SOURCE - Abbé Régis de Cacqueray - La Porte Latine - 8 décembre 2013
A quoi ou à qui se raccroche
notre espérance ? Chaque fois que nous apprenons de nouvelles progressions du
péché et qu’elles menacent de nous accabler, nous nous disons qu’une telle
décadence ne pourra pas toujours continuer, que le moment tant attendu du
redressement finira bien par se montrer. Nous nous souvenons que Dieu veille
sur nous et qu’il ne permettra pas que la folie des hommes dépasse des bornes
fixées par Lui de toute éternité. Ces temps d’épreuve pourront même être
abrégés par nos prières. Finalement, nous nous armons de patience car nous
croyons que l’avancement du mal moral connaîtra son terme : lorsqu’il aura
été atteint, il ne nous restera plus qu’à remonter courageusement la pente…
Et en attendant, nous devons prendre la bonne habitude de tirer du
spectacle même de cette déchéance, dont la vitesse est toujours croissante, un
motif supplémentaire d’accroître notre espérance : n’est-ce pas là en
effet le signe que l’on va bientôt « toucher le fond »?
Mais à quoi et à qui se
raccroche encore notre espérance ? Nous le savons, Dieu est tout-puissant et
nullement indifférent à nos malheurs. Nous sommes certains que sa grâce ne nous
manquera jamais car il veut nous sanctifier et nous sauver. En même temps, nous
voyons que tant d’efforts de tant de valeureux catholiques qui nous ont
précédés n’ont pas empêché la déchéance actuelle. Alors, nous vivons aussi de
l’espérance de la venue, parmi nous, de quelque âme sainte qui nous tirera
d’affaire. L’homme providentiel, la divine surprise, le grand monarque, le
saint pape, voilà ce à quoi s’attache parfois l’esprit des catholiques.
Nous voudrions faire le point
sur ces deux appuis de l’espoir avant de rappeler quelques vérités qui balisent
notre vie et précisent notre espérance. Acceptons de laisser de côté les
impressions superficielles et trompeuses dont nos esprits sont peut-être
encombrés. Il ne s’agit vraiment pas d’évoquer ici l’inclination naturelle des
caractères des uns et des autres vers l’optimisme ou vers le pessimisme, mais
de déterminer les motifs bons et sûrs dont nos cœurs doivent nourrir leur
espérance.
L’insurrection agréée comme dogme unique et
comme seul système moral et politique
Assurément, c’est le tableau
de la décomposition de nos sociétés et de leur pourrissement qui nous amène à
ces interrogations sur la profondeur du mal : « Sommes-nous sûrs
qu’il existe un fond du mal ? Qu’à un moment donné, il deviendra
impossible de tomber plus bas et que la chute vertigineuse actuellement en
cours prendra fin? »: Le psalmiste ne semble-t-il pas dire au
contraire que « L’abîme appelle l’abîme »(1), c’est-à-dire que le mal convoie le mal
et en provoque des poussées toujours plus violentes ? N’est-ce pas cette
frénésie inlassable du mal que nous voyons effectivement à l’œuvre sur la
terre ? L’aveuglement de l’homme est devenu tel que plus rien ne semble
désormais capable d’arrêter ses appétits de péché. Aussi, nos efforts, nos
sacrifices, nos reconstructions et nos prières feront-ils jamais autre chose
que freiner cette machine infernale qui semble destinée à emporter,
inexorablement, les hommes et les sociétés vers la mort et vers
l’anéantissement ?
Mais que nous disent la raison
et la foi tout ensemble? Que les hommes et les sociétés se portent mieux s’ils
se soumettent aux lois divines. Voilà le moyen infaillible d’obtenir le maximum
de bonheur possible ici-bas et d’espérer une félicité pleine et définitive
dans l’éternité. En sens inverse, les hommes se corrompent et les sociétés
se distendent, se dissolvent, s’ils s’éloignent de Dieu et se révoltent
contre lui. Ces propositions apparaissaient comme des lieux communs et des
évidences à presque tous les hommes avant la promotion violente de
l’agnosticisme et de l’athéisme sur la terre. Qu’elles ne soient plus des
lapalissades témoigne du degré d’aveuglement et de malice où se trouve
descendue l’humanité.
