Nous sommes à un moment important du Pontificat de Benoît XVI. Voilà un an que la Providence lui a mis en mains le gouvernement de l’Église. C’est beaucoup pour quelqu’un qui était déjà aux affaires depuis si longtemps, au cœur même de l’Église avec le rôle important de Préfet de la Congrégation de la Défense de la foi et qui avait pris tant d’ascendant, après 1988, sur le Pontife Jean-Paul II.
En matière liturgique, Benoît XVI va prendre des décisions. Nous sommes même à l’orée, me semble-t-il, de décisions concrètes et pratiques.
J’ose donner mon sentiment… ?Il vient de terminer les consultations. Le Synode qu’il a présidé en octobre 2005 - et avec quelle attention -, a porté sur le mystère de l’Eucharistie… Il a pu entendre toute l’Église, tout le corps épiscopal par la voix de ses légitimes représentants. Tout dernièrement encore, le 23 mars dernier, quelques heures avant le Consistoire, il a interrogé son « Sénat » sur les questions cruciales de l’heure, et en particulier sur la liturgie.
On sait que la question de la messe tridentine fut abordée ainsi que son droit dans l’Église… Question qui agite, il est vrai, depuis plus de trente ans, le monde ecclésial… Et à juste titre. La justice, en cette affaire, a été lésée. On a laissé croire à la chrétienté que la messe traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel de saint Pie V avait été abolie. Ce qui était faux. Il est temps que le Pape dise le droit et l’accomplisse lui-même. On sait également l’importance que la liturgie revêt aux yeux de Benoît XVI. Il n’a cessé d’écrire sur ce sujet. Beaucoup de ses livres traitent de la liturgie. Souvenez-vous de son beau livre : « L’esprit de la liturgie » dont l’édition française a été publiée en 2001. Il a écrit et dit vouloir que ce « conflit » liturgique cesse. Il le disait dans son livre : « Voici quel est notre Dieu » : « Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique, est traité comme un lépreux. (Quel est notre Dieu. p. 291). Déjà en 1997, dans son livre « le Sel de la Terre », il écrivait : « je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite » (Le sel de la Terre p. 172).
Il y a tout de même une constante…Pour toutes ces raisons, sans oublier aussi et surtout l’action du Saint-Esprit sur l’Église, je pense que le pape ne va pas tarder à apporter des solutions en cette matière vitale : la liturgique.
Il serait bon que cette « solution » s’inscrive aussi dans la « normalisation » de la FSSPX. C’eut été, je pense, une bonne chose. On sait aujourd’hui que ce ne sera pas le cas par la volonté expresse des autorités de la FSSPX… Il faut maintenant attendre le prochain chapitre général qui se tiendra en juillet 2006. Tout compte fait, je me demande si cela n’est pas providentiel, sous un certain rapport. Que le pape dise le droit indépendamment du « règlement » ecclésial de la FSSPX assurera plus de force à sa décision. On ne pourra pas invoquer une quelconque pression… Sa décision sera ainsi plus libre et plus forte. Il va affirmer le droit, en soi, de la messe dite de saint Pie V.
Je pense aussi qu’il va lever l’excommunication des quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, - son bon vouloir sera ainsi prouvé… sans enlever, toutefois, les « suspens a divinis ». Cela supposerait une nécessaire bonne volonté… comme celle manifestée, en son temps, par Mgr Rangel, de l’association Saint Jean Marie Vianney, de Campos.
Mais ce retour – si c’est le cas - de la messe tridentine n’a pu se faire en un jour. Je ne crois pas aux « générations spontanées ». Ce résultat tant attendu aura été le fruit d’un long processus qui prend son origine dans la résistance « catholique », dès 1969.
Honneur à ceux-ci !L’histoire retiendra l’impact de la résistance de fidèles, de prêtres et de deux évêques : Mgr de Castro Mayer et de Mgr Lefebvre. Cette résistance opiniâtre et surnaturelle, pour l’amour de l’Église, aura, de fait, permis ce retour de la messe, de sa liturgie et de son « missel romain ». N’oublions pas ce qu’écrivait en janvier 1970, Jean Madiran : « Que l’on n’imagine pas que l’on pourra aisément faire aller et retour d’une messe à l’autre. Ce qui est interrompu sera perdu pour longtemps…. Ce qui est arraché ne reprendra pas racine. Non… Ceux qui ont la possibilité de maintenir, fut-ce à l’écart, en petits groupes, en catacombes ou en en ermitages, la liturgie romaine et le chant grégorien, en tiennent le sort historique entre leurs mains : ils ont la responsabilité d’en assurer, tout au long de l’hiver dans lequel nous sommes entrés, la transmission vivante et ininterrompue…» (Editoriaux tome II, p. 243)
Et de fait, au prix d’une vraie bataille éprouvante… la messe tridentine est revenue doucement, à petits pas. Un premier succès arriva en 1984, avec la messe dite de l’indult : une lettre de Jean-Paul II appelée « Quattuor abhinc annos » permettait à l’évêque résident d’en concéder la possibilité à des fidèles la demandant. On la croyait à jamais interdite… Elle fut donnée au compte-gouttes. Puis le second succès, fut le Motu Proprio de Jean Paul II « Ecclesia Dei », en 1988, après les sacres faits par Mgr Lefebvre. Là, le pape demandait instamment aux évêques d’être, en cette affaire, plus généreux. Ce retour de la messe se faisait toutefois au milieu d’oppositions et de contradictions. Beaucoup d’épiscopats traînaient les pieds… En 1999, la Fraternité saint Pierre en sut quelque chose… Mais même au milieu de ces contradictions et oppositions, tout un courant de cardinaux travaillait et faisait remarquer que l’ancienne messe n’était pas abrogée. Ce sont essentiellement, les cardinaux Stickler et Ratzinger. L’un et l’autre se mettent à défendre la messe de Saint Pie V et à critiquer la « réforme liturgique » en elle-même et surtout celle pratiquée dans les paroisses… qui a vidé tant et tant d’églises de leurs fidèles… C’est alors que put se régler l’affaire des pères de Campos avec la création d’une Administration apostolique ayant, de par la volonté du pape, Jean-Paul II, la « facultas » de dire la messe traditionnelle. Elle devenait le « rit propre » de l’institut. C’était extraordinairement nouveau. Nous étions en 2002. Puis arriva enfin l’encyclique de Jean Paul II sur l’Eucharistie : « Ecclesia de Eucharistia », en avril 2003. Là, pour la première fois, l’autorité prenait en compte les critiques du « Bref Examen Critique » présenté, jadis, en 1969 au Pape Paul VI par le cardinal Ottaviani. C’est alors qu’arriva d’une manière très heureuse, la célébration de la messe tridentine par le cardinal Castrillon Hoyos à Rome, à sainte Marie-Majeure, le 24 mai 2003…
Telles sont les grandes étapes que l’Histoire retiendra. Avec l’ultime date : celle du document de BenoÎt XVI… Quel en sera la date?
Abbé Paul Aulagnier