banderoles siglées de
fleurs de lys.
"Rechristianiser la France"
Ce
sont "des extrémistes féministes et homosexuelles qui se sont
présentées entièrement dénudées devant les enfants", vilipende Alain
Escada, président du mouvement Civitas, qui oeuvre "à la reconquête
politique et sociale visant à rechristianiser la France". Cet activiste
belge, bouquiniste de métier, dont le passé politique est clairement
ancré à l'extrême droite, s'est félicité dans un communiqué du "grand
succès" de cette marche qui a rassemblé entre 9 000 et 18 000 personnes.
L'organisation, dont il a pris la
tête en 2012, est l'héritière directe de la Cité catholique, fondée au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale par Jean Ousset, disciple de Charles Maurras,
théoricien du nationalisme intégral et proche de Mgr Marcel Lefebvre,
archevêque catholique intégriste fondateur de la Fraternité sacerdotale
Saint-Pie-X. Civitas se présente comme un mouvement politique "inspiré
par le droit naturel et la doctrine sociale de l'Église", "regroupant
des laïques catholiques engagés dans l'instauration de la royauté
sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la
France et les Français en particulier".
Fervent
opposant à François Hollande, "nuisible aux catholiques", Alain Escada
mobilisait dès cet été ses adhérents, 1 200, selon les chiffres avancés
par l'Institut, et ses sympathisants - environ 165 000 - à coups de
tracts aux slogans attendus : "Le mariage = un homme + une femme", "Nous
sommes tous des enfants d'hétéros" ; étonnants : "Aujourd'hui le
mariage homo, demain la polygamie, STOP" ; ou encore cette photo prise
de dos de deux hommes fesses nues tenant un drapeau arc-en-ciel
sous-titrée : "Confieriez-vous vos enfants à ces gens-là ?"
"Travail de longue haleine"
À
la différence des opposants au projet de loi qui se défendent de toute
homophobie et s'inquiètent des dérives possibles liées à la filiation,
Alain Escada réduit l'homosexualité à un "mauvais penchant qui nécessite
d'être corrigé. Une personne qui a de tels penchants devrait être
abstinente." L'homme, qui veut rassembler au-delà de son giron, se
heurte à la méfiance des organisations catholiques, et plusieurs
associations, dont l'Association des familles catholiques, lui ont damé
le pion en organisant dès samedi la Manif pour tous, qui a rassemblé
près de 100 000 personnes et s'est déroulée sans heurts.
Dès lors, des voix se sont élevées pour demander la dissolution de l'organisation Civitas.
À l'instar de la députée PS de l'Hérault, Anne-Yvonne Le Dain, pour qui
"ces gens qui prétendent défendre les valeurs du christianisme ont fait
sauter sans honte ni vergogne un principe de base des sociétés humaines
qui est qu'un homme ne frappe pas une femme".
Civitas a déjà
annoncé une amplification de ses actions "dans les semaines qui
viennent". "Le rétablissement d'un ordre chrétien est un travail de
longue haleine", explique l'institut, dont la démarche de "reconquête se
place dans une perspective à long terme".