SOURCE - Philippe Clanché - Témoignage Chrétien - 19 novembre 2012
À défaut de convaincre le gouvernement, l'Église catholique a gagné la bataille contre les intégristes. Si elle n'a plus peur de la rue, elle pourrait y redescendre pour défendre d'autres causes.
À défaut de convaincre le gouvernement, l'Église catholique a gagné la bataille contre les intégristes. Si elle n'a plus peur de la rue, elle pourrait y redescendre pour défendre d'autres causes.
L'automne dernier, après la tenue de certains spectacles présentés à Paris et jugés, par certains, blasphématoires,
l'épiscopat a été accusé de mollesse. De fait, les divergences internes
chez les évêques - Mgr Pascal Wintzer avait défendu la pièce de Romeo
Castelluci Sur le Concept du visage du fils de Dieu -, avaient empêché l’Église de France de tenir une parole unique sur la limite de la liberté d'expression.
Profitant de ces questionnements, Civitas, groupement proche de la Fraternité Saint- Pie X et de l'extrême droite, avait alors réussi à mobiliser ses maigres troupes pour des opérations spectaculaires, notamment des interruptions de représentation.
C'est cette concurrence sur le champ médiatique qui a poussé les évêques à agir, de peur de passer, aux yeux de ses fidèles les plus conservateurs, pour des pleutres. Peu enclin à envoyer les siens battre le pavé, le cardinal Vingt-Trois avait organisé une soirée de prière à Notre-Dame.
Aujourd'hui, l' « ennemi » ne vient plus des théâtres mais du monde politique, avec le projet de loi sur le mariage. Durant plusieurs mois, les responsables de l’Église ont hésité sur la marche à suivre. Les évêques ont d'abord utilisé les modes ordinaires : publication de textes, prière du 15 août « pour que les enfants bénéficient pleinement de l'amour d'un père et d'une mère », avant de passer au lobbying en invitant les fidèles à écrire à leurs parlementaires.
Pas question alors d'appeler à descendre dans la rue. C'est pourtant ainsi qu'en 1984, un million de personnes, soutenues largement par l’Église de France, avait obtenu le retrait du projet Savary contre l'indépendance de l'Enseignement catholique.
Profitant de ces questionnements, Civitas, groupement proche de la Fraternité Saint- Pie X et de l'extrême droite, avait alors réussi à mobiliser ses maigres troupes pour des opérations spectaculaires, notamment des interruptions de représentation.
C'est cette concurrence sur le champ médiatique qui a poussé les évêques à agir, de peur de passer, aux yeux de ses fidèles les plus conservateurs, pour des pleutres. Peu enclin à envoyer les siens battre le pavé, le cardinal Vingt-Trois avait organisé une soirée de prière à Notre-Dame.
Aujourd'hui, l' « ennemi » ne vient plus des théâtres mais du monde politique, avec le projet de loi sur le mariage. Durant plusieurs mois, les responsables de l’Église ont hésité sur la marche à suivre. Les évêques ont d'abord utilisé les modes ordinaires : publication de textes, prière du 15 août « pour que les enfants bénéficient pleinement de l'amour d'un père et d'une mère », avant de passer au lobbying en invitant les fidèles à écrire à leurs parlementaires.
Pas question alors d'appeler à descendre dans la rue. C'est pourtant ainsi qu'en 1984, un million de personnes, soutenues largement par l’Église de France, avait obtenu le retrait du projet Savary contre l'indépendance de l'Enseignement catholique.
Frigide Barjot
Comme
l'an dernier, c'est bien l'annonce d'une manifestation organisée par
Civitas dimanche 18 novembre qui a modifié les plans. Pour ne pas être
éclipsés par les intégristes, les évêques ont joué la carte des défilés
prévus le 17 novembre : « La manif pour tous ».
Celle-ci était organisée par des associations habituées à de tels combats, comme les Associations familiales catholiques (AFC) ou l'Alliance Vita (pro-vie), et animé par un attelage hétéroclite composé de la comédienne Frigide Barjot (Collectif « Pour l'Humanité durable »), et de deux organismes nouveaux et plus inattendus : les homosexuels de « Plus gay sans mariage », et le mouvement « La gauche pour le mariage républicain ».
