La célébration de la messe, prêtre et fidèles tournés « ad orientem »
Offrir le Saint Sacrifice de la Messe en direction de l’est, c’est-à-dire du soleil levant, symbole du Christ, et jamais face au peuple, (sauf dans certaines basiliques romaines comme à Saint Pierre à Rome – mais parce que pour des raisons topographiques, l’abside est orientée à l’ouest -) était la chose la plus commune et la plus universelle dans l’Eglise catholique avant le Concile. C’est une tradition apostolique. Le cardinal Ratzinger le dit clairement dans son livre « L’esprit liturgique » – publié en 2000 et traduit en français en 2001 aux Editions « ad Solem » : ce mode « est de tradition depuis l’origine du christianisme » (p. 63). Pour justifier une façon de faire contraire, on ne peut même pas invoquer la célébration de la sainte Cène. Là, le Christ ne faisait pas face à ses Apôtres, ni ne se trouvait au centre. Il était sur la droite, tous du même côté de la table comme nous le démontre la mosaïque de la Cène de saint Appolinaire-le- Neuf à Ravenne qui date à peu près de l’an 500.
Offrir le Saint Sacrifice de la Messe en direction de l’est, c’est-à-dire du soleil levant, symbole du Christ, et jamais face au peuple, (sauf dans certaines basiliques romaines comme à Saint Pierre à Rome – mais parce que pour des raisons topographiques, l’abside est orientée à l’ouest -) était la chose la plus commune et la plus universelle dans l’Eglise catholique avant le Concile. C’est une tradition apostolique. Le cardinal Ratzinger le dit clairement dans son livre « L’esprit liturgique » – publié en 2000 et traduit en français en 2001 aux Editions « ad Solem » : ce mode « est de tradition depuis l’origine du christianisme » (p. 63). Pour justifier une façon de faire contraire, on ne peut même pas invoquer la célébration de la sainte Cène. Là, le Christ ne faisait pas face à ses Apôtres, ni ne se trouvait au centre. Il était sur la droite, tous du même côté de la table comme nous le démontre la mosaïque de la Cène de saint Appolinaire-le- Neuf à Ravenne qui date à peu près de l’an 500.
Pour prouver son jugement, le cardinal invoque la science liturgique du Père Bouyer : « L’idée qu’une célébration face au peuple ait pu être une célébration primitive, et en particulier celle de la Cène, n’a d’autre fondement qu’une conception erronée de ce que pouvait être un repas dans l’antiquité, qu’il fut chrétien ou non. Dans aucun repas du début de l’ère chrétienne, le président d’une assemblée de convives ne faisait face aux autres participants. Ils étaient tous assis ou allongés sur le côté convexe d’une table en forme de sigma, ou d’une table qui avait en gros la forme d’un fer à cheval. L’autre côté était toujours laissé libre pour le service. Donc nulle part, dans l’antiquité chrétienne, n’aurait pu survenir l’idée de se mettre « face au peuple » pour présider un repas. Le caractère communautaire du repas était accentué bien plutôt par la disposition contraire: le fait que tous les participants se trouvaient du même côté de la table » (p. 49-50).
Le Cardinal reconnaît que l’on a malheureusement perdu, en Occident, le sens symbolique de cette orientation « ad orientem », l’Orient étant le symbole de la lumière se levant, symbole du Christ, Lumière du monde. Les expressions populaires le laissent clairement entendre. « Comment comprendre autrement – cette perte de sens – lorsque l’on parle de « célébration vers le mur » ou de « tourner le dos au peuple » pour désigner l’orientation commune de la prière du prêtre et du peuple telle que la Tradition nous l’a transmise ? » (p. 67). C’est pourquoi, semble-t-il, cette mode de célébrer la messe « versus populum » et non plus « ad orientem » s’est imposée si facilement dans l’Eglise après le Concile Vatican II. Et c’est pourquoi on disposa partout de nouveaux autels, tant et si bien que l’orientation de la célébration « versus populum » a pu paraître être la conséquence du renouveau liturgique voulu par le Concile Vatican II. Mais ce dernier ne mentionne même pas dans sa Constitution « Sacro Sanctum Concilium » de « se tourner vers le peuple ».
Or cette orientation nouvelle est lourde de conséquences théologiques, nous dit le cardinal Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, qui a maintenant la « garde obligée de la foi ».
A- Cette nouvelle orientation implique d’abord, dit-il, une conception nouvelle de l’essence liturgique, celle de la célébration d’un repas en commun.
Il écrit : « En fait l’orientation « versus populum » est l’effet le plus visible d’une transformation qui ne touche pas seulement l’aménagement extérieur de l’espace liturgique, mais implique une conception nouvelle de l’essence de la liturgie : la célébration d’un repas en commun » (p 65) alors que la messe est d’abord essentiellement un sacrifice, le sacrifice du Christ. C’est sa première critique. Il dit encore : «Il n’y a pas d’autre explication au fait que le repas – de surcroît le repas conçu en termes modernes – soit devenu l’idée normative de la célébration liturgique chrétienne » (p. 67).
Cette critique est très grave. Qu’on mesure bien le mot : l’idée de repas est devenue «l’idée normative de la célébration liturgique chrétienne ».
Mgr Gamber l’avait déjà exprimée dans son livre « Tournés vers le Seigneur ». Dans son avant propos, il écrivait : « A la base de cette nouvelle position (du prêtre par rapport à l’autel c’est-à-dire face au peuple et la célébration orientée vers ce dernier) – et il s’agit ici sans nul doute d’une innovation et non d’un retour à une pratique de l’Eglise primitive – il y a une conception nouvelle de la messe : celle qui en fait une « communauté de repas eucharistique ». Ce qui primait jusqu’ici, la vénération cultuelle et l’adoration de Dieu, ainsi que le caractère sacrificiel de la célébration considérée comme représentation mystique et actualisation de la mort et de la résurrection du Seigneur, passe au second plan. De même, la relation entre le sacrifice du Christ et notre sacrifice de pain et de vin n’apparaît plus qu’à peine » (p. 4)
B- De plus cette orientation « versus populum » – c’est la deuxième critique du cardinal- a permis que se développe une « cléricalisation » comme jamais il n’en a existé auparavant.
« Le prêtre ou plutôt « l’animateur liturgique », comme on préfère l’appeler maintenant, est devenu, écrit-il, le véritable point de référence de la célébration liturgique. Tout se rapporte à lui. Il faut le regarder, suivre ses gestes, lui répondre ; c’est sa personnalité qui porte toute l’action. Pour encadrer ce « one man show », on a confié à des « équipes liturgiques » l’organisation « créative de la liturgie ; on a ainsi distribué des fonctions liturgiques à des laïcs dont le désir et le rôle sont souvent de se faire valoir eux-mêmes. Dieu, cela va sans dire, est de plus en plus absent de la scène. L’important c’est d’être ensemble, de faire quelque chose qui échappe à un « schéma préétabli » (p. 67-68).
C- Le futur pape Ratzinger fait encore une autre remarque des plus importantes – c’est la troisième remarque particulièrement critique : cette nouvelle orientation de la célébration « versus populum » a fait de l’assemblée priante « une communauté fermée sur elle-même ». « Celle-ci n’est plus ouverte ni sur le monde à venir, ni vers le Ciel…Un cercle fermé n’est donc pas une forme capable de traduire l’élan commun qui s’exprime dans une même direction de prière » (p. 68-69), ce que permet la célébration de la messe, le prêtre et les fidèles tournés « ad orientem ».
D- Ainsi cette nouvelle orientation de la prières et de la célébration à l’autel face au peuple a pour conséquence de « changer l’essence de la liturgie chrétienne » (p. 70). En effet « la prière vers l’orient…exprim(ait) la spécificité de la synthèse chrétienne qui intègre cosmos et histoire, passé et monde à venir dans la célébration du mystère du salut. Dans la prière vers l’Orient nous exprimons donc notre fidélité au don reçu dans l’Incarnation et l’élan de notre marche vers le second avènement ».
E- Pour le pape « l’important (dans la liturgie) n’est pas de regarder le prêtre mais de tourner un regard commun vers le Seigneur » (p69). « Cette orientation vers l’ « est » pendant le canon est essentielle. Il ne s’agit pas d’un élément accidentel de la liturgie…Il n’est plus question ici de dialogue mais d’une commune adoration, de notre marche vers Celui qui vient » (p. 69).
Voilà l’essence de la liturgie chrétienne. Voilà ce qu’il faut « redécouvrir ». Le mot est du Cardinal. Voilà ce qu’il est urgent de faire. Voilà pourquoi il préfaça en particulier le livre de Mgr Ganber « Tournés vers le Seigneur » publié aux Editions sainte Marie Madeleine du Barroux, en 1993. Là il écrit : « L’orientation de la prière commune aux prêtres et aux fidèles était conçue comme un regard tourné vers le Seigneur, vers le soleil véritable. Il y a dans la liturgie une anticipation de son retour ; prêtres et fidèles vont à sa rencontre. Cette orientation de la prière exprime le caractère théocentrique de la liturgie ; elle obéit à la monition : Tournons nous vers le Seigneur ! »
Pour toutes ses raisons qui touchent à l’essence même de la liturgie, – c’est en dire l’importance – on comprend que le cardinal ait exprimé souvent et clairement son désir de voir la liturgie latine et romaine revenir à cette coutume « immémoriale » de l’orientation de la prière commune prêtres et fidèles « ad orientem».
C’est ainsi, de fait, qu’il termine sa préface du livre de Mgr Gamber : « Cet appel s’adresse à nous tous, et montre, au-delà même de son aspect liturgique, comment il faut que toute l’Eglise vive et agisse pour correspondre à la mission du Seigneur ».
F- La « réforme de la Réforme ».
