13 septembre 2007





Le motu proprio ne provoque pas de raz de marée
13/09/2007 - Nicolas Senèze - la-croix.com
Le motu proprio ne provoque pas de raz de marée

Alors que la décision du pape libéralisant l'usage du Missel tridentin entre en vigueur vendredi 14 septembre, les demandes des fidèles qui y sont attachés semblent peu nombreuses pour le moment

Messe en latin célébrée selon le rite tridentin par l'abbé Philippe Laguérie, directeur de l'Institut du Bon Pasteur, à l'église Saint-Eloi, à Bordeaux, le 31 décembre 2006 (Photo Razzo/Ciric). C’est vendredi 14 septembre qu’entre en vigueur le motu proprio Summorum pontificum publié le 7 juillet par Benoît XVI en vue de libéraliser l’usage du Missel de saint Pie V, ou plutôt, comme l’écrit le pape, le missel de Jean XXIII. Or, l’enquête réalisée par La Croix établit que les demandes de célébrations selon cette « forme extraordinaire » du rite romain sont, pour l’instant, peu nombreuses.
Au total, à ce jour, on ne connaît que 10 lieux de culte nouveaux qui accueilleront des liturgies selon l’ancien missel en France, principalement dans des diocèses où aucune n’était célébrée auparavant. Ce chiffre repose sur une enquête téléphonique que La Croix a réalisée cette semaine auprès de tous les diocèses. Il faudra bien sûr tirer un nouveau bilan dans quelques mois pour mesurer l’amplitude exacte de cette réforme.
Ces premiers chiffres semblent surtout montrer que les 124 lieux de culte où était déjà appliqué le motu proprio Ecclesia Dei adflicta, signé en 1988 par Jean-Paul II, étaient suffisants. Même si certains évêques, comme à Annecy (Haute-Savoie), prévoient de transférer les fidèles vers des églises plus grandes. à Paris, ce sera de Notre-Dame-du-Lys à Saint-Germain-l’Auxerrois.
"A priori, les besoins sont couverts"
« A priori, les besoins sont couverts », confie le P. Christian Duquidt, délégué épiscopal à l’information pour le diocèse de Limoges (Haute-Vienne), où une messe selon le missel de 1962 était déjà célébrée deux fois par mois. Mais, comme le relève le P. Michel Martin, vicaire général du diocèse de Viviers (Ardèche), « si des demandes doivent être formulées, c’est maintenant qu’elles le seront ».

« Les demandes vont apparaître après le 14 septembre », prévoit l’abbé Paul Aulagnier, ancien supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie-X, intégriste, et qui a participé l’an dernier à la création de l’Institut du Bon-Pasteur. Mais cet ancien proche de Mgr Lefebvre est dubitatif sur l’application du motu proprio : « Je ne suis pas sûr que la procédure choisie par le Saint-Père soit la bonne, déclare-t-il. Les curés oseront-ils accepter la demande de fidèles attachés au Missel de Jean XXIII ? Et quelle sera l’attitude des évêques vis-à-vis de ces curés ? » Pourtant, du côté des évêques de France, où le sujet a été abordé mardi lors d’une réunion du Conseil permanent de la Conférence épiscopale à laquelle participaient les archevêques métropolitains, on note une réelle volonté d’apaisement. Le motu proprio sera pleinement appliqué. Tout le motu proprio, mais rien que le motu proprio ! Pas question, par exemple, de faire le lit de groupes qui mettraient en cause la validité de la réforme liturgique issue de Vatican II.
Comment définir un « groupe stable » ?
Concrètement, les évêques ont, pour la plupart, déjà commencé à accueillir la demande de fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Mais il s’agit souvent de demandes individuelles, comme dans le diocèse de Séez (Orne) où 12 courriers sont arrivés. Ces personnes ne constituant pas un « groupe stable » comme le stipule le motu proprio, elles ne devraient pas être acceptées. D’autant qu’une messe dans l’ancien missel est célébrée le dimanche à Sées. « Dans mon diocèse, j’ai eu une demande d’une seule famille : j’ai donc écrit à Rome pour savoir s’il s’agit d’un groupe stable », confie un évêque à La Croix. C’est tout le problème de l’application de Summorum pontificum : comment définir un « groupe stable » ? Sur les sites Internet traditionalistes, des forums proposent aux fidèles de se regrouper. Mais ils sont peu actifs. « Si vous désirez constituer un groupe stable autour de Luxeuil-les-Bains, je suis partant. Alors faites-le-moi savoir », écrit « Séb59 » sur le site Forum catholique. Ce qui en dit beaucoup sur la « stabilité » d’un futur groupe…
Autre question : quels prêtres affecter à ces groupes ? « Je n’ai que très peu de prêtres sachant célébrer dans l’ancienne forme, et j’en ai besoin ailleurs », explique un évêque du sud de la France. Certes, les évêques ont la possibilité de faire appel aux instituts religieux voués à l’ancien rite, comme la Fraternité Saint-Pierre ou l’Institut du Bon-Pasteur. Mais ils craignent de ne plus avoir de regard sur ce qui se passera dans les communautés traditionalistes.
« Les évêques finiront par demander notre aide », assure l’abbé Aulagnier, à l’Institut du Bon-Pasteur dont cinq membres seront ordonnés prêtres le 22 septembre à Bordeaux par le cardinal colombien Dario Castrillon Hoyos, président de la commission Ecclesia Dei.
Peu à dire "nous revenons"
Reste une inconnue : le ralliement de prêtres et de fidèles venues de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). À Rome, certains caressaient l’espoir que la publication de Summorum pontificum favoriserait le retour d’intégristes dans le giron romain. Il semble qu’ils soient peu nombreux, même si plusieurs évêques se disent « touchés » d’avoir entendu, depuis, des personnes leur dire : « Nous revenons. » La Fraternité Saint-Pie-X continue à demander bien plus que la libéralisation de l’ancien missel. « La ruine de l’Église ne tient pas uniquement à la question liturgique », explique l’abbé Régis de Cacqueray sur le site du district de France de la FSSPX, dont il est le supérieur : « Aussi importante qu’elle soit, elle demeure seconde par rapport à la vérité théologique dont elle n’est qu’une traduction. »
Pour ces intégristes, le motu proprio ne peut être qu’une première étape avant un retour doctrinal à la situation d’avant Vatican II. Et ils continuent à critiquer vertement le Missel de Paul VI. Bien loin de l’attitude d’apaisement voulu par Benoît XVI.
Nicolas SENÈZE (avec les correspondants régionaux de "La Croix")