SOURCE - DICI - 25 septembre 2014
Textes rassemblés par le P. Robert Dodaro o.s.a.
Artège éditions, 312 p.
I. L’objet du débat
Père Robert Dodaro, o.s.a., Président de l’Institut de patristique Augustinianum (Rome).
« Les essais réunis dans cet ouvrage exposent les
réponses apportées par cinq cardinaux de l’Eglise catholique romaine et quatre
autres spécialistes à un ouvrage publié en début d’année par le Cardinal Walter
Kasper et intitulé L’Evangile de la famille. Ce livre reprend l’essentiel
de la conférence
donnée par le Cardinal au Consistoire extraordinaire des cardinaux des 20 et 21
février 2014. » (p. 7)
« Les auteurs de cet ouvrage sont unanimes à défendre
l’idée que le Nouveau Testament présente le Christ comme interdisant sans
ambiguïté le divorce et le remariage par fidélité au plan originel de Dieu
énoncé en Gn 1, 27 et 2, 24. La solution ‘miséricordieuse’ du divorce soutenue
par le Cardinal Kasper n’est pas inconnue dans l’Eglise primitive, mais elle
n’est en réalité défendue par aucun des auteurs dont les textes sont parvenus
jusqu’à nous et qui font autorité. De fait, quand ils la mentionnent, c’est
plutôt pour la condamner comme dépourvue de fondement scripturaire. Il n’y a
rien de surprenant à cela : des abus peuvent exister ici ou là, mais leur
simple existence ne garantit pas que ce ne sont pas des abus, et encore moins
que ce sont des modèles à suivre. (…) Ce ne sont pas là des séries de règles
forgées par l’Eglise ; c’est la loi divine, et l’Eglise ne peut la
changer. » (p. 30-31)
II. L’enseignement de Jésus sur le divorce et le remariage – Dossier biblique
Père Paul Mankowski, s.j., Scholar-in-Residence au Lumen Christi Institute (Chicago).
« En réaction à l’affirmation, par Jésus, que le
remariage après divorce est un adultère, ses disciples lui dirent : ‘Si c’est
la situation d’un homme avec sa femme, il vaut mieux ne pas se marier’ (Mt 19,
10). Depuis les premiers jours, ce que Jésus enseignait comme étant la volonté
de Dieu a été source de désarroi, même chez des hommes de bonne volonté. Les
siècles suivants ont déployé beaucoup d’énergie et de subtilité pour affaiblir
ou annuler la force de cet enseignement et, chaque fois qu’on jugera expédient
de contourner cette doctrine, on tentera de se débarrasser de son ancrage
scripturaire. Mais la doctrine est énoncée comme absolue chez Matthieu, Marc et
Luc, et même Paul éprouve le besoin de dire avec insistance qu’en sa qualité de
messager, et non pas d’auteur de la doctrine, ce n’est pas à lui qu’il faut
imputer la rigueur de celle-ci : ‘à ceux qui sont mariés je commande – non pas
moi mais le Seigneur…’ Il ne peut y avoir de doute : cet enseignement est du
Seigneur. » (p. 59-60)
III. Divorce et remariage dans l’Eglise primitive – Quelques réflexions historiques et culturelles
John M. Rist, Professeur émérite de littérature classique et de philosophie à l’Université de Toronto et ancien titulaire de la chaire de philosophie Kurt Pritzl, O.P., de l’Université catholique d’Amérique.
« Si nous demandons comment certains peuvent faire
appel aux sources anciennes dans le cadre d’un argumentaire en faveur du
changement, nous sommes obligés de conclure que ces auteurs, ou leurs sources,
sont coupables d’une pratique malheureuse et trop courante dans les milieux
universitaires : la supériorité des sources en faveur d’une thèse a beau être
écrasante, quelques cas isolés, à l’interprétation peut-être même largement
incertaine, indiquent la conclusion contraire. L’on prétend alors que les
sources, bien que n’étant pas en faveur du changement, laissent au moins la
porte ouverte à une solution. Cette méthodologie erronée trouve généralement
son origine dans des considérations idéologiques, quand elle ne cherche pas
tout simplement à valider les idées des auteurs. » (p. 89)
IV. Séparation, divorce, dissolution du lien matrimonial et remariage – Approche théologique et pratique des Eglises orthodoxes – Interrogations et orientations pour la pratique catholique
Mgr Cyril Vasil’, s.j., Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises Orientales.
« Le Christ a apporté un message nouveau, inouï,
révolutionnaire et ‘à contre-courant’ dans le monde païen, barbare et
incrédule. Ses disciples ont annoncé sa Bonne Nouvelle, sans avoir peur de
présenter des exigences trop hautes, impossibles à atteindre ou en
contradiction avec la culture de l’époque. Peut-être le monde d’aujourd’hui
est-il également marqué par le néo-paganisme de la consommation, du bien-être,
de l’égoïsme, et rempli de nouveaux actes de barbarie perpétrés avec des moyens
toujours plus modernes et inhumains. Aujourd’hui plus que jamais, la foi dans
les principes surnaturels est exposée à la dérision.
« Tout cela pourrait faire considérer la dureté de
cœur (cf. Mt 19, 8 ; Mc 10, 5) comme un argument décisif auquel devrait se
plier l’enseignement limpide de l’Evangile sur l’indissolubilité du mariage
chrétien. Mais, face à tant d’interrogations, de doutes, de tentations de
prendre des raccourcis, de capitulations devant le saut existentiel du grand
défi de la vie matrimoniale, face à toute cette confusion et parmi tant de voix
contradictoires qui égarent les esprits, ce sont les paroles du Seigneur qui
continuent à retentir : ‘Mais je vous dis… Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le
sépare pas …’ (Mc 10, 9), avec la remarque finale de Paul : ‘ Ce mystère
est grand…’ (Ep 5, 32). » (p. 125)
V. Unité et indissolubilité du mariage du haut Moyen Age au concile de Trente
Cardinal Walter Brandmüller, Président émérite du Comité pontifical pour les Sciences historiques.
