SOURCE - Mgr Fellay, fsspx - SPO - Riposte Catholique - 10 mai 2012
Nous nous étions engagés à demeurer silencieux sur le brouhaha alimenté par toutes sortes de rumeurs et de “révélations” entourant le processus de réconciliation entre Rome et la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Notre intention a toujours été de ne pas “polluer”, par des informations livrées de manière importune, un processus délicat, difficile et de grande importance. Ce processus, s’il concerne évidemment l’Église universelle, est d’abord une affaire qui regarde Rome et la FSSPX. Toutefois, deux documents fondamentaux pour comprendre l’étape où en est ce processus, viennent d’être révélés publiquement (ici) par un forum traditionaliste anglophone CathInfo. Nous reproduisons ci-dessous le texte de la lettre adressée par Mgr Fellay et les membres du Conseil général de la Fraternité Saint-Pie X aux trois autres évêques de la FSSPX, en réponse à une lettre collective adressée par ces derniers le 7 avril dernier que nous reproduisons à la suite.
Excellences,
Nous nous étions engagés à demeurer silencieux sur le brouhaha alimenté par toutes sortes de rumeurs et de “révélations” entourant le processus de réconciliation entre Rome et la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Notre intention a toujours été de ne pas “polluer”, par des informations livrées de manière importune, un processus délicat, difficile et de grande importance. Ce processus, s’il concerne évidemment l’Église universelle, est d’abord une affaire qui regarde Rome et la FSSPX. Toutefois, deux documents fondamentaux pour comprendre l’étape où en est ce processus, viennent d’être révélés publiquement (ici) par un forum traditionaliste anglophone CathInfo. Nous reproduisons ci-dessous le texte de la lettre adressée par Mgr Fellay et les membres du Conseil général de la Fraternité Saint-Pie X aux trois autres évêques de la FSSPX, en réponse à une lettre collective adressée par ces derniers le 7 avril dernier que nous reproduisons à la suite.
+ Menzingen, le 14 avril 2012
A NN. SS. Tissier de Mallerais, Williamson et de Galarreta,Excellences,
Votre lettre collective adressée aux
membres du Conseil général a retenu toute notre attention. Nous vous
remercions pour votre sollicitude et votre charité.
Permettez-nous à notre tour dans le même souci de charité et de justice de vous faire les observations qui suivent.
Tout d’abord la lettre mentionne bien la
gravité de la crise qui secoue l’Eglise et analyse précisément la nature
des erreurs ambiantes qui pullulent. Cependant la description est
entachée de deux défauts par rapport á la réalité de l’Eglise; elle
manque de surnaturel et en même temps elle manque de réalisme.
Elle manque de surnaturel. A vous lite,
on se demande sérieusement si vous croyez encore que cette Eglise
visible dont le siège est á Rome est bien l’Eglise de Notre Seigneur
Jésus Christ, une Eglise certes défigurée horriblement a planta pedis
usque ad verticem capitis, mais une Eglise qui a quand même et encore
pour chef Notre Seigneur Jésus Christ. On à l’impression que vous êtes
tellement scandalisés que vous n’acceptez plus que cela pourrait encore
être vrai. Pour vous Benoit XVI est-il encore pape légitime ? S’il
l’est, Jésus-Christ peut-il encore parler par sa bouche ? Si le pape
exprime une volonté légitime á notre sujet, qui est bonne, qui ne donne
pas un ordre á l’encontre des commandements de Dieu, a-t-on le droit de
négliger, de renvoyer d’un revers de main cette volonte ?
Et sinon sur quel principe vous basez
vous pour agir ainsi ? Ne croyez-vous pas que si Notre Seigneur nous
commande, il donnera aussi les moyens de continuer notre œuvre ? Or le
pape nous a fait savoir que la préoccupation de régler notre affaire
pour le bien de l’Eglise était au cœur même de son pontificat, et aussi
qu’il savait bien que ce serait plus facile et pour lui et pour nous de
laisser la situation présente en l’état. Donc c’est bien une volonte
arrêtée et juste qu’il exprime.
