Un geste historique et somme toute logique dans la stratégie adoptée depuis le début de son pontificat par Benoît XVI : la décision du pape de lever le décret d'excommunication des quatre évêques lefebvristes, révélée jeudi 22 janvier par le quotidien italien, Il Giornale, signera, côté Vatican, la fin d'un schisme vieux de vingt ans au sein de l'Eglise catholique. L'information n'a suscité aucun commentaire du Vatican, mais cet acte symbolique, susceptible de raviver de déchirants débats entre catholiques, pourrait être confirmé vendredi ou samedi. La crise remonte à 1988, lorsque Mgr Marcel Lefebvre contestataire historique du concile de Vatican II (1962-1965), avait ordonné quatre évêques, un acte réservé au pape. Jean Paul II avait immédiatement réagi en les excommuniant. Vingt ans plus tard, toujours en marge de l'Eglise, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X de Mgr Lefebvre, compte 480 prêtres à travers le monde, dont 130 en France.
Attachés à la "tradition", ils célèbrent la messe en latin. Convaincus que la crise de l'Eglise relève d'une "crise doctrinale", ils contestent les orientations conciliaires sur la liberté religieuse et l'œcuménisme. Lors des discussions menées depuis plusieurs années avec le Vatican pour leur réintégration, les intégristes posaient comme préalable à tout dialogue "de fond", la possibilité élargie de célébrer selon la liturgie traditionnelle et la levée de l'excommunication.
Benoît XVI, qui a fait de l'unité entre catholiques une priorité, avait déjà accédé à l'une de leurs requêtes en publiant en juillet 2007 le motu proprio, qui libéralise la messe en latin. La levée de l'excommunication pourrait être considérée comme une nouvelle concession au mouvement intégriste, alors qu'il est lui-même traversé de courants diversement prêts à réintégrer le giron de l'Eglise.
"En levant ces deux obstacles, le pape agit de manière unilatérale et magnanime, et met les intégristes au pied du mur. Mais il n'est pas certain qu'eux fassent le chemin vers l'Eglise", commente un évêque. "Cette annonce sera une grande joie pour la Fraternité et une victoire pour l'Eglise, qui retrouve ainsi certaines vérités", nous a indiqué l'abbé Grégoire Celier, l'un des responsables de l'organisation en France, qui se réjouit aussi "des bagarres intellectuelles et théologiques à venir". S'ils n'en font pas un troisième "préalable", les lefebvristes espèrent désormais obtenir un statut juridique particulier au sein de l'Eglise.
L'information d'Il Giornale coïncide avec la diffusion, jeudi, en Suède, de propos négationnistes tenus par l'un des évêques concernés, Mgr Richard Williamson. Il y déclare notamment : "Je crois qu'il n'y a pas eu de chambres à gaz. Je pense que 200 000 à 300 000 juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz".
Stéphanie Le Bars |