Or notre époque, assez sotte
pour se croire supérieure à celles qui l’ont précédée, a érigé et choisi comme
socle le principe même de la révolte, de la révolte consciente contre Dieu et
contre l’ordre immuable des êtres et des essences. La révolution fait table
rase du passé et de ses traditions au motif que les siècles qui l’ont précédée
ne récusaient pas l’existence des lois intangibles. Certes, les crimes et les
transgressions ne manquèrent pas, même à ces époques. Cependant, ceux qui les
commettaient n’en étaient pas fiers. Ou, s’ils osaient l’être, ils
n’attendaient cependant pas de la justice la glorification de leurs fautes. En
bref, les hommes, au moins les catholiques, se comprenaient entre eux quand ils
parlaient du bien et du mal : la contestation sur de tels sujets n’existait pas
parmi eux. S’il existait des chicaneurs, ils étaient sévèrement rappelés à
l’ordre.
Mais il en va tout autrement,
aujourd’hui, avec l’avènement de la révolution. Elle est, par essence, l’insurrection, l’insurrection agréée comme dogme
unique et comme seul système moral et politique désormais valable sur cette
terre. Elle est le renversement de tous les principes et le
bouleversement perpétuel des hommes et des sociétés. A l’intérieur même de ce
microcosme qu’est l’être humain comme dans les différentes sociétés auxquelles
il appartient, elle agit comme une tornade qui défait tout ce qui a le malheur
d’exister. Il est de sa nature de détruire, de démolir jusqu’à ce qu’il ne
reste plus rien. Elle ne trouvera son repos que lorsque tout aura volé en
éclats.
C’est sans doute l’ignorance
de ce caractère satanique de la révolution dont nos esprits souffrent surtout.
Nous avions pensé, selon l’idée que nous nous étions faite de l’histoire
moderne, que la révolution ne mettait à bas un régime et des principes que pour
leur en substituer d’autres. Nous n’avions pas compris que la révolution
aboutissait au néant et qu’elle voulait tout simplement le mettre à la place de
ce qui existait auparavant. Nous pensions qu’elle recherchait autre chose, un
ordre nouveau, non plus l’ordre imposé par Dieu, mais un système fabriqué par
l’homme. Chose suffisamment mauvaise pour que nous nous y opposions de toutes
nos forces.
Mais en réalité, il importe
fort d’avoir levé le masque de la révolution et d’avoir découvert son véritable
visage. Il faut que nous comprenions qu’aucun autre ordre durable ne pourra
jamais être substitué à l’ordre divin, que les lois de la nature humaine sont
inviolables et que la prétention d’y porter la main est une tentative
prométhéenne vouée à l’échec. Comment l’homme s’arrogerait-il un pouvoir sur
une nature humaine qu’il n’a pas créée et dont l’essence mystérieuse le dépasse
par tous les bouts ? Se détacher de cet ordre, vouloir soumettre l’homme à des
principes nouveaux, changer la nature humaine pour promouvoir une humanité
nouvelle, cela n’est qu’illusion et mensonge. Ceux qui s’y acharnent parviendront
peut-être à tout détruire de l’ordre qui existait. Mais s’ils y réussissent,
c’est qu’il n’y aura dès lors plus de vie sur la terre.
Lorsque la révolution s’occupe
de renverser les trônes et d’abattre les autels, de détruire les traditions et de
ruiner le décalogue, de déboiser les sociétés de leurs corps intermédiaires et
de détricoter les familles, de réduire l’homme à naître orphelin, à vivre
célibataire et à mourir sans descendance, elle sait parfaitement où elle va et
jusqu’où elle veut aller. Ce n’est que pour un temps qu’elle fabrique des
chimères et des ersatz de familles, d’hommes et de sociétés, histoire ne de pas
trop nous effrayer. Elle se garde bien d’avouer au grand jour son nihilisme et
ses volontés homicides mais c’est pourtant bien à l’abattoir qu’elle nous
amène. Elle aura achevé sa besogne lorsqu’elle aura charrié l’humanité jusqu’au
néant.
