SOURCE - Mgr Fellay, fsspx - Sermon à St Nicolas du Chardonnet (Paris) - 6 janvier 2013
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Messieurs les abbés, mes bien chers Frères,
En ce dimanche, il nous est donné de célébrer
la très grande fête de l'Epiphanie. Une fête à laquelle l'Eglise a
toujours voulu donner la plus haute importance. Cette fête est plus
ancienne que Noël. Et jusqu'en 1962, jusqu'à Jean XXIII, on lui donnait
plus d'importance que Noël. Tout juste à un degré au-dessous des fêtes
de Pâques et de la Pentecôte qui sont les plus grandes solennités, les
plus grandes fêtes de l'Eglise. Et pourquoi?
Epiphanie veut dire manifestation, et l'Eglise a
toujours voulu rassembler en ce jour divers événements de la vie de
Notre-Seigneur qui, en ce début de sa vie, manifestent aux hommes sa
divinité. Et c'est ainsi que même si on l'appelle la Fête des Rois
Mages - et c'est l'événement qui est relaté dans l'Evangile
d'aujourd'hui, et c'est le plus important de cette fête - l'Eglise y
rajoute deux autres manifestations de la divinité de Notre-Seigneur.
Celle que l'on trouve au Baptême de Notre-Seigneur, avec l'intervention
du Père du Ciel, cette voix qui résonne, et l'apparition du
Saint-Esprit au-dessus de Notre-Seigneur. Et en plus aussi, le premier
miracle de Notre-Seigneur, le miracle de Cana. Il y a donc une
collection d'événements, et aussi de leçons à tirer de cette fête.
Evidemment, on ne peut pas tout dire en un sermon. Nous nous limiterons
aujourd'hui à un point lié à cette fête appelée la fête des Rois
Mages.
Pourquoi l'Eglise veut-elle donner tant
d'importance à cette fête des Rois Mages ? Parce que c'est ce qu'Elle
nous dit aujourd'hui : « Aujourd'hui, le Christ est apparu ».
Autrement dit, Il s'est manifesté non pas seulement à un petit groupe,
le groupe des bergers comme au moment de Sa naissance, mais
aujourd'hui, avec l'arrivée des Rois Mages, on y voit la manifestation
de Notre-Seigneur, de Sa divinité, au monde entier, à ce monde
considéré au temps des Juifs comme le monde des païens. Il faut se
rappeler que le Messie est promis au peuple élu. Il est annoncé comme,
on peut dire, leur Sauveur. Et une des premières choses que va
faire le bon Dieu, que va faire Notre-Seigneur, c'est de dire, de se
manifester par les événements, par l'apparition de cette étoile dans le
firmament, qu'en fait ce salut ou ce Messie qui vient apporter le
salut, ne vient pas l'apporter qu'au peuple juif, mais bel et bien à
toutes les nations. C'est là le plus profond de la joie de l'Eglise
aujourd'hui. Notre-Seigneur, le Messie, est Dieu fait homme qui vient
pour sauver tous les hommes. Tous les
hommes sont appelés au salut. Personne n'est laissé de reste. A chaque
homme à qui Dieu donne l'existence, est offerte cette invitation du
salut, salut mérité par Notre-Seigneur dans Son Humanité, dans Sa
Passion et Sa Mort.
Et ce qui est intéressant - et c'est le point
sur lequel je voudrais insister aujourd'hui - c'est le fait que ceux
qui viennent Le reconnaître aujourd'hui, ce sont des Rois. La
reconnaissance, non seulement des nations, mais de certains de ses
chefs, des représentants de ces peuples, les Rois Mages qui arrivent à
Notre-Seigneur aujourd'hui. Et leur question, lorsque l'étoile
disparaît, question à Jérusalem, question à Hérode, le roi de
l'époque : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? ».
Et voyez-vous, cette question que j'aimerais souligner et rappeler,
c'est une question qui, dès le début, fait couler pas seulement de
l'encre, mais aussi du sang. Et ce rapport entre l'ordre temporel et
l'ordre spirituel par rapport à la Royauté de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. On le constate, dès le début, Notre-Seigneur est Dieu. Il
S'est fait homme. Le fait de devenir homme n'a enlevé aucun de Ses
pouvoirs au Verbe de Dieu. Et au contraire, jusque dans Son Humanité, Il
va participer à Ses pouvoirs divins. Il est Dieu, Il est Roi. « Tout pouvoir M'a été donné au Ciel et sur la terre ».
