Parmi tous les anniversaires qui
ont été célébrés cette année (Décès du P. Calmel, fondation de Fanjeaux..)
j’ose espérer que personne n’a oublié celui de la fondation de la Fraternité et
de sa reconnaissance canonique le 1° novembre 1970. Comme le disait un
confrère : 45 ans et pas une ride !
Et je ne sais s’il convient
d’inclure celui de la première mesure prise contre Mgr Lefebvre et la
Fraternité! C’est, en effet, le 6 mai 1975 que Mgr Mamie écrivait à Mgr
Lefebvre la lettre dans laquelle il l’informait du retrait de tous les
actes de son prédécesseur, et en particulier, le décret d’érection de la Fraternité
du 1° novembre 1970. Il y a donc quarante années que la Rome
«conciliaire» nous a chassés de son sein pour crime de refus des
«valeurs» conciliaires. Aux yeux de la Rome Catholique rien n’a
changé. Elle est toujours vivante, sainte comme au premier jour, notre seule
source de vie et nous demeurons son enfant fidèle, aimé et béni comme au
premier jour !
Après les ordinations du 29 juin
1976, puisqu’il a «désobéi», Mgr Lefebvre est frappé de deux suspenses,
la première «a collatione ordinum»
le 6 juillet, la seconde «a divinis»
le 22 juillet. La première signifie qu’il ne peut plus ordonner licitement, la
seconde qu’il n’a plus le droit de dire la messe. Après la messe de Lille, le
29 août, puis celle de Besançon le 6 septembre, c’est le 8 septembre qu’il fera
sa première visite aux sœurs dominicaines réfugiées depuis l’été précédent à La
Clarté-Dieu, dans le village de Fanjeaux.
Il faut relire ou réécouter, sur
cette année 76, l’excellente conférence de Mr Jean de Viguerie aux journées
de la Tradition 2005: «l’année 1976 de Monseigneur Lefebvre»,
publiée par les Nouvelles de Chrétienté n° 96 de novembre-décembre 2005. Tout
est exposé avec clarté, simplicité et vérité.
Voici donc quarante années que
règne l’injustice au sein de l’Eglise, et que l’Eglise conciliaire tente
d’étouffer la voix de l’Eglise catholique. Un jour, pourtant, il faudra bien
que l’Eglise Catholique se fasse entendre et rétablisse la justice. Car ce
qu’il y a d’injuste dans l’Eglise est l’œuvre du malin «conciliaire»,
mais ce qu’il y a de bon, même opéré par des «malins» ne peut être
que l’œuvre de Dieu, et de l’Eglise Catholique. «Les charnels ne peuvent
pas faire les œuvres spirituelles (cf. Rm 8, 5 ; 1 Co 2, 14), ni les spirituels
les œuvres charnelles, comme la foi non plus ne peut faire les œuvres de
l'infidélité, ni l'infidélité celles de la foi. Et celles-là même que vous
faites dans la chair sont spirituelles, car c'est en Jésus-Christ que vous
faites tout.» (St Ignace d’Antioche. Lettre aux éphésiens VIII, 2).
Lorsque je relis ce que
j’écrivais autrefois, je suis rassuré quant à ma persévérance dans la pensée et
la réfutation de tous ceux qui confondent tout: Eglise catholique et
église (?) conciliaire, la Rome éternelle et la Rome moderniste, Rome et le Vatican,
etc.… et qui, forts de ces confusions accusent aujourd’hui Mgr Fellay et la
Fraternité de trahir! Sans doute ces théologiens auto-proclamés ont-ils compris
mieux que quiconque la pensée de Mgr Lefebvre, et sont-ils fondés à accuser Mgr
Fellay de lui être infidèle, voire de le trahir, mais je persiste à dire ce que
je dis depuis toujours, à savoir que, jusque sur son lit de mort, Mgr Lefebvre
n’avait qu’un désir: non pas donner des leçons au Pape mais servir l’Eglise,
mettre la Fraternité au service de l’Eglise, pour la Messe et pour le
sacerdoce !
Certes, nous ne sommes plus en
1976, ni en 1986 ou 1988, mais il est admirable de suivre les diverses
réactions de Mgr Lefebvre aux situations nouvelles. Il ne parlait pas de la
même façon en 1970 et en 1976, avant et après Assise, avant et après les
sacres, mais vouloir faire de ces diverses prises de position autre chose que l’exercice de la vertu de
prudence, au point d’en faire des principes, jusqu’à accuser Mgr Lefebvre
lui-même d’avoir abandonné ses principes… c’est raisonner avec autre chose que
son intelligence éclairée par la foi ! Mgr avait des principes, et ils
n’ont pas changé ; mais sa ligne de conduite a été différente selon les
situations, qui, elles, n’ont cessé de changer.