Avec l’attitude que vous préconisez, il
n’y a plus de place ni pour les Gédéons ni pour les David, ni pour ceux
qui comptent sur le secours du Seigneur. Vous nous reprochez d’être naïf
ou d’avoir peur, mais c’est votre vision de l’Eglise qui est trop
humaine et même fataliste; vous y voyez les dangers, les complots, les
difficultés, vous ne voyez plus l’assistance de la grâce et du
Saint-Esprit. Si l’on veut bien accepter que la divine Providence
conduit les affaires des hommes, tout en leur laissant leur liberté, il
faut alors aussi accepter que les gestes de ces dernières années en
notre faveur sont sous sa gouverne. Or ils indiquent une ligne – pas
toute droíte – mais clairement en faveur de la Tradition. Pourquoi
subitement celle-ci s’arrêterait, alors que nous faisons tout pour
conserver notre fidélité et que nous accompagnons nos efforts d’une
prière peu commune ? Le bon Dieu nous laisserait-il tomber au moment le
plus crucial ? Cela n’a pas beaucoup de sens. Surtout que nous
n’essayons pas de lui imposer une quelconque volonté propre, mais que
nous essayons de scruter á travers les événements ce que Dieu veut,
étant disposés a tout, comme il Lui plaira.
En même temps elle manque de réalisme, et quant á l’intensité des erreurs et quant leur amplitude.
Intensité: dans la Fraternité, on est en
train de faire des erreurs du Concile des super hérésies, cela devient
comme le mal absolu, pire que tout de la même manière que les libéraux
ont dogmatisé ce concile pastoral. Les maux sont déjà suffisamment
dramatiques pour qu’on ne les exagère pas davantage (cf Roberto de
Mattei, Une histoire jamais écrite, p. 22; Mgr Gherardini, Un débat à
ouvrir, p, 53, etc.,)
Il n’y a plus aucune distinction. Alors
que Monseigneur Lefebvre a fait plusieurs fois les distinctions
nécessaires au sujet du libéral [1]. Ce manque
de distinction conduit l’un ou l’autre d’entre vous á un durcissement«
absolu ». Cela est grave parce que cette caricature n’est plus dans la
réalité et elle aboutira logiquement dans le futur á un vrai schisme. Et
peut-être bien que ce fait est l’un des arguments qui me pousse á ne
plus tarder á répondre aux instances romaines.
Amplitude: d’une part on fait endosser
aux autorités présentes toutes les erreurs et tous les maux que l’on
trouve dans l’Eglise en délaissant le fait qu’elles essaient au moins en
partie de se dégager des plus graves d’entre elles (la condamnation de «
l’herméneutique de la rupture » dénonce des erreurs bien réelles).
D’autre part on prétend que TOUS sont enracinés dans cette pertinacité
(« tous modernistes », « tous pourris »). Or cela est manifestement
faux. Une grande majorité est toujours emportée dans le mouvement, mais
pas tous.
Au point qu’á la question cruciale entre
toutes, celle de la possibilité de survivre dans les conditions d’une
reconnaissance de la Fraternité par Rome, nous n’arrivons pas à la même
conclusion que vous.
Qu’il soit noté au passage que NOUS
N’AVONS PAS CHERCHE un accord pratique. Cela est faux. Nous n’avons pas
refusé a priori, comme vous le demandez, de considérer l’offre du pape.
Pour le bien commun de la Fraternité, nous préférerions de loin la
solution actuelle de statu quo intermédiaire, mais manifestement, Rome
ne le tolère plus.
En soi, la solution de la Prélature
personnelle proposée n’est pas un piège. Cela ressort tout d’abord de ce
que la situation présente en avril 2012 est bien différente de celle de
1988. Prétendre que rien n’a changé est une erreur historique.
Les mêmes maux font souffrir l’Eglise,
les consequences sont encoré plus graves et manifestes qu’alors; mais en
méme temps on peut constater un changement d’attitude dans l’Eglise,
aidé par les gestes et actes de Benoít XVI envers la Tradition. Ce
mouvement nouveau, né il y a au moins une dizaine d’années, va se
renforgant II touche bon nombre (encoré une minorité) de jeunes prétres,
de séminaristes et méme deja un petit nombre de jeunes évéques qui se
distinguent nettement de leurs prédécesseurs, qui nous disent leur
sympathie et leur soutien, mais qui sont encoré passablement étouffés
par la ligne dominante dans la hiérarchie en faveur de Vatican II. Cette
hiérarchie est en perte de vitesse. Cela est objectif et montre qu’il
n’est plus illusoire de considérer un combat «intra muros », dont nous
sommes bien conscients de la dureté et difficulté. J’ai pu constater a
Rome combien le discours sur les gloires de Vatican II que Ton va nous
ressasser, s’il est encore dans la bouche de beaucoup, n’est cependant
plus dans toutes les tètes. De moins en moins y croient.