Tout pouvoir, sans aucune exclusion. Seulement, Il a bel et bien tous
les pouvoirs, Il est bel et bien le Roi des Rois, mais Il ne réclame
pas la royauté temporelle. Et c'est ce que, on le voit à travers tous
les siècles, les hommes au pouvoir, jaloux de ce pouvoir temporel, ont
trop souvent vu et voient en Notre-Seigneur et en l'Eglise, un rival,
une rivale. C'est une histoire qui traverse tous les temps. On y voit
aussi le problème de ce qu'on appelle aujourd'hui la liberté
religieuse. Il faut donc bien le comprendre. Tout d'abord, en maintenant
qu'effectivement, Dieu fait Homme ne perd rien de Ses pouvoirs ; mais
que, comme Il a l'habitude de le faire en tant que Dieu, Il délègue Ses
pouvoirs. Il ne les ravit pas. C'est ce que dit l'Hymne aujourd'hui : « Il ne ravit pas les royautés terrestres, Celui qui donne les royautés célestes ».
Au contraire, Il les confie au maître du siècle, au roi, au président,
peu importe. Et ils en rendront compte. Il est Dieu, Il est Roi. Roi
du Ciel et Roi de la Terre. Seulement, lorsque Pilate lui dit : « Es-tu Roi ? », Notre-Seigneur aura le soin de lui dire : « Mon
royaume n'est pas de ce monde. Si j'étais un roi comme les autres, si
j'étais un roi simplement temporel, j'aurais mon armée. Elle serait là
pour me défendre. » Or, ceux qui Le défendent, ce sont les Anges, qui à ce moment-là semblent bien laisser faire ! « Mais en même temps, tu n'aurais aucun pouvoir sur Moi s'il ne t'avait été donné ».
Il est bel et bien Roi, et c'est à cause de
cette Royauté qu'Il sera crucifié, c'est la raison donnée par les
Romains, par Pilate. Il s'est fait Dieu, Il doit mourir. C'est la
raison donnée par Pilate, on la retrouve sur la Croix : « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs ».
C'est parce qu'Il S'est fait Roi. Et cette histoire commence
aujourd'hui, à l'Epiphanie. Hérode, jaloux de ce nouveau roi qui arrive,
ne trouvera pas d'autre moyen que de massacrer les innocents.
Voyez-vous, on voit cela à travers toute l'histoire, tout le temps et
constamment, le pouvoir temporel aura beaucoup de peine à supporter un
autre pouvoir, disons parallèle, ce pouvoir spirituel, ce pouvoir de
l'Eglise. Et à travers toute l'Histoire de l'Eglise, il y aura
constamment des rivalités, des problèmes, problème par exemple des
investitures, où c'est l'Etat qui veut se mêler de la nomination des
Princes de l'Eglise, des évêques qu'il veut imposer, on le voit bien.
L'Etat temporel a peur de ce pouvoir spirituel. Et encore aujourd'hui,
vous avez des pays comme la Chine qui souffrent directement de ce
problème. Le problème des hommes qui ne sont pas capables de comprendre
que, d'une part - bien qu'il faille clairement distinguer deux
sociétés que l'on appelle parfaites : on appelle parfaite une société
qui possède tous les moyens pour acquérir sa fin -, il y a une société
parfaite que l'on appelle l'Eglise, qui est une société spirituelle et
surnaturelle, qui possède tous les moyens pour atteindre sa fin qui est
le salut. Sauver les âmes, les moyens de cette Eglise, toute son
organisation est pour sauver les âmes. Son premier souci n'est pas le
temporel, elle est de mener les hommes à leur fin, ce pour quoi ils ont
été créés, le Ciel, mais Elle s'occupe des hommes qui vivent sur
terre. Et les hommes sur terre ne sont pas simplement des individus, ils
viennent tous d'une famille, de cette famille organisée qu'on appelle
ensuite l'Etat. La société humaine est organisée ; cette société
humaine est aussi une société parfaite. L'Etat est organisé, possède
les moyens qui lui sont nécessaires et suffisants pour poursuivre son
but, qui est un but temporel, l'organisation, le bien commun, le
bien-être des hommes ici, sur terre. Et dès que l'on dit tout cela, dès
que l'on constate que ce sont les mêmes personnes qui appartiennent
aux deux sociétés, on voit très bien qu'il y a un ordre, et que le
régime normal entre ces deux sociétés parfaites doit être un régime
harmonieux, donc un régime d'entente et aussi, nécessairement, en
regardant la fin de l'homme, subordonné, sans que l'Eglise ne se mêle
des affaires temporelles, elle aura son mot à dire sur les grandes
lignes de la vie des hommes, qu'on appelle les Commandements. Elle ne
se mêlera pas des affaires précises, distinctes, qui concernent l'Etat
évidemment, mais si celui-ci prétend vouloir enfreindre les lois de la
nature humaine, même celles-là, et en plus les lois de Dieu, l'Eglise
devra intervenir même si cela crée des conflits.
