19 février 2016

[Abbé Franz Schmidberger, fsspx] Reflexions sur l'Eglise, et la position de la FSSPX en son sein

SOURCE - Abbé Franz Schmidberger, fsspx - 19 février 2016

I. L’Eglise est un mystère. C’est le mystère de la présence de Dieu parmi nous, notre Sauveur, Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. La conversion réclame notre collaboration.
   
II. L’Eglise est infaillible dans sa nature divine ; mais elle est dirigée par des personnes qui peuvent faire des erreurs et parfois font des erreurs. Nous devons distinguer la fonction de la personne. Ce dernier reste un certain temps en fonction et puis le quitte, que ce soit par la mort ou d’autres circonstances, mais la fonction demeure. Aujourd’hui, le pape François a le ministère papal et le primat de l’autorité. D’ici une heure, nous ne savons pas, il peut démissionner et un autre pape sera élu. Cependant, tant qu’il occupe le Siège Papal, nous le reconnaissons tel et nous prions pour lui.
   
Nous ne disons pas que c’est un bon pape. Au contraire, il provoque avec ses idées libérales et il crée une grande confusion dans l’Eglise. Mais lorsque le Christ a fondé la Papauté, Il voyait toute la suite des papes de toute l’histoire de l’Eglise, y compris le pape François. Et pourtant, Il a permis son accession au trône papal.
   
De même, Notre Seigneur a établi le Sacrement de Sa divine Présence, bien qu’Il ait prévu les nombreux sacrilèges de l’histoire.
   
III. Monseigneur Lefebvre a fondé la FSSPX au milieu de cette époque de confusion pour l’Eglise. Elle est appelée à donner une nouvelle génération de prêtres à l’Eglise, pour préserver le vrai Sacrifice de la Messe et proclamer le règne de Jésus-Christ partout dans la société, même contre les papes et prélats libéraux qui ont trahi la Foi. Aussi cela devait nécessairement aboutir à un conflit : en 1975, la fraternité fut envoyée en exil. Là, non seulement elle a survécu, mais elle a grandi et est devenue pour de nombreuses personnes un signe de contradiction contre la destruction de notre époque.
   
L’opposition devint claire pour tout le monde le 30 juin 1988 quand, pour des raisons de nécessité, Mgr Lefebvre consacra quatre évêques.
   
IV. Cependant, Mgr Lefebvre a toujours cherché une solution canonique pour la Fraternité et il n’évita pas les conversations avec les autorités romaines, qui demandaient de reculer. Il continua ses efforts même après les consécrations épiscopales, bien que dans son réalisme, il avait peu d’espoir de succès. Il demandait, usant d’arguments ad hominem, de le laisser « faire l’expérience de la Tradition ». Il acceptait tout à fait que la Fraternité était dans une situation exceptionnelle et que ce n’était pas de sa faute mais de celle de ses adversaires. Jusqu’en 2000, la situation demeura ainsi. A partir de ce moment, Rome pensa à remédier à cette situation, parfois d’une manière astucieuse, parfois avec d’honnêtes intentions, selon la personne en charge du dossier du côté romain.
   
V. Le déclin de l’Eglise, simultané au constant développement de la Fraternité, amena quelques évêques et cardinaux à être d’accord en tout ou en partie, bien que ce soit difficile à reconnaître. Rome baissa progressivement ses exigences et les propositions récentes ne parlent plus de reconnaître Vatican II, ni la légitimité du Novus Ordo Missae. Aussi il semble que le moment d’une normalisation de la Fraternité est arrivé, et cela pour plusieurs raisons :
   
1) Toute situation anormale conduit d’elle-même à la normalisation. C’est dans le nature des choses.
   
2) Nous ne devons pas perdre de vue le danger que les fidèles et quelques membres se sont habitués à la situation et la voit comme étant normale. Les oppositions ça et là contre la participation à l’Année Sainte comme aussi le total mépris pour l’attribution d’une juridiction ordinaire par le pape François (Nous en appelons toujours à l’état de nécessité et avons recours à la juridiction extraordinaire conformément à la loi). Cela provoque des remous. Si les fidèles ou des membres de la Fraternité trouvent confortable cette situation de liberté de dépendance de la hiérarchie, alors cela implique une perte graduelle du « sensus ecclesiae ». Nous ne devons jamais argumenter : « Nous avons la saine doctrine, la vraie Messe, nos séminaires, prieurés et évêques, nous ne manquons de rien. »
   
3) Nous avons des sympathisants parmi les prêtres et cardinaux, dont certains voudraient faire appel à nous pour les aider, ils nous donneraient des églises et peut-être confieraient un séminaire à nos soins. Mais actuellement, à cause de notre situation, c’est impossible pour eux de le faire. En tout cas, les obstacles qu’ont les fidèles craintifs vont diminuer. Dans les médias et partout, nous sommes considérés comme des schismatiques, nous rejetons ces affirmations.
   
4) Dans les années à venir, nous aurons un besoins urgent de nouveaux évêques. Il est certainement possible de sacrer sans mandat pontifical en cas d’urgence, mais s’il est possible de sacrer des évêques avec la permission de Rome , la dite permission doit être recherchée.
   
5) Modernistes, libéraux et autres ennemis de l’Eglise, sont très intéressés par ce qui concerne la solution canonique pour la fraternité. Le discernement des esprits à cet égard ne suggère-t-il pas ce qu'est la bonne et la meilleure voie ?
   