Samedi 17 novembre, une dizaine de cortèges a réuni sous un ciel clément près de 200 000 personnes, dont la moitié dans la capitale. Le lendemain, dimanche pluvieux, n'a vu défiler qu'une petite dizaine de milliers de sympathisants de Civitas à Paris, Certains ont prétendu que la différence de climat entre les deux journées était la preuve que Dieu avait choisi son camp ! Celui des évêques donc, dont un seul (semble-t-il) mais pas le moindre – le cardinal-archevêque de Lyon Philippe Barbarin - était dans la rue.
L'opposition catholique au projet de loi va se poursuivre. D'abord par quelques manifestations locales annoncées le 8 décembre, puis par un rassemblement cette fois national le 13 janvier, à la veille du début du débat parlementaire. Dans l'euphorie du succès populaire, Antoine Renard, président des AFC, se demandait si cette manifestation « serait nécessaire », rêvant d'une retrait du projet. Mais une reculade gouvernementale n'est pas à l'ordre du jour.
Celle-ci était organisée par des associations habituées à de tels combats, comme les Associations familiales catholiques (AFC) ou l'Alliance Vita (pro-vie), et animé par un attelage hétéroclite composé de la comédienne Frigide Barjot (Collectif « Pour l'Humanité durable »), et de deux organismes nouveaux et plus inattendus : les homosexuels de « Plus gay sans mariage », et le mouvement « La gauche pour le mariage républicain ».
Samedi 17 novembre, une dizaine de cortèges a réuni sous un ciel clément près de 200 000 personnes, dont la moitié dans la capitale. Le lendemain, dimanche pluvieux, n'a vu défiler qu'une petite dizaine de milliers de sympathisants de Civitas à Paris, Certains ont prétendu que la différence de climat entre les deux journées était la preuve que Dieu avait choisi son camp ! Celui des évêques donc, dont un seul (semble-t-il) mais pas le moindre – le cardinal-archevêque de Lyon Philippe Barbarin - était dans la rue.
L'opposition catholique au projet de loi va se poursuivre. D'abord par quelques manifestations locales annoncées le 8 décembre, puis par un rassemblement cette fois national le 13 janvier, à la veille du début du débat parlementaire. Dans l'euphorie du succès populaire, Antoine Renard, président des AFC, se demandait si cette manifestation « serait nécessaire », rêvant d'une retrait du projet. Mais une reculade gouvernementale n'est pas à l'ordre du jour.
Tentative de récupération
L'épisode
de ce week-end fait apparaître au grand jour l’âpreté de la lutte entre
catholiques ordinaires, et disciples de Mgr Lefebvre. Conforté par
l'échec des négociations romaines aux torts exclusifs des intégristes,
l'épiscopat français ne veut plus se faire marcher sur les pieds.
À lire le slogan en tête de la manifestation de Civitas - « La France a besoin d'enfants, pas d'homosexuels -, on comprend la défiance des autorités catholiques, qui essayent de se défendre de toute homophobie. D'autant que l'épiscopat a été échaudé par un tentative de récupération : Civitas a voulu transformer en soutien des accusés de réception polis que leur avait envoyés trois prélats un peu naïfs.
Puisque les catholiques n'ont plus peur de battre le pavé, ni les évêques de les y enjoindre, on pourrait leur donner quelques motifs d'y retourner : contre le cynisme du libéralisme ou le sort réservé aux étrangers en France.
À lire le slogan en tête de la manifestation de Civitas - « La France a besoin d'enfants, pas d'homosexuels -, on comprend la défiance des autorités catholiques, qui essayent de se défendre de toute homophobie. D'autant que l'épiscopat a été échaudé par un tentative de récupération : Civitas a voulu transformer en soutien des accusés de réception polis que leur avait envoyés trois prélats un peu naïfs.
Puisque les catholiques n'ont plus peur de battre le pavé, ni les évêques de les y enjoindre, on pourrait leur donner quelques motifs d'y retourner : contre le cynisme du libéralisme ou le sort réservé aux étrangers en France.
Parole à la diversité
Dans le camp des défenseurs de la loi, des chrétiens se font entendre. La pétition
« Sur le mariage, l'Église aussi est diverse » a recueilli, dimanche 18
au soir, plus de 700 signatures. « Chers responsables religieux, ne
peignez pas une Église d'une seule couleur », demande le texte. La
Conférence catholique des baptisés de France affirme qu'il « ne doit pas
y avoir de pensée unique dans l’Église » et publie les réflexions,
diverses, de ses membres. Parodiant la fronde de Luther en proposant «
95 thèses pour l’accueil des minorités sexuelles au nom de l’Évangile »,
le manifeste des « Protestants pour le mariage pour tous », a lui obtenu près de 200 paraphes.