« L’évolution réelle du dogme, des sacrements et de la
hiérarchie de la loi divine ne résulte donc pas du hasard historique, mais de
l’Esprit de Dieu. Par voie de conséquence, elle est irréversible et reste
orientée exclusivement dans le sens de la connaissance parfaite. C’est pourquoi
la Tradition a, dans ce sens, un caractère normatif. Cela signifie, dans notre
cas, que derrière le dogme de l’unité, de la sacramentalité et de
l’indissolubilité du mariage entre deux êtres baptisés, qui y trouve son enracinement,
il n’existe aucun chemin de retour, à moins qu’il ne s’agisse du chemin vers l’erreur. »
(p. 141)
VI. Un témoignage en faveur du pouvoir de la grâce sur l’indissolubilité du mariage et le débat sur les divorcés remariés civilement et les sacrementsCardinal Gerhard Ludwig Müller, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
« Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement
convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide,
cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière
matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre
deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Eglise, un sacrement,
sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Eglise,
dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. » (p. 158-159)
VII. Ontologie sacramentelle et indissolubilité du mariage
Cardinal Carlo Caffarra, Archevêque de Bologne.
« C’est l’Eglise qui a la mission de guider l’homme, de
lui apprendre à surmonter ‘la divergence entre ce qui se trouve à la surface et
ce qui est le mystère de l’amour’. Autrement dit, elle a la mission d’annoncer
l’Evangile du mariage : telle est l’urgence prioritaire qui ne peut être
éludée. L’Eglise annonce l’Evangile – je répète l’Evangile – de
l’indissolubilité, véritable trésor qu’elle conserve dans des vases
d’argile. » (p. 175)
VIII. Les divorcés remariés et les sacrements de l’eucharistie et de la pénitence
Cardinal Velasio De Paolis, c.s., Président émérite de la Préfecture des Affaires économiques du Saint-Siège.
« Souvent la miséricorde est présentée comme opposée à
la loi, et même à la loi divine. Cette vision est inacceptable. Le commandement
de Dieu est une manifestation de l’amour avec lequel Il nous indique la route à
emprunter pour ne pas nous perdre sur le chemin de la vie. Opposer la
miséricorde de Dieu à sa loi, c’est créer une contradiction
inacceptable. » (p. 199)
« Ce qui précède montre que l’admission des divorcés
remariés aux sacrements de la pénitence et de l’Eucharistie est une question
sans issue, tant qu’ils demeurent dans cet état. Cela ne peut être attribué à
la sévérité et à la rigueur de la loi, parce que nous n’avons pas affaire à des
lois humaines qui pourraient être adoucies ou même abrogées, mais à des lois
divines qui sont un bien pour l’homme et indiquent la route du salut montré par
Dieu lui-même. » (p. 205)
IX. Le procès canonique en nullité de mariage : une recherche de la vérité
Cardinal Raymond Leo Burke, Préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique.
« Lors de son exposé au Consistoire extraordinaire des
Cardinaux, le 20 février 2014, le Cardinal Walter Kasper a soulevé la question
de la convenance d’une procédure judiciaire. Au sujet de la déclaration de
nullité d’un mariage, il remarque :
‘Puisque le mariage en tant que sacrement a un caractère
public, la décision sur sa validité ne peut pas être laissée simplement au
jugement subjectif des parties concernées. Par contre, on peut se demander si
le parcours juridique, qui n’est pas de droit divin, mais a subi un
développement au cours de l’histoire, est le seul chemin vers la solution du
problème, ou si l’on ne pourrait pas aussi concevoir d’autres procédures plus
pastorales et spirituelles. Alternativement, on pourrait imaginer que l’évêque
confie cette tâche à un prêtre fort d’une expérience spirituelle et pastorale,
comme le pénitencier ou le vicaire épiscopal.’
« Il poursuit par une caricature du procès en nullité de
mariage en deuxième et troisième instance, en posant la question rhétorique :
‘Est-il vraiment possible de prendre des décisions touchant au bonheur ou au
malheur des personnes en deuxième ou troisième instance, uniquement au vu de
dossiers, c’est-à-dire de papiers, sans connaître ni les personnes ni leur
situation ?’ (p. 207-208)
Après une démonstration très documentée, le cardinal Burke
conclut en ces termes : « La procédure judiciaire de déclaration de
nullité d’un mariage est essentielle pour découvrir la vérité en cas de
contestation de la validité d’un consentement matrimonial. Compte tenu de la
complexité de la nature humaine et du rôle qu’elle joue dans la plupart des cas
de nullité de mariage, le seul moyen de parvenir à la vérité avec une certitude
morale est la dialectique résultant du procès juridique tel qu’il a été
soigneusement articulé et développé dans l’histoire de la discipline de
l’Eglise. » (p. 233)
« En conclusion, la réponse à la question soulevée dans
le Document préparatoire à propos de la procédure canonique se trouvera dans le
respect absolu de la nature de la demande de nullité du mariage et de la nature
du procès qui aboutit à la vérité et la déclare. Mon espoir est que le prochain
Synode revalorise cette procédure et incite à en faire bénéficier les fidèles
qui la demandent en son intégrité, par souci de leur salut éternel. » (p.
234)
Demeurer dans la vérité du Christ – Mariage et communion
dans l’Eglise catholique. Artège éditions, 312 p., 19,90 €
(DICI n°301 du 26/09/14)