« N’êtes-vous pas en
train de parler de la révolution comme si elle était une personne ? »
Il est vrai. Mais cette prosopopée est légitime. En effet, si un être ne se
connaît jamais autrement que par son agir, c’est vers Lucifer que la rage
révolutionnaire nous oblige à remonter pour expliquer la révolution, vers celui
qui s’est écrié devant la face de Dieu, avant de rouler pour toujours dans les
abîmes : «Je ne servirai pas ! »(2). Tel est le cri de guerre de la
révolution !
Nous assistons à cette course
effrénée vers la mort de nos contemporains et de nos sociétés modernes. Les
faits qui se succèdent en sont autant d’illustrations. Si nous demeurons
d’abord dans l’ordre naturel, nous constatons que c’est bien la seule mort qui
est partout promue. Et, comme la famille est le sanctuaire naturel et
indispensable de la vie humaine, c’est elle qui est également la cible de
choix. Elle a été violée par la loi sur le divorce jusqu’au plus intime
d’elle-même et elle ne pourra se relever de son mal que par l’abrogation de
cette disposition juridique qui a partout semé le désordre, l’infidélité et la
stérilité.
La déclinaison de ces lois de
mort qui ont suivi l’admission du divorce ne doit pas nous surprendre. La
famille, ébranlée jusque dans son principe, est devenue comme une coque fêlée,
elle qui aurait tant besoin d’être forte ! Elle se révèle inapte à accueillir
des enfants dont la présence demande aux parents tant d’abnégation et d’amour.
C’est pourquoi les lois infanticides se sont multipliées à une cadence d’enfer.
La promotion des mesures anticonceptionnelles, l’avortement et son
remboursement… Peu importe que des femmes, par centaines de millions à travers
le monde, avouent autour d’elles que le fer et la mort portés contre le fruit
de leurs entrailles leur causent un tourment lancinant, véritable œil de Caïn
qui hante le restant de leur existence fanée. Non, il faut laisser accroire aux
hommes que le crime contre l’enfant à naître, que le passage de l’aspirateur
dans le sein maternel reste une victoire sur l’obscurantisme des siècles
passés. Quelle honte!
La mort progresse et triomphe.
Les parents se débarrassent de leurs enfants anormaux ou de ceux qui
pourraient l’être, au dire de médecins pleutres et craintifs. Le nouveau crime
qui leur sera reproché sera non plus celui d’avoir décidé de tuer les enfants à
naître mais précisément de ne pas les avoir tués, d’en avoir laissé passer un
qui était peut-être trisomique…
Mais la nausée nous prend
encore plus profondément à l’étape suivante, celle que vient de franchir la
société française. Ce n’était donc pas fini… Il s’est désormais agi de devoir
convaincre tout un peuple que la sodomie, justement honnie à travers les
siècles, était une pratique méconnue de l’amour, injustement méprisée et
condamnée. Dans notre naïveté, nous ne pensions pas que le péché de Sodome
pourrait un jour être placé sur le pavois, inscrit dans les codes des lois
humaines. Comment est-il possible de s’être aveuglé jusqu’à ce point ? Comment
ne pas mourir de honte d’avoir osé voter et inscrire une telle turpitude dans
le marbre ? Si le monde continue et si la France survit, notre génération sera
montrée du doigt pour avoir scellé l’infamie.
C’est une évidence à peine
utile à formuler : lorsque les hommes en arrivent à s’accoupler entre eux
et les femmes entre elles, ces accouplements sont voués à la stérilité. Et nous
avons pourtant été les témoins de la ténacité de leurs séides à revendiquer
le mariage. C’est ainsi que cette parodie a été scandaleusement promue et
mise sur un pied d’égalité avec le seul mariage valable, celui qui est fait
pour accueillir la vie. Et l’on confie désormais des enfants à ces
couples ? Mais où s’arrêtera la perversité ? Combien de temps se
moquera-t-on de Dieu, des hommes et des enfants des hommes ? Tout le monde
sait pourtant bien, au plus profond de sa conscience et de ses entrailles
d’être humain, que l’enfant ne pourra jamais s’épanouir ailleurs que dans le
terreau naturel de la tendresse d’une mère et de l’affection d’un père.
