10 décembre 2018

[Monastère Saint-Benoit - Lettre aux Amis] Le discernement vocationnel - la volonté de Dieu ou la mienne?

SOURCE - Monastère Saint-Benoit - Lettre aux Amis - Temps de l'Avent 2018

Saint Benoit commence sa Règle avec cette injonction : “Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître, et prête l’oreille de ton cœur. Reçois volontiers l’enseignement d’un père plein de tendresse et mets-le en pratique, afin que le labeur de l’obéissance te ramène à celui dont t’avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. À toi donc s’adresse maintenant ma parole, qui que tu sois, qui renonces à tes propres volontés, et pour combattre sous le vrai Roi, le Seigneur Christ, prends en main les puissantes et glorieuses armes de l’obéissance.” 
      
Les monastères reçoivent de nombreuses requêtes vocationnelles, accueillent de nombreux jeunes hommes qui s’y rendent en visite, et après un certain laps de temps et les consultations nécessaires, ouvrent leurs portes à ceux qui cherchent formellement à postuler en se pensant appelés à vivre dans ce monastère en particulier. Si par la grâce de Dieu ils persévèrent dans ce que Saint Benoît décrit comme “l’école du service du Seigneur”, ils découvrent, comme il le promet, que “nos coeurs seront agrandis, et nous allons courir avec une indicible douceur d’amour dans le chemin des commandements de Dieu”. Ils ont trouvés la perle de grand prix (Mt 13:45-46) et ils ont fait tout le nécessaire pour l’obtenir. Ils ont rencontrés le Seigneur et ont eu le courage de demander “qu’est-ce qui me manque encore ?” sans fuir tristement la rencontre cruciale. 
       
La clé est la découverte de ce que Dieu me demande. Maintenant. Sans égards pour mes désirs, mes préférences ou mes plans. Il s’agit d’un abandon radical de sa volonté propre pour celle (qui est souvent si surprenante) de Dieu. 
      
Un candidat qui éprouve la volonté de Dieu sur la base de cette compréhension ne peut pas s’égarer bien loin, même si au fil du temps il devient clair que ce monastère particulier n’est pas sa vocation. Ils auront vraiment testés l’appel dont ils ont cru qu’il pouvait être le leur, et leur continuation sur ce chemin, ou la conclusion qu’ils doivent en chercher un autre, sera béni par l’intégrité de leur don total d’eux-même au Seigneur, de leur acceptation de l’invitation du Seigneur : “venez et voyez” (Jn 1:39).
      
Les supérieurs religieux se réjouissent lorsqu’une personne montre cette générosité d’esprit et s’ouvre à faire tout ce que Dieu leur demandera. Une telle personne est déjà bien avancé dans les choses nécessaires pour suivre la volonté du Seigneur avec fruit. 
      
En d’autres occasions elles hésitent, et avec raison, à cause d’une approche différente. Une jeune personne peut se présenter avec des expressions comme “je discerne le sacerdoce/la vie religieuse/une vocation monastique…” ou “je veux faire/être x, y ou z” trahissant une attitude centrée sur le “Je” et non sur Dieu. Ma volonté et non celle de Dieu est ce qui semble être recherché - presque comme si “Je” suis celui qui appelle Dieu à servir ce que je veux, plutôt que de Lui permettre de m'appeler à devenir ce que je ne peut devenir qu’en me rendant entièrement à Sa volonté. 
      
Un tel “consumérisme vocationnel” est bien trop fréquent et infecte le vrai discernement - la découverte intelligente de ce que Dieu n’appelle à devenir, et non de ce que je choisis de faire selon ma propre volonté et mes critères limités. Nous pourrions l'appeler “pélagianisme vocationnel” en ce qu’une telle approche exclut la grâce de Dieu et ne s’appuie que sur ses propres efforts et désirs. 
       
Le jeune homme riche de l’Evangile était un homme bon, mais lorsque le Seigneur l’a provoqué : “si tu veux être parfait, va, vends tout tes biens et donne les aux pauvres, et tu aura un trésor dans les Cieux; viens, et suis-moi” (Mt 19:24) il a manqué de volonté. Son désir de ne pas laisser derrière lui ses “nombreuses possessions” l’a empêché de répondre à l'appel du Seigneur. Il s’en est allé, triste. Il n’est jamais devenu ce que Dieu l'appelait à être. 
       
Nous sommes des créatures déchues. Mais il y a une espérance. La grâce est possible même pour ceux infectés par le pélagianisme vocationnel, même si la maladie doit être stoppée avant qu’elle n’atteigne la possibilité d’y répondre. La Conversion - se retourner vers - est nécessaire, de la contemplation de ma propre image dans le miroir à celle du Seigneur dans Ses yeux - de faire ce que je veux, à être ouvert à accepter ce qu’il me provoque à accomplir dans cette rencontre. 
     
Si cela n’arrive jamais et qu’un individu s’avance sur la voie vocationnelle dans leurs propres termes, une crise est inévitable. Un programme de formation sain peut résoudre cela et offrir les moyens de se corriger, mais si la maladie est trop avancée un nouveau triste départ est inévitable. 
     
Mais lorsque l’individu est préparer à quitter foyer, frères, sœurs, mères et pères, enfants ou terres en réponse à l’appel du Seigneur (Mc 10:29), lorsqu'ils sont préparés à accepter la stricte discipline que Saint Benoît indique comme une nécessité pour la transformation des mauvaises habitudes et la préservation de la charité, et non “de fuir aussitôt — pris de terreur — la voie du salut, dont l’entrée, au début, est nécessairement étroite” (Prologue), le plan providentiel de Dieu pour cet individu - une chose unique qu’on ne peut répéter — peut commencer à se réaliser pour le salut de mon âme, la gloire de Dieu Tout-Puissant et l’établissement de son Royaume ici, sur la terre.