Ce à quoi on assiste aujourd'hui, depuis la
Révolution, depuis plus de deux cents ans, cette situation conflictuelle
est plus aigüe. Pourquoi ? Parce que tout d'un coup la société
temporelle a voulu se dégager de la dépendance de Dieu. Il a prétendu
vouloir et pouvoir organiser le monde sans Dieu. Et ça, c'est garanti,
c'est préparer l'enfer sur la terre. Et c'est un peu toute notre
histoire, l'histoire de ces siècles dans lesquels nous sommes, que
cette rébellion des hommes contre Dieu, et presque automatiquement
contre l'Eglise qui contribue à une falsification des rapports qui sont
normaux et justes. Et c'est ce qu'on trouve dans la liberté
religieuse. Une question passablement compliquée aujourd'hui parce qu'on
mélange tout. On comprend que l'Eglise essaye de dire à l'Etat : « Vous
n'avez pas le droit de vous mêler des questions qui ne vous regardent
pas. La question de la religion en tant que telle, ce n'est pas une
question temporelle. » On comprend qu'il y ait une intervention de l'Eglise pour dire : « Respectez ce domaine de la religion. »
Seulement après, avec le « concile », on est allé trop loin, on n'a
plus fait la distinction entre la vraie et les fausses religions, on n'a
plus fait la distinction qu'on faisait autrefois, entre régime de
tolérance, et on a fait un droit qui n'existe pas. Finalement, on
avale, on invente comme une espèce de droit à l'erreur. C'est tout
récent, on dit maintenant que tout homme a le droit de choisir sa
religion. Ça vient du Vatican. Mais non, tout homme a le droit de
choisir LA VRAIE religion. Tout homme a le droit de se convertir à la
vraie religion. Et personne n'a le droit d'empêcher cela. Ça, c'est un
vrai droit qui découle du devoir de tout homme de servir Dieu. C'est la
première question du catéchisme : Pourquoi suis-je venu sur la terre ?
Pourquoi existons-nous ? Pour servir Dieu, pour L'honorer, pour Le
glorifier. Tout est dit. Simplement, qu'on se rappelle les devoirs
envers Dieu qui ensuite vont engendrer des droits, des droits réels des
personnes humaines pour accomplir ces devoirs.
Aujourd'hui, on mélange tout. Et souvent, on ne comprend pas pourquoi nous sommes, comme on dit, contre la liberté religieuse.
Qu'on le comprenne bien. Nous sommes pour la vraie liberté religieuse,
c'est-à-dire pour la liberté de la vraie religion. Et nous sommes
aussi pour ce qu'on appelle la tolérance. Il y a des signes concrets,
humains qui obligent l'Etat quand on se trouve dans une situation de
mélange de religions, de faire régner une sorte de paix humaine entre
toutes ces religions. C'est tout à fait normal, tout à fait
compréhensible. Et nous ne sommes absolument pas contre ces choses-là.
Par contre, très certainement, nous sommes contre la prétention de
vouloir oublier le bon Dieu, de vouloir établir un droit qui serait
presque un droit imprescriptible, de toute créature à choisir autre
chose que le bon Dieu. Ça n'a pas de sens. C'est comme vouloir dire :
la voiture, elle a le droit de rater le virage et de rentrer dans un
arbre. Bien sûr que la voiture peut rater le virage. On peut dire que
c'est une des particularités de la voiture d'avoir cette liberté de
sortir de la route. Mais ça passe à la perfection de la liberté de la
voiture. La liberté de la voiture s'exerce tant qu'elle reste sur la
route. Eh bien ici, la liberté humaine s'exerce et trouve sa perfection
tant qu'elle reste sur la route des Commandements du bon Dieu. Elle
peut sortir de la route, mais ça n'est pas un droit. Imaginez que
l'Etat vous dise maintenant : la voiture a le droit de sortir de la
route ! Cette sacro-sainte liberté de la voiture… Mais sortir de la
route, ça démolit la voiture, et ça démolit la liberté de la voiture. Il
n'y a plus rien après. De même que l'homme qui sort des chemins du bon
Dieu, des chemins des Commandements, il peut le faire, et avec cela,
il se détruit. Il fait ce qu'on appelle un péché mortel. Il meurt à la
vie de la grâce, il rate ce pour quoi il a été créé qui est le Ciel.
C'est pour cela qu'on dit que ça ne peut pas être un droit. Mais voyez
quelle confusion règne aujourd'hui.