Aussi faut-il s’attendre à ce que, dans les documents qui vont prochainement être publiés par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements sur « la réforme de la Réforme » liturgique, nous ayons des prescriptions concernant l’orientation de l’autel dans nos églises. Et là où cela sera possible, l’ordre sera donné, n’en doutons pas, de retirer ces autels face au peuple – « monstrueux » à tous points de vue, tant esthétique que liturgique – et de retrouver l’autel « majeur » et de célébrer de nouveau le sacrifice « ad orientem ». Mais là où cela ne sera pas possible en raison des bouleversements intervenus dans l’Eglise suite au « renouveau conciliaire », nous reverrons tout de même les crucifies et les chandeliers sur l’autel. C’est ce que nous avons vu lors de la messe célébrée sur la place des Invalides par le pape Benoît XVI lors de sa venue en France. Et c’était très heureux. L’autel n’était plus une « table nue », celle du repas, – celle sur laquelle célèbrent encore tous nos évêques -, mais elle était bien un autel, le crucifie lui redonnant son sens, son sens sacrificiel. N’oublions pas qu’un autel se réfère toujours à un sacrifice offert par un prêtre.
C’est aussi la solution qu’exprimait déjà le cardinal Ratzinger dans son livre que nous analysons : « L’esprit de la liturgie ». Il répond à une objection, la plus importante pour lui. Elle est d’ordre pratique : « Faut-il à nouveau tout changer, tout réarranger, alors que rien n’est plus dommageable à la liturgie que cet activisme constant, même s’il a pour but une rénovation authentique ? ».
Voici sa solution : « Je vois pour ma part une solution qui m’a été suggérée par les travaux d’Erik Peterson. L’orientation vers l’est, nous l’avons vu, fut mise en rapport avec le « signe du Fils de l’homme », la Croix, qui annonce la seconde venue du Seigneur. L’ « est » fut ainsi relié très tôt avec le signe de la Croix. Là où l’orientation commune vers l’ « est » n’est pas possible, la Croix pourrait servir d’ « est intérieur ». Elle devrait se trouver au milieu de l’autel et représenter le point focal commun pour le prêtre et les fidèles en prières. Nous obéissons ainsi à l’antique injonction qui inaugurait la liturgie eucharistique : « Conversi ad Dominum » – « Tournez vers le Seigneur ». Ainsi nous regarderions ensemble vers Celui dont la mort a déchiré le rideau du Temple, Celui qui pour nous se tient devant le Père, et nous prend dans ses bras pour faire de nous le nouveau Temple vivant. Je compte, parmi les manifestations les plus absurdes des dernières décennies d’avoir mis la croix de côté pour libérer la vue sur le prêtre. La croix est-elle gênante pendant la messe ? Le prêtre est-il plus important que le Seigneur ? On devrait remédier à cela le plus vite possible, cela ne requiert d’ailleurs aucune nouvelle transformation. Le Seigneur est le point de référence. Il est le Soleil levant de l’histoire. C’est pourquoi il pourrait s’agir aussi bien de la Croix de la Passion, signe du Seigneur souffrant, au flanc transpercé d’où s’écoulent pour nous le sang et l’eau – l’eucharistie et le baptême – , comme de la Croix glorieuse qui, évoquant le retour du Christ, dirige notre regard vers Lui. Car c’est toujours le même et unique Seigneur : le Christ hier, aujourd’hui et à jamais » (HE 13 8) » (p.71).
Mais les évêques n’ont pas du prendre encore le temps de lire ce beau passage ?
Le pape Benoît XVI pourtant tient à cette idée. Il la reprenait dans son discours conclusif du colloque qui s’est tenu à Fongombault, les 22-24 juillet 2001 : « Le troisième problème est la célébration versus populum. Comme je l’ai écrit dans mes livres, je pense que la célébration vers l’orient, vers le Christ qui Vient, est une tradition apostolique. Cependant je suis contre la révolution permanente dans les églises ; on a restructuré maintenant tant d’églises, que recommencer de nouveau en ce moment ne me semble pas du tout opportun. Mais s’il y avait toujours sur les autels une croix , une croix bien en vue, comme point de référence pour tous, pour le prêtre et pour les fidèles, nous aurions notre orient, parce que finalement le Crucifié est l’orient chrétien ; et, sans violence, on pourrait, me semble-t-il, faire ceci : donner comme point de référence le Crucifié, la Croix, et ainsi une nouvelle orientation à la liturgie. Je pense que ce n’est pas une chose purement extérieure : si la liturgie se réalise en un cercle clos, s’il y a seulement le dialogue prêtre-peuple, c’est une fausse cléricalisation et l’absence d’un chemin commun vers le Seigneur vers lequel nous nous tournons tous. Donc avoir le Seigneur comme point de référence pour tous, le prêtre et les fidèles, me semble une chose importante et tout à fait faisable et réalisable ». (p. 181)
Les temps changent ! Il faut aider le pape à initier sa « réforme de la Réforme » et la lancer enfin dans le monde catholique. La crise de l’Eglise est venue par la liturgie. Elle prendra fin par la « redécouverte de l’essence de la liturgie chrétienne » (p. 70). La célébration de la messe « ad orientem » en est un des éléments constitutifs.
C’est pourquoi nous étudierons prochainement les raisons liturgiques et historiques qui justifient cette orientation. Mgr Gamber nous les donne dans son livre « Tounés vers le Seigneur ».