Un motu proprio visant à faciliter le dialogue avec les disciples de Mgr Lefebvre pour les admettre dans l'Église catholique a été publié mercredi à Rome.
Le texte est sobre mais vaste est sa portée. Rome a publié mercredi le décret qui ouvre les négociations sur le fond avec les disciples de Mgr Lefebvre. Le rétablissement de la messe en latin selon l'ancien rite, il y a deux ans, puis la levée des excommunications, il y a six mois, des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 1988 (dont Mgr Williamson), n'étaient que des prémices. Les affaires vraiment sérieuses commencent : il s'agit de trouver un accord entre Rome et Ecône sur la cause même de la rupture, le concile Vatican II.
Les premières discussions, confiées à des théologiens des deux parties, devraient commencer cet automne. Elles pourraient durer de longs mois vu les abysses qui séparent les deux rives. Si un accord était trouvé, un statut canonique ad hoc serait défini pour la Fraternité Saint Pie X. Elle serait établie de plein droit dans l'Église catholique comme l'une de ses familles spirituelles.
Signé de Benoît XVI et daté du 2 juillet 2009, le motu proprio, nom de ce décret d'application, porte en fait réforme de la commission Ecclesia Dei. Créée au lendemain du schisme lefebvriste de 1988, cette commission vaticane avait pour mission d'accueillir les disciples de Mgr Lefebvre qui auraient refusé de le suivre dans l'acte de désobéissance qu'il avait posé en ordonnant des évêques (dans la tradition chrétienne ce geste, sans retour, correspond à la création d'une nouvelle Église).
Avec ce décret, la commission Ecclesia Dei passe sous la responsabilité de la congrégation pour la Doctrine de la foi. Ce qui indique que le dossier change de nature. De «disciplinaire», la gestion d'un groupe réfractaire, il devient «doctrinal», il règle un différend théologique. Ce qui signifie aussi qu'en acceptant le dialogue Rome admet, sans y adhérer, la recevabilité des objections théologiques d'Ecône.
Volonté d'aboutir
Le responsable de la commission réformée est le président de la congrégation pour la Doctrine de la foi, l'Américain et cardinal William Joseph Levada. Il remplace ainsi le cardinal Dario Castrillon Hoyos, parti à la retraite. Mais l'homme clé est le secrétaire de cette commission. Nommé mercredi, il s'appelle Mgr Guido Pozzo. Ce proche du Pape était secrétaire adjoint de la commission théologique internationale (un club de théologiens internationaux de haut vol qui joue un rôle de laboratoire de recherche pour le Vatican). Dans une interview récente, Mgr Guido Pozzo a expliqué que «le point faible de l'Église est son identité catholique souvent pas claire». Il ajoutait : «Ce n'est pas en renonçant à sa propre identité que l'Église se mettra dans de meilleures conditions pour dialoguer avec le monde, c'est exactement le contraire.» Et concluait : «Nous avons besoin de sortir de cette illusion optimiste, quasi irénique, qui a caractérisé l'après-concile.» Benoît XVI a donc placé à ce poste stratégique un homme plutôt bien disposé à l'égard de cette frange de l'Église qui milite pour un retour à une identité catholique sans compromis. Le Pape marque, une nouvelle fois, sa volonté d'aboutir, même si les quinze cardinaux, conseillers de la congrégation pour la Doctrine de la foi, viennent de finaliser un texte - non publié - visant à cadrer les négociations avec Ecône en affirmant les positions non négociables sur le concile Vatican II.
Il est toutefois probable que les échanges théologiques avec les lefebvristes aboutiront, malgré tout. Non à un accord sur le concile, cela paraît trop difficile mais à une solution qui reconnaîtrait l'interprétation traditionaliste du concile. Benoît XVI avait prévenu. En 2005, dans son discours programme de pontificat, il annonçait qu'avec lui l'Église interpréterait dorénavant le concile non plus «en rupture» avec le passé mais «en continuité» avec… la tradition.