SOURCE - 16 juillet 2009
Au lendemain de la publication de l’encyclique sociale, Benoît XVI a annoncé des réformes de structure autour de la question des intégristes. Il veut désormais négocier avec eux sur la doctrine.
Le pape l’avait annoncé dans sa lettre aux évêques du 10 mars 2009 par laquelle il s’expliquait sur la levée des excommunications frappant les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988 : la Commission pontificale Ecclesia Dei, l’organisme du Vatican chargé des relations avec le monde catholique traditionaliste, allait être rattachée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. « Il devient clair ainsi, précisait Benoît XVI dans sa lettre, que les problèmes qui doivent être traités à présent sont de nature essentiellement doctrinale et regardent surtout l’acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des Papes. » Le motu proprio Ecclesiae Unitatem publié le 8 juillet vient confirmer cette annonce. Jusqu’ici, la Commission Ecclesia Dei opérait de façon très autonome. La catastrophe communicationnelle de l’affaire Williamson avait d’ailleurs été attribuée par certains observateurs au manque de concertation entre les principaux responsables de cette Commission et les autres organes de la Curie romaine.
Tutelle
En passant sous la tutelle de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, la Commission Ecclesia Dei perd cette autonomie, même si elle conserve un organigramme propre. Les responsables d’Ecclesia Dei changent eux aussi : Le cardinal colombien Castrillon-Hoyos qui dirigeait la Commission depuis 2000 et présentait un profil réactionnaire très marqué est remercié, tout comme son vice-président luxembourgeois, Mgr Camille Perl. C’est désormais le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal américain Levada, qui préside Ecclesia Dei. Mgr Guido Pozzo, actuel secrétaire adjoint de la Commission théologique internationale, devient quant à lui le nouveau secrétaire de la Commission Ecclesia Dei. D’un point de vue administratif, on passe donc d’un traitement pastoral (et disciplinaire) de la question traditionaliste à un encadrement doctrinal et théologique. En d’autres termes, le dialogue va désormais porter sur des questions de fond, comme le souhaitait explicitement Benoît XVI.
En tenant le cap de la thématique doctrinale, le pape évite de céder aux pressions traditionalistes visant à la création d’un statut canonique particulier pour la Fraternité Saint-Pie X avant que soient abordées ces fameuses questions de fond. Malgré la levée de l’excommunication de ses quatre évêques au début de l’année, la Fraternité demeure en effet dans une sorte de non-lieu canonique : ses prêtres peuvent bien dispenser des sacrements et célébrer la messe dans leurs chapelles, leur ministère n’est pas légitime au regard du droit de l’Église. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est inexact de parler de « réintégration » des intégristes dans l’Église. Le souci de Benoît XVI d’arriver à ce que la Fraternité Saint-Pie X revienne à la pleine communion avec l’Église se double donc bien d’une réelle vigilance sur les conditions de cet éventuel retour au bercail. Pour l’instant, les responsables intégristes continuent de jouer l’intransigeance dès qu’il est question d’accepter les grands points du Concile Vatican II. Dans un entretien accordé à La Vie (site internet), Mgr Tissier de Mallerais, une des têtes pensantes de la Fraternité, se voulait définitif : « Jamais nous ne signerons de compromis ; les discussions n’avanceront que si Rome réforme sa manière de voir et reconnaît les erreurs dans lesquelles le Concile a mené l’Église. » Dans ces conditions, on est curieux de savoir à quoi pourront ressembler les discussions doctrinales à venir, pour lesquelles une petite équipe d’une dizaine de théologiens de la Fraternité Saint-Pie X se serait déjà préparée.