Cette situation concrète, avec la
solution canonique qui est proposée, est bien différente de celle de
1988. Et quand nous comparons les arguments que Mgr Lefebvre avait
donnés a l’époque, nous concluons qu’il n’aurait pas hésité á accepter
ce qui nous est proposé. Ne perdons pas le sens de l’Eglise, qui était
si fort chez notre vénéré fondateur.
L’histoire de 1′Eglise montre que la
guérison des maux qui la frappent se fait de manière habituelle
graduellement, lentement. Et quand un problème est terminé, c’en est un
autre qui commence… oportet haereses esse, Prétendre attendre que tout
soit réglé pour arriver á ce que vous appelez un accord pratique n’est
pas réaliste. II est bien probable á voir comment se déroulent les
choses que la fin de cette crise prendra encore des dizaines d’années.
Mais de refuser de travailler dans le champ parce qu’il s’y trouve
encore de la mauvaise herbé, qui risque d’étouffer, de gêner la bonne
herbé trouve une curieuse leçon biblique ; c’est Notre Seigneur lui-même
qui nous fait comprendre avec sa parabole de l’ivraie qu’il y aura
toujours, sous une forme ou une autre de la mauvaise herbé a arracher et
a combattre dans son Eglise…
Vous ne pouvez pas savoir combien votre
attitude ces derniers mois – bien différente pour chacun d’entre vous – a
été dure pour nous. Elle a empêché le supérieur général de vous
communiquer et faire partager ces grands soucis, auxquels il vous aurait
si volontiers associés, s’il ne s’était pas trouvé devant une
incompréhension si forte et passionnée. Combien il aurait aimé pouvoir
compter sur vous sur vos conseils pour soutenir cette passe si délicate
de notre histoire. C’est une grande épreuve, peut-être la plus grande de
tout son supériorat Notre Fondateur vénéré a donné aux évêques de la
Fraternité une charge et des devoirs précis. Il a bien montré que le
principe qui fait l’unité dans notre société, c’est le Supérieur
General. Mais depuis un certain temps déjà, vous essayez – chacun de
manière différente – de lui imposer votre point de vue, même sous formes
de menaces, et même publiquement Cette dialectique entre vérité/foi et
autorité est contraire à l’esprit sacerdotal. Au moins aurait-il espéré
que vous essayiez de comprendre les arguments qui le poussent á agir
comme il a agi ces dernières années, selon la volonté de la divine
providence.
Nous prions bien pour chacun d’entre
vous, pour que dans ce combat qui est loin d’être terminé nous nous
retrouvions tous ensemble, pour la plus grande gloire de Dieu et pour
l’amour de notre chère Fraternité.
Daigne Notre Seigneur ressuscité et Notre Dame vous protéger et vous bénir.
+Bernard Fellay
Niklaus Pfluger+
Alain-Marc Nély+
[1] « Ce n’est pas parce qu’un pape est libéral qu’il n’existe pas. (…) Nous devons rester dans une ligne ferme et ne pas nous égarer, au cours de ces difficultés dans lesquelles nous vivons. On serait tenté, justement, par des solutions extrêmes, et de dire: “Non, non, le pape n’est pas seulement libéral, le pape est hérétique! Le pape est peut-être probablement plus qu’hérétique, donc il n’y a pas de pape !”
Cela, ce n’est pas exact. Ce n’est pas parce que quelqu’un est libéral, qu’il est nécessairement hérétique et par conséquent qu’il est nécessairement hors de l’Eglise. II faut savoir faire les distinctions nécessaires, Ceci est très important pour rester dans une voie sûre, pour rester bien dans l’Eglise. Sinon, nous irions ou ? II n’y a plus de pape, il n’y a plus de cardinaux, parce que, si le pape n’était pas pape quand il a nommé les cardinaux, ces cardinaux ne peuvent plus nommer de pape parce qu’ils ne sont pas cardinaux. Et alors ? C’est un ange du Ciel qui va nous apporter un pape ? C’est absurde! Et pas seulement absurde, dangereux! Parce qu’alors nous serons conduits, peut-être, á des solutions qui sont vraiment schismatiques » (conférence á Angers, 1980). Voir aussi Fideiitern0 57, p. 17 sur la mesure á garder.