L’abbé Nély est, depuis plus de dix ans, second Assistant de Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. Ses activités lui font parcourir le monde en des voyages parfois harassants, et ses pas le portent également souvent à Rome.
— Monsieur l’abbé, vous que vos fonctions amènent à beaucoup voyager, pouvez-vous nous raconter des rencontres originales faites au cours de vos déplacements ?
— Il y a, certes, des rencontres
étonnantes dans les avions ou les aéroports. Le costume ecclésiastique que je
porte permet à ceux que je croise de savoir à qui ils s’adressent. Il m’est
arrivé quelquefois – je me souviens précisément de l’aéroport de Tokyo ou de
celui de Zurich – de rencontrer des évêques, qui réagissent plus ou moins bien,
ou des prêtres qui viennent me voir, ont envie de discuter, veulent connaître
la Fraternité. Mais nous passons de l’aéroport au prieuré et du prieuré à
l’aéroport dans des délais courts, qui ne laissent pas beaucoup de place aux
entrevues inopinées.
Une rencontre faite au cours de
mon dernier voyage au Vanuatu, au mois de février, me revient à l’esprit. Nous
venons d’ouvrir là-bas une mission dans un village et je voulais rencontrer
l’évêque du lieu pour faire sa connaissance. J’arrive donc dans la cour de
l’évêché avec l’abbé Bochkoltz, qui s’occupe du Vanuatu, de la
Nouvelle-Calédonie et de la Nouvelle Zélande. J’aperçois un monsieur corpulent
en maillot bleu, pieds nus dans des sandalettes. Je lui dis que je suis de la Fraternité
Saint-Pie X et que j’aimerais rencontrer l’évêque. « Ah non ! Il n’a rien à
faire avec vous, me répond-il, vous êtes hors de l’Eglise... » « Mais qui
êtes-vous ? » lui dis-je alors. « Je suis l’évêque... » « Monseigneur, je suis
désolé, je suis l’abbé Nély, deuxième Assistant, etc. » « Mais vous venez dans
mon diocèse mettre la pagaille », me répond-il. « J’ai rencontré le Saint-Père
il y a quelques jours, il a été beaucoup plus agréable que vous ! » lui ai-je
rétorqué. Je lui montre une photo sur laquelle je suis avec le pape François.
Changeant alors complètement d’attitude, il m’a dit à ce moment-là qu’il nous
tolérait, et nous nous sommes quittés là-dessus. Je lui ai promis de lui
envoyer un petit mot de Rome lors de mon prochain séjour...
— A propos des conversations avec Rome, sentez-vous, après les avancées faites par le pape François (à propos des confessions, des mariages...), un changement d’attitude des évêques vis-à-vis de la Fraternité ?
— Deux évêques en France ont
transmis tout pouvoir pour les mariages à la Fraternité, Mgr Planet, évêque de
Carcassonne, et Mgr Rey, évêque de Toulon. Un évêque en Nouvelle Zélande l’a
fait également, et le nonce en Argentine a écrit à tous les évêques pour leur
demander de laisser à la Fraternité les coudées franches.
— Ne s’agit-il pas d’avancées importantes ?
— Certes ! Nous sommes en train
actuellement de rédiger un directoire pour expliquer la teneur de ce document
et dans quelle mesure il nous revient de l’appliquer en respectant la volonté
du Saint-Père. Je pense que cela prendra quelques mois pour que les choses
soient claires dans l’esprit des prêtres et dans celui des fidèles, car il
s’agit d’une situation relativement nouvelle.
— Sans vous demander de révéler de secret, je ne peux pas ne pas vous poser la question : tous s’interrogent à propos d’une déclaration du pape vis-à-vis de la Fraternité... On parlait de Fatima le 13 mai dernier, on évoque désormais le 7 juillet, anniversaire du motu proprio libérant la messe traditionnelle. Cela repose-t-il sur un fondement solide ?
— J’ai entendu parler de ces deux
dates possibles. Je n’en vois pas les fondements. On a dit Fatima parce que le
pape sait que les prêtres de la Fraternité sont très dévots à Fatima. Quant au
7 juillet, nous n’en savons rien non plus, mais tout peut arriver. Seulement,
on ne voit pas pourquoi ces deux dates ont été émises à propos de cette
déclaration.
— La Fraternité ne cherche-t-elle pas à acquérir actuellement une maison au centre même de Rome, donc plus proche que le prieuré d’Albano, lui-même un peu excentré ?
— Ce n’est pas nouveau puisque,
quand j’ai été nommé supérieur d’Italie en 2004, une de mes priorités absolues
était de trouver juste- ment un endroit à Rome, notamment une église plus
visible que celle de la Via Urbana où nous célébrons la messe depuis maintenant
à peu près trente ans, située entre Sainte- Marie-Majeure et Termini. Il s’agit
d’un local aménagé qui ne peut contenir qu’une petite cinquantaine de
personnes. En 2006, quand j’ai été élu deuxième Assistant, l’abbé Pagliarani
est devenu Supérieur du District d’Italie, et il a continué à chercher. Ensuite
l’abbé Petrucci, qui lui a succédé, a fait de même.
Actuellement, nous avons en vue
trois ensembles immobiliers, qui pourraient chacun nous permettre de nous installer
à Rome. La Maison généralice restera dans tous les cas à Menzingen, mais il
serait bon d’avoir un pied- à-terre à Rome, une « procure » selon le nom
coutumier, comme en ont d’ailleurs toutes les congrégations.
Ce que nous souhaitons, de plus,
c’est d’avoir un institut, un centre universitaire, un lieu où l’on pourrait
donner des conférences, l’équivalent de ce que l’on fait à Paris avec
l’Institut Saint-Pie X.
Donc oui, nous cherchons à Rome
un lieu où nous puissions avoir simultanément un pied-à-terre pour la Maison
généralice, une belle église et des locaux universitaires. Prions pour que ce
projet puisse se réaliser enfin !
— Les facilités données à la Fraternité par le pape pour les confessions et les mariages concernent-elles de la même façon les « congrégations amies » ?
— En principe, ce qui touche la
Fraternité Saint-Pie X regarde aussi les congrégations amies. C’est prévu dans
l’ébauche de statuts de la prélature. Il est clair que la Fraternité n’est pas
une entité séparée de ceux qui voudraient continuer à la suivre dans le combat
actuel.
— Voudriez-vous ajouter quelque chose pour les lecteurs de Présent... journal que vous avez vous-même vendu, je crois, dans le métro ?
— Avec les fondateurs, oui, dont
j’étais très proche, Bernard Antony, Max Champoiseau, au métro Opéra, je me
souviens très bien ! Mais c’était alors le mensuel, avant la fondation du
quotidien. J’ai bien connu aussi Jean Madiran... Ce sont des souvenirs qui
restent profondément gravés dans ma mémoire.
J’encourage Présent, bien
sûr, à continuer ce travail difficile qu’il mène, libre de toute servitude, et
ses lecteurs à le soutenir activement.
Propos recueillis par Anne
Le Pape