Gare à ceux qui auront survécu
à l’avortement et à l’eugénisme! Car si l’avortement filtre le premier
bout de la vie et laisse passer quelques rescapés, l’euthanasie et le suicide
assisté veillent sur le restant de l’existence de tous les adultes, vieillards
ou adolescents : « Voyez jusqu’où va ma liberté : non
seulement je puis me débarrasser de mes enfants mais je me prouve que je
suis libre en me donnant la mort ! ». Le suicide, voilà
l’accomplissement et l’apanage suprême de la liberté, le nec plus ultra de
la modernité ! Saluons l’ère de la liberté : voici l’homme enfin
affranchi, en route vers un monde meilleur et le meilleur des mondes…
Que la révolution soit donc
considérée dans son principe ou dans ses effets, nous disons qu’elle mène à la
mort et qu’elle y parviendra fatalement si l’homme n’en revient pas et si Dieu
n’intervient pas pour en arrêter le cours. Du fond du mal, on ne remonte plus
pour la simple raison que le mal abandonné à sa logique ne s’arrête que
lorsqu’il a détruit tout ce qui peut l’être.
Mais si le fond du mal est
donc la mort dont on ne revient pas, ne pouvons-nous du moins espérer dans une
intervention divine qui nous sortira de cette très mauvaise passe ? Nous
aurions bien tort de jouer les incrédules quant à cette éventualité. Les
exemples de personnages providentiels abondent dans l’histoire du peuple élu.
Nous ne pouvons tous les citer. Nous trouvons en particulier d’admirables
héroïnes, des figures féminines armées d’un courage magnanime pour la défense
et la préservation de leur race. Comment ne pas exprimer notre admiration pour
des modèles tels que ceux de Judith ou d’Esther? D’humbles femmes ont suffi
pour sortir leur peuple de situations désespérées. Que ne peut le Bon Dieu s’il
le veut?
C’est d’ailleurs en plein cœur
de notre propre histoire nationale que se trouve notre sainte Jeanne d’Arc.
Elle incarne notre espérance plus qu’aucun autre saint. Dieu a suffisamment
aimé la France pour vouloir s’insérer à ce point dans la trame de son histoire,
et la conserver au rang des nations jusqu’à se mêler de régler lui-même nos
différends avec nos voisins. Quelle autre patrie terrestre possède dans son
héritage une telle marque de la prédilection divine? Et, pour nous mettre à
l’école de saint Paul, s’il faut glorifier notre pays, quel autre le
concurrence pour le nombre des apparitions dont la très sainte Vierge Marie l’a
gratifié?
Assurément, elle est possible
cette intervention divine qui renverse, dans le cours de l’histoire, comme en
s’en jouant, les plans des hommes. Non seulement nous ne pouvons l’exclure mais
nous pouvons la demander à Dieu, à ses anges et à ses saints car il attend nos
prières pour nous envoyer peut-être bientôt l’une des ces âmes lumineuses qui
retournera la situation.
Du vicaire savoyard au Vicaire du Christ : le
pape François, comme tous ses prédécesseurs depuis le Concile, est un
révolutionnaire.
Si nous le désirons pour notre
patrie charnelle, nous l’espérons a fortiori pour la sainte Eglise. Toujours,
Dieu a envoyé des saints, à des moments particulièrement dramatiques de son
histoire, pour qu’elle continue sa mission de salut. Si les hommes vertueux de
la terre n’abandonnent jamais leur épouse, lui demeurent fidèles et lui donnent
des enfants, à bien plus forte raison l’époux divin ne délaissera pas la divine
société qu’il a fondée et la conservera féconde, sans tache ni ride, jusque
dans l’éternité bienheureuse. N’avons-nous pas vu nous-mêmes de quelle façon le
Seigneur Jésus-Christ, en cette époque où les chaires de vérité étaient
investies par les pasteurs du mensonge, a suscité son serviteur fidèle, monseigneur Marcel Lefebvre, pour que le dépôt de la Foi soit toujours
transmis ? Nous croyons que nous pourrons toujours compter sur la divine
Providence pour nous envoyer des hommes tirés de la droite de Dieu, des guides
et des phares qui nous garderont dans la vérité de la Foi Catholique.