Aujourd’hui encore, après les
actes de Benoit XVI, et depuis l’élection du Pape François, la situation a
changé, et nous ne pouvons pas ignorer le nouvel état des choses. Mais
l’essentiel du drame demeure ce que dénonçait Jean Madiran: «La
crise religieuse n'est plus comme au XVI° siècle d'avoir pour une seule Eglise
deux ou trois papes simultanément; elle est aujourd'hui d'avoir un seul pape
pour deux Eglises, la catholique et la post-conciliaire.» Mais ce que ne
précise pas Madiran, et qui rend la situation plus dramatique, est que ces
«églises» ne sont pas séparées, et que la deuxième vit au sein de
la première et en tire même toute sa vie, car elle ne pourrait vivre sans elle.
Les principes de Mgr
Lefebvre dans cette situation ? Ils sont gravés en lettres d’or et de feu dans
les statuts de la Fraternité :Le but de la Fraternité est le sacerdoce et
tout ce qui s'y rapporte et rien que ce qui le concerne, c'est-à-dire tel que
Notre Seigneur Jésus-Christ l'a voulu lorsqu'il a dit: «Faites ceci en mémoire
de Moi»… Orienter et réaliser la vie du prêtre vers ce qui est essentiellement
sa raison d'être: le saint sacrifice de la Messe, avec tout ce qu'il signifie,
tout ce qui en découle, tout ce qui en est le complément.
Un deuxième but de la Fraternité
est d'aider à la sanctification des prêtres, en leur offrant la possibilité de
retraites, récollections. Les maisons de la Fraternité pourraient être le siège
d'associations sacerdotales, de tiers-Ordres, de périodiques ou revues
destinées à la sanctification des prêtres.
Ce sont ces mêmes principes qui
l’ont conduit aux sacres épiscopaux de 1988, ainsi qu’il l’a exprimé dans sa
lettre aux quatre futurs évêques :
Ainsi apparaît avec évidence la nécessité absolue de la permanence et de la continuation du sacrifice adorable de Notre Seigneur pour que «son Règne arrive». La corruption de la sainte Messe a amené la corruption du sacerdoce et la décadence universelle de la foi dans la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Dieu a suscité la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X pour le maintien et la perpétuité de son sacrifice glorieux et expiatoire dans l’Église. Il s’est choisi de vrais prêtres instruits et convaincus de ces mystères divins. Dieu m’a fait la grâce de préparer ces lévites et de leur conférer la grâce sacerdotale pour la persévérance du vrai sacrifice, selon la définition du Concile de Trente.
Je me vois contraint par la Providence divine de transmettre la grâce de l’épiscopat catholique que j’ai reçue, afin que l’Église et le sacerdoce catholique continuent à subsister pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Tel est le principe doctrinal et
spirituel de Mgr Lefebvre: la Messe, incarnation de toute la foi, de
l’espérance et de la charité de l’Eglise. Inutile de chercher ailleurs un
principe qui n’existe pas.
Tout cela est clair et même
évident, bien connu de tous ceux dont l’intelligence est saine et le cœur
droit, et je n’en dirai donc pas plus. Je conclurai simplement avec la
conclusion de Mr de Viguerie.
«Il y a dans tout moment de l’histoire, il y a ce que l’on voit, ce à quoi l’on attache de l’importance, et ce que l’on voit moins bien et qui est pourtant plus important. Dans cette année 1976 de Mgr Lefebvre, les commentateurs de l’époque ont vu surtout la persécution infligée au prélat, la «condamnation sauvage» dont il a été l’objet. Mais l’année a été aussi pour le prélat résistant l’occasion de manifester publiquement son attachement au sacerdoce et à la messe. L’année 1976 est donc une année en l’honneur de la messe, en l’honneur du prêtre. On a moins vu cela, mais c’est le plus important. Aujourd’hui nous assistons à un retour de la messe traditionnelle, retour lent certes, désespérément lent, mais progressif, mais réel. Et c’est une consolation pour nous qui avons vu cette messe bannie et bafouée. Or, à n’en pas douter, et même les historiens les plus hostiles à Mgr Lefebvre devront le reconnaître, son année 1976 est à l’origine de ce retour, elle est la source première de notre consolation présente.»
A tous et toutes, bel an 2016
vécu dans l’action de grâces et dans le Coeur de Jésus et de Marie, dont vos
prêtres sont les apôtres.