6) Comment l’Eglise va-t-elle surmonter cette crise ? Dans l’état actuel des choses, on voit qu’il n’y a pas même une lueur d’espoir. En revanche, l’acte officiel de reconnaissance de la Fraternité déclencherait un trouble sain à l’intérieur de l’Eglise. Le bien serait encouragé, les malveillants subiraient une défaite.
   
VI. Réponses à quelques objections :
   
1) Comment peut-on aspirer à une reconnaissance par le pape François ?
   
Réponse : Nous avons déjà mentionné ci-dessus la nécessaire distinction entre la fonction et le titulaire de cette fonction. Il n’y a aucun doute que le pape actuel exerce son rôle établi par Dieu. Mais nous devons garder à l’esprit ce qu’était réellement le Concile et les conséquences qu’il a apportés dans l’Eglise : confusion, la dictature du relativisme, la pastorale supérieure à la doctrine, l’amitié avec les ennemis de Dieu et les ennemis du christianisme. Mais c’est précisément ici une des erreurs du Concile : séparer la cause des effets. Certains étaient trop sous le charme de la personne de Benoît XVI, au lieu de regarder d’abord la fonction papale et la personne ensuite, sa démission étant alors une douche froide pour beaucoup. Nous en devons pas faire la même erreur d’être nous-mêmes trop sous le charme d’une personne plutôt que de l’institution divine. Peut-être que le pape François est le seul en mesure de prendre cette décision (normalisation) par imprévisibilité et improvisation. Les médias pourront lui pardonner d’avoir pris cette décision, mais n’auraient jamais pardonné à Benoît XVI.
   
Avec son style de gouvernement autoritaire, pour ne pas dire tyrannique, il serait en mesure de mettre en œuvre cette décision, même pour la Résistance.
   
2) Mais alors que diront les gens de « la Résistance » ?
   
Réponse : Nous ne pouvons guider notre action sur des personnes qui ont, de toute évidence, perdu le sens de l’Eglise et de l’amour de l’Eglise dans sa forme concrète. A l’heure actuelle, ils se battent entre eux.
   
3) A l’avenir, nous devrons garder le silence sur toutes les erreurs actuelles.
   
Réponse : Nous ne nous tairons pas, au contraire nous appellerons les erreurs par leur nom, avant comme après notre normalisation. Nous voudrions bien revenir de l’ « exil » où nous sommes maintenant.
   
4) Le pape François a une si mauvaise réputation parmi les catholiques qu’une reconnaissance de la Fraternité venant de lui provoquerait plus de tort que de bénéfice pour la Fraternité.
   
Réponse : Depuis le début, nous distinguons entre la fonction et la personne. Si François est le pape –ce qu’il est – alors il a aussi le primat de juridiction sur toute l’Eglise, qu’il fasse par ailleurs du bien ou du tort à l’Eglise. Nous devons suivre ce chemin, celui de faire du bien à l’Eglise ; ne nous laissons pas diriger par la recherche des faveurs humaines et Dieu nous bénira.
   
5) Mais cette intégration de la FSSPX dans le système conciliaire va lui « coûter » son profil, peut-être même son identité.
   
Réponse : Tout cela dépend de la fermeté avec laquelle nous tenons et de qui convertit qui. Si nous agissons vigoureusement, nous appuyant sur la grâce de Dieu, alors notre situation pourra être une grâce pour toute l’Eglise. Y a-t-il un autre endroit où pourrait être la Fraternité pour être en mesure de rendre possible une telle conversion ? Evidemment, nous ne devons pas prendre appui sur nos qualités et nos forces, mais sur l’aide de Dieu. Pensez au combat entre David et Goliath. Faisons une analogie : comme chrétiens, nous sommes dans un monde méchant et corrompu et c’est là que nous devons faire nos preuves. Le danger de contagion est grand, mais nous pouvons et devons y échapper avec la grâce de Dieu.
   
6) Toutes les congrégations qui se sont soumises à Rome se sont adaptées au système conciliaire ou ont même disparu.
   
Réponse : Notre position de départ n’est pas la même : dans notre cas, c’est Rome qui fait pression pour trouver une solution et s’approche de nous. Dans les autres cas, ces congrégations étaient les demandeurs, venant souvent à Rome avec un sentiment de culpabilité.
   
De plus, aucune d’elles n’avait un évêque, hormis l’administration apostolique Saint Jean-Marie Vianney de Campos au Brésil, où l’évêque Mgr Riffan est prêt à tous les compromis.
   
Bien sûr, nous avons besoin d’une solide protection par une structure ecclésiale appropriée. Cela semble garanti par une prélature personnelle. Cette structure n’a été offerte à aucune autre congrégation. Après tout, l’objection soulevée n’est que partiellement exacte : par exemple, la Fraternité Saint-Pierre existe depuis déjà 27 ans et est restée fidèle, au moins dans les régions germanophones, à la Sainte Messe traditionnelle avec peu de concessions. Toutefois, la Fraternité Saint Pie X était son assurance-vie « en coulisses ».
   
VII. Conclusion
   
Si Dieu veut aider Son Eglise, Il a de nombreux moyens. L’un d’eux est la reconnaissance de la FSSPX par les autorités romaines. La FSSPX n’est –elle pas consacrée à la Très Sainte Vierge, qui la protégera et la guidera dans ses travaux dans la nouvelle situation ?
   
Dignare me laudare te, Virgo sacrata ; da mihi virtutem contra hostes tuos.
   
Permettez, ô Vierge sainte, que je chante vos louanges ; donnez-moi la force contre vos ennemis.
    

Zaitzkofen, le 19 février 2016
abbé Franz Schmidberger
Recteur