Mais en même temps, nous ne
savons pas jusqu’où Dieu permettra que la partie humaine de l’Eglise se trouve
endommagée et engloutie par la fureur de l’hérésie. Nous avions successivement
vu tomber sous les coups des démolisseurs le dogme et la liturgie, le code et
le catéchisme. Seules les conclusions de la morale catholique avaient jusqu’ici
à peu près subsisté dans le langage pontifical. Si le monde rugissait encore
contre l’Eglise, c’était justement parce qu’elle tenait encore une part de la morale.
Mais au fait, pourquoi, depuis quelques mois, le monde ne gronde-il plus contre
l’Eglise ? Que signifie ce répit ?
Parce que, en peu de temps, le
nouveau pape François a ébranlé très gravement ce qui pouvait rester de la
morale catholique par des propos relativistes incroyables. Là où le concile
Vatican II avait déjà exalté le rôle de la conscience humaine aux dépens de la
loi, l’actuel vicaire du Christ, avec des accents qui semblent tirés de « La
profession de foi du vicaire savoyard » en arrive à la
diviniser. Jean-Jacques Rousseau avait écrit : « Conscience !
Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide
assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre; juge infaillible
du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais
l’excellence de sa nature et la moralité de ses actes…» (3) et le pape François nous renvoie le
même écho : « Tout être humain possède sa propre vision du bien, mais aussi du mal. Notre tâche est de l'inciter à suivre la voie tracée par ce qu'il estime être le bien... Et je suis prêt à le répéter. Chacun a sa propre conception
du bien et du mal et chacun doit choisir le bien et le mal selon l’idée qu’il
s’en fait. Il suffirait de cela pour vivre dans un monde meilleur. » (4)
S’il est vrai que ces propos
particulièrement indignes ont été, plus d’un mois après leur parution, retirés du site du Vatican, le père Federico Lombardi, porte-parole du
Vatican, a pris le soin de nous préciser que l’entretien dont ces citations
sont extraites était cependant « digne de foi dans son sens général » (5)… Cette pensée du nouveau pape nous est
d’ailleurs confirmée dans son exhortation apostolique : « Evangelii Gaudium » du 24 novembre 2013 où il nous exprime sa
perspective fondamentalement évolutionniste de la vérité et des formules pour
la dire : « Il ne faut pas penser que l’annonce évangélique doive
se transmettre toujours par des formules déterminées et figées, ou avec des
paroles précises qui expriment un contenu absolument invariable. » (6) Le pape parle ici avec à peine plus de
retenue, non plus du bien et du mal, mais du vrai et du faux. Si le contenu de
l’annonce évangélique n’est pas invariable, c’est que le dogme catholique est
susceptible d’évolution à travers le temps. Rien ne demeure et ce qui était
vrai hier ne le sera plus demain. C’est au tempo du sentiment religieux
qu’évolue la religion.
Nous pensions que nous ne
pourrions voir de spectacle plus lamentable, à Rome, que celui des pontificats
de ces derniers papes, de ceux de Jean XXIIII et de Jean Paul II par exemple.
Mais le pire est devant nous puisque leurs « canonisations » sont désormais annoncées. Or, si c’est déjà un scandale inouï que les papes se
fassent les propagateurs de l’erreur et de l’indifférentisme, il est encore
infiniment plus grave de les présenter désormais comme des héros de la vérité
et de l’Evangile, comme des modèles et des saints que l’on peut prier dans le
Ciel où ces « canonisations » nous garantiraient leur présence !
C’est là le triomphe de l’évolutionnisme de la pensée et du modernisme que nous
rejetons de toutes nos forces !
Le pape François, comme tous ses prédécesseurs depuis le Concile, est un
révolutionnaire. Il se trouve en rupture avec la Tradition immuable de
l’Eglise et il enseigne à sa place une doctrine nouvelle qui empoisonne les
âmes.
