Les évêques à Lourdes : sortir de la suspicion |
10 novembre 2006 - Gérard Leclerc - Éditorial de France Catholique n°3046 |
Un des avantages du journaliste présent à Lourdes, pour les travaux de l’Assemblée des évêques de France, consiste dans la proximité amicale des pasteurs de notre Église. Pour qui ne serait pas habitué à de tels contacts, ce serait l’heureuse découverte d’hommes cordiaux et directs, dont la franchise — contrairement à une réputation encore établie — défie les langues de bois et autres doubles langages. Cela dit, sans aucune flagornerie. Toute la presse est pleine de rumeurs sur un désaccord — une brouille même — entre notre épiscopat et Rome ? Les évêques, ici, s’en expliquent, sans forcément vous confier des secrets, mais en abattant toutes les cartes. Nous avons pu, nous-mêmes, obtenir du cardinal Ricard des précisions factuelles — sur les négociations entreprises avec les groupes traditionalistes — qui permettent de mieux comprendre des difficultés réelles. Sûrement pas aussi grandes qu’on l’affirme ici ou là, mais assez sérieuses pour qu’on prenne le temps de revenir sur les développements historiques, les évolutions récentes et la nature exacte des malentendus ou même des désaccords. Oui, il y a une réelle tension dans l’Église de France en ce moment, à propos du dossier des traditionalistes. Autant la plupart sont disposés à un dialogue et à un accueil, autant une arrogance, et parfois une violence dans les paroles publiques — sur les sites internet notamment — sont mal reçues. Une réconciliation suppose une volonté réciproque de s’entendre et de vivre la communion ecclésiale. Donner l’impression de réinvestir la maison avec une mentalité de vainqueurs n’est pas acceptable. L’obstination à refuser le contenu de textes aussi importants que Nostra Aetate et la déclaration sur la liberté religieuse sont considérés par les évêques comme des obstacles radicaux à une réconciliation. Ne pas admettre la liberté religieuse, c’est non seulement nier l’exigence de lois positives dans ce domaine mais, plus encore, méconnaître la liberté de conscience qui fonde la liberté de l’acte de foi. On retrouve ainsi une des principales querelles qui avait agité l’opinion au moment du concile et qui détermina pour une part importante l’attitude d’opposition de Mgr Marcel Lefebvre. Il n’est pas interdit de reprendre la question, comme ont su le faire les religieux dominicains de Chéméré-le-Roi qui, après une longue contestation, quasi-schismatique, ont reconnu le bien-fondé de la déclaration conciliaire et ont demandé pardon de leur incompréhension. Mais on doit se demander aussi dans quelle mesure des blocages psychologiques et idéologiques n’interviennent pas dans beaucoup de cas pour empêcher un échange réciproque qui permettrait de mieux cerner l’enseignement de Vatican II. Si l’Église s’est faite conversation, ainsi que le désirait ardemment Paul VI, on ne voit pas pourquoi elle refuserait un dialogue sérieux avec ses enfants “en délicatesse” avec elle. C’est en tout cas dans cet esprit que nous avons accepté de participer, à l’invitation de l’abbé de Tanouärn, à une réunion d’explication réciproque qui doit bientôt se tenir à la salle de la Mutualité à Paris. Des laïcs, qui comme Jean-Pierre Denis, directeur de La Vie et nous-mêmes, parleront sans mandat et n’engageront que leur seule responsabilité. Est-ce pécher par excès d’optimisme que penser que ce type d’initiatives peut rendre service à la cause de l’unité? Toujours est-il que l’Assemblée de Lourdes aura donné à beaucoup d’entre nous le sentiment que nous étions encouragés à sortir d’un climat néfaste de suspicion pour progresser ensemble dans la communion et la vérité. |