Profitons de cette fête pour rappeler ces
grands principes, pour saluer le Roi des Rois. Il serait aussi très
intéressant, mais je veux faire un peu court... de poser la question :
Pourquoi Notre-Seigneur - qui est manifestement le Seigneur, le Sauveur,
et c'est pour cela qu'Il vient sur la terre -, pourquoi n'a-t-Il pas
dédaigné d'être reconnu comme Roi ? Pourquoi saint Paul - et saint Paul
c'est l'Ecriture Sainte, donc c'est le bon Dieu -, nous dit : Il faut qu'Il règne ?
Pourquoi ? Ça doit avoir un sens et cela ne nie en rien tout ce que je
viens de vous dire sur la distinction des ordres naturels,
surnaturels, l'ordre temporel, l'ordre de la grâce, du salut ; il est
manifeste que cette prérogative de Notre-Seigneur qui est celui de la
Royauté, Il la veut pour opérer plus efficacement le salut, car au
moment où la société temporelle se soumet aux dispositions qui sont
supérieures, qui regardent le salut, et donc respecte les Commandements
de Dieu, cette société temporelle aura effectivement une influence,
très certainement et dans beaucoup de cas, déterminante sur le salut
des âmes. En faisant des bonnes lois, en empêchant le mal, en empêchant
le péché public, il poussera les âmes, il incitera à faire leur salut.
Et c'est ainsi que l'on voit la société chrétienne et le bienfait de
la société chrétienne, même temporelle. C'est pour cela que nous
insistons tellement sur cette nécessité de cette harmonie entre la
société de la terre et la société du Ciel qui est l'Eglise. Et l'on
voit bien, on le trouve devant les yeux, ce que l'Eglise a toujours
appelé les ennemis du genre humain, qui veulent tout démolir
par leurs lois, même contre nature... Réellement, d'une part ils font
un enfer sur la terre, et d'autre part ils conduisent les âmes tout
droit en enfer pour l'éternité. Ils en répondront devant Dieu. Tous ceux
qui exercent un quelconque pouvoir sur la terre ont reçu ce pouvoir de
Notre-Seigneur et c'est à Lui qu'ils en répondront au jour de leur
mort. Car nous tous, sur la terre, petits et grands, nous avons un
juge. Qu'ils soient chrétiens ou pas, ça n'a aucune importance. Et ce
Juge c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel nous répondons de tous
nos actes et bien sûr des pouvoirs qu'Il nous a délégués. A tous, qu'il
s'agisse des évêques, des prêtres, c'est-à-dire de l'ordre surnaturel,
ou qu'il s'agisse d'un maire, d'un président, d'un député, peu
importe... tous, nous répondons à Celui que nous saluons aujourd'hui,
que nous venons vénérer, là, dans les bras de Sa Mère. Il n'est plus au
berceau lorsque les Mages arrivent. Ils rencontrent Jésus « avec Sa Mère », nous dit l'Evangile. Il n'est plus dans la crèche, Il est dans une maison. Donc c'est un peu plus tard.
Allons-y. Apportons avec les Mages cet hommage
de l'or, de l'encens, de la myrrhe, dans laquelle l'Eglise voit d'une
part la Royauté, mais surtout la Divinité et le Sacerdoce.
Notre-Seigneur qui va se dévouer pour nous, qui va se sacrifier - c'est
ce qu'on voit dans la myrrhe. L'encens bien sûr, est pour Dieu.
Allons-y avec un grand cœur, avec une grande foi. Et supplions
Notre-Seigneur d'abréger ce temps où l'on voit la rébellion des nations
contre Lui, et qui entraîne par-là même la perte de tant et tant
d'âmes. Demandons que ce temps soit abrégé, le temps pour les nations,
mais surtout pour l'Eglise. Que cette crise de l'Eglise arrive un jour à
la fin. Il y a quelque chose qui nous donne beaucoup d'espoir, mes
bien chers frères. C'est que plus les choses apparaissent sans espoir,
c'est à ce moment-là qu'il faut avoir le plus d'espoir, parce que c'est
à ce moment où les hommes sont obligés de dire : je ne peux plus rien faire,
c'est à ce moment-là que le bon Dieu intervient. Combien de temps va
durer encore cette crise, nous n'en savons rien, mais nous pouvons
deviner qu'on arrivera bientôt un jour à sa fin. De toutes façons, quel que soit ce jour, pour nous, nous avons notre devoir, notre devoir quotidien, notre devoir d'état à remplir.
Que cette Fête nous aide aussi, et ces grâces
méritées par le Roi des Rois, le Seigneur des Seigneurs, nous aident à
Le servir tous les jours, avec ardeur, avec beaucoup d'amour, pour notre
salut et sa gloire, ainsi soit-il.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Mgr Bernard Fellay, Paris le 6 janvier 2013
Pour conserver à ce sermon son caractère
propre, le style oral a été maintenu. Les surlignages et les intertitres
sont de la rédaction de LPL