Au fur et à mesure que
la doctrine s’obscurcit davantage, nous repensons aux promesses laissées par
Notre-Seigneur Jésus-Christ à son Eglise. Elles nous avaient paru telles
qu’elles la garantissaient à jamais de subir cette agonie et cette mort
apparente : « J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne
défaille jamais. »(7). Notre-Seigneur avait également
ajouté : « Je vous enverrai l’Esprit de vérité qui demeurera avec
vous à jamais, et vous fera souvenir de tout ce que je vous avais enseigné. » (8) Mais nous, comme les apôtres au fond de la
barque, nous nous écrions à notre tour : « Seigneur, nous
périssons! » (9) et nos cœurs et nos têtes
bourdonnent de l’interrogation même prononcée par le Fils de Dieu sur sa croix:
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » (10). Jusqu’où, Seigneur,
permettrez-vous à l’iniquité de triompher?
Lorsque nous évoquons ces
aujourd’hui difficiles et ces lendemains qui seront peut-être encore plus
sombres, soyons en même temps certains que la grâce du bon Dieu ne nous
manquera jamais et que les secours divins nous seront donnés tous les jours de
notre vie pour cheminer jusque dans l’éternité bienheureuse. Aussi, nous ne
devons pas vivre dans la crainte des événements à venir mais dans une constante
sérénité d’âme pour nous attacher à vivre dans la vérité et à nous sanctifier
dans l’instant qui passe, c’est-à-dire l’instant où Dieu demeure.
Garder le calme dans les tempêtes
Cette équanimité au milieu des
tempêtes de ce monde serait cependant perverse si elle provenait d’une inconscience
des dangers qui nous menacent. Si nous ignorons la présence de précipices qui
bordent, de part et d’autre, la route de notre existence terrestre, le calme
que nous gardons ne traduit rien d’autre qu’une fâcheuse inconscience. Le vrai
courage catholique, dont nous demandons la grâce pour nos âmes, consiste à ne
rien perdre de sa résolution d’avancer, alors que de redoutables périls, dont
la menace est peut-être imminente, nous sont connus.
Il est sans doute utile de
rappeler ce sentier de l’existence dont nous parlons et que nous ne
devons jamais quitter, comme ces abîmes dans lesquels nous ne devons pas
tomber. Il est bon et salutaire de redire notre espérance catholique, en ces
années difficiles du 21e siècle, afin que nous ne nous égarions pas, que nous
nous sanctifiions et que nous sauvions nos âmes. Que chacun entreprenne
l’effort de quelques instants d’une réflexion simple mais profonde sur quelques
vérités qui doivent guider sa vie, que nous devrions ne jamais perdre de
vue. Elles la balisent et nous gardent dans une espérance vraie.
Nous croyons que Dieu existe.
Il a créé le ciel et la terre et toutes les créatures par pure bonté. La
négation de son existence est une folie et une absurdité. Son existence se
prouve par la seule raison. Cependant, Dieu s’est aussi révélé à nous.
Nous autres, créatures
humaines, nous sommes composés d’une âme et d’un corps. Nous ne sommes sur la
terre que pour un temps qui est bref, de quelques dizaines d’années en moyenne.
A l’instant de notre mort, notre âme et notre corps se sépareront. Notre âme
spirituelle et immortelle sera alors jugée par Dieu selon l’état où elle se
trouvera à cet instant. Elle sera jetée à jamais en enfer si elle n’est pas
dans la grâce de Dieu. Elle se rendra pour un temps au purgatoire si, dans
cette grâce, il lui reste cependant des péchés véniels ou une dette à expier et
elle ira directement au ciel pour se trouver admise dans le face à face éternel
de la vision béatifique si elle est entièrement lavée de toute souillure et de
toute dette liée à ses péchés.
Nous ne serons pas jugés sur
la globalité de notre vie. Notre rejet en enfer ou notre admission immédiate ou
prochaine au Paradis dépendra de l’état où se trouvera notre âme à l’instant
même où elle sera jugée. Il est souverainement juste et sage que Dieu nous juge
à un instant donné puisqu’il nous procure en permanence ses précieux secours
pour que nous ne quittions jamais l’état de grâce. Il est donc juste qu’Il
puisse nous demander de rendre compte de l’état de notre âme à chaque instant.
L’indice le plus évident de la
légèreté humaine est de prendre le risque de vivre, même une seule seconde, en
état de péché mortel. Les hommes ont le devoir grave de former leur conscience
pour savoir ce que l’on entend par «péché mortel » afin de ne surtout pas
y tomber. Il est la transgression de la loi divine en matière grave avec pleine
connaissance et plein consentement. Ses conséquences sur l’âme du baptisé qui
l’a commis, et tant qu’il ne s’en est pas confessé, sont terribles. Il entraîne
la perte de la grâce baptismale. Dieu se retire de cette âme en laquelle il
habitait. L’âme en état de péché mortel se trouve comme un sanctuaire dévasté,
dont on a violé le tabernacle pour en jeter les hosties.
Si le péché mortel doit
absolument être évité, le péché véniel doit lui-même toujours être combattu
même si notre faiblesse humaine fait que nous ne parvenons pas à l’éviter
systématiquement. Si nous comprenons un tant soit peu que chaque péché est un
outrage commis contre Dieu, nous réalisons alors qu’il n’y a pas de petit péché
et que nous devons vivre avec un grand désir intérieur de ne jamais pécher, la
grâce de Dieu aidant.
Il est donc capital de bien
connaître les devoirs qui sont les nôtres et nos diverses responsabilités, dans
notre état de vie, pour y faire face sans nous dérober, tant dans le domaine
religieux que politique. Si nous ne nous en enquérons pas sérieusement, nous
nous exposons à ne pas accomplir sur la terre ce que Dieu attend de nous. Notre
vie tout entière doit être vouée à l’extension du règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ
dans la vie de notre âme, des âmes et des sociétés.
Nous ne serons pas excusés
d’avoir méconnu la vérité et nos devoirs ou de les avoir pris à la légère au
motif du triomphe du péché dans notre société et de l’extrême gravité de la
crise qui se prolonge dans le sein de l’Eglise. En effet, nous devons nous
rappeler que, même dans les époques plus éprouvantes, le Bon Dieu ne manque pas
de donner à chacun des grâces proportionnées pour lui demeurer fidèle et
accomplir sa justice.
Nous ne devons pas nous dire,
parce que le nombre des catholiques - ceux qui le sont réellement - se trouve
très réduit et que les difficultés pour trouver des messes et un enseignement
religieux sérieux se sont multipliées, que nous avons le droit de nous laisser
aller et que nous pourrions revoir notre idéal chrétien à la baisse.
Notre vie chrétienne, loin de
consister à seulement fuir le péché, doit se consacrer sur la terre à vivre
dans un amour toujours plus grand de Dieu et de notre prochain. Celui qui aime
Dieu doit être pressé de mettre à profit le temps qui lui est donné sur la
terre pour que s’accroisse sans cesse en lui la vertu de Charité qui est
l’amour de Dieu et l’amour du prochain mêlés en un seul et même amour.
Car c’est sur la Charité, qui résume et récapitule
toute la Loi et les commandements, que nous serons jugés. Certes,
la première des vertus théologales requiert la présence de toutes les autres
vertus et elle ne saurait exister toute seule. Mais c’est bien sur la vérité de
notre amour de Dieu et du prochain que nous serons seulement jugés.
Nous ne devons pas nous
étonner, bien que nous devions être jugés sur la seule Charité, d’entendre ceux
qui nous enseignent nous parler à temps et à contretemps de la vertu de Foi. En
effet, la plus petite once de Charité
ne peut exister sans la Foi, si bien que la possession de cette vertu
est nécessaire pour aller au Ciel. De même, personne ne doit être surpris
d’entendre les prêtres mettre souvent en garde contre les idées perverses qui
sont prêchées par les autorités actuelles de l’Eglise depuis les chaires de
vérité. Si ces erreurs nous circonvenaient, nos fidèles et nous-mêmes, elles
mettraient en péril notre Foi et menaceraient la vie même de la grâce dans nos
âmes.
Pour qu’une vie chrétienne
demeure ou devienne fervente, il faut que nous nous instruisions sérieusement
de notre foi et des erreurs opposées à la foi catholique. Il n’est sans doute
aucun livre meilleur que « Ils l'ont découronné » de Monseigneur Lefebvre pour prendre
connaissance des véritables enjeux religieux, intellectuels, doctrinaux,
spirituels de la situation de l’Eglise telle qu’elle se présente
aujourd’hui.
Notre devoir est de devenir saints
Jamais nous n’insisterons trop
pour rappeler notre idéal catholique. Notre devoir est de devenir saints. Nous ne devons pas seulement
vouloir éviter l’enfer mais profiter de chaque instant qui nous est donné sur
la terre pour croître dans la connaissance et l’amour de Dieu et le mettre en
œuvre dans tout l’agir de notre vie. Le plus grand bonheur que nous puissions
espérer sur la terre provient de notre assiduité à vivre et à demeurer dans
l’amour de Dieu.
Nous devons avoir conscience
des merveilles dont nous sommes les dépositaires et être animés du grand désir
de pouvoir faire connaître Notre Seigneur autour de
nous.
Il ne nous faut pas nous rendre sur des lieux de messe où nous ne
trouverons pas et la vraie messe et la vraie doctrine. Comme les
Vendéens n’assistaient pas aux messes des prêtres jureurs, n’assistons pas aux
messes des prêtres qui ne s’opposent pas clairement et publiquement aux erreurs
du concile Vatican II.
Le cœur de la vie catholique
est la sainte messe au cours de laquelle le prêtre renouvelle le Sacrifice du
Calvaire et nourrit du fruit divin de ce sacrifice les âmes qui s’approchent de
la sainte communion. Rien n’est plus grand que la sainte messe à laquelle les
catholiques doivent être avides de venir chaque jour. S’ils ne peuvent y aller,
qu’ils s’efforcent de s’y unir et de faire, de leur communion spirituelle, le
cœur de leur journée. Que toute leur vie consiste à vivre de messe en messe, de
communion en communion.
Si le cœur de la vie catholique
est le saint sacrifice de la messe, le véritable esprit catholique n’est rien
d’autre que l’esprit de sacrifice, esprit de celui qui, par amour de Dieu et
par amour de son prochain, est capable et même content de se renoncer.
Sous le regard de Notre-Seigneur
Jésus-Christ et de la très sainte Vierge Marie reconnus et intronisés comme
souverains du foyer, les parents catholiques doivent vivre chrétiennement et
apprendre à vivre chrétiennement à leurs enfants.
Ils doivent respecter les lois
sacrées du mariage, l’indissolubilité, la fidélité mutuelle. Ils doivent
s’interdire de recourir à toutes les méthodes anticonceptionnelles ou de
restreindre sans raisons graves leurs relations aux seules périodes
d’infécondité. Contre l’égoïsme et l’individualisme de notre époque, ils
doivent avoir tous les enfants que le Bon Dieu veut qu’ils aient et
généreusement s’entraider pour leur formation et leur éducation
chrétienne.
La pureté règne dans les cœurs
là où la modestie chrétienne revêt les corps. Jamais, la vertu et la sainteté
n’ont fleuri quand l’envie de plaire aux hommes l’emportait sur le désir de
plaire à Dieu. C’est si souvent la vanité de la mode qui a jeté de nobles âmes
dans l’impureté et qui a perdu des vocations !
Les parents doivent veiller à
écarter les enfants des influences perverses et destructrices qui proviennent
des écrans. En particulier, les ravages intellectuels, moraux, psychologiques,
sociaux causés par internet sont devenus tels qu’il existe une obligation grave
de définir très clairement les règles strictes et limitées de l’accès à
internet si l’on n’a pu faire autrement que de l’introduire dans la maison
familiale.
Les parents doivent placer leurs
enfants dans de bonnes écoles, réellement libres car dégagées au maximum de toutes les
emprises de l’état laïc afin de leur assurer une éducation conforme à la Foi
catholique.
Les parents doivent avoir à
cœur de manifester à leurs enfants que les plus belles voies qui existent sur
terre sont celles des consacrés qui se donnent à Dieu dans la vie sacerdotale
ou religieuse, et considérer comme un grand honneur qui leur est fait l’appel
de l’un d’entre eux dans ces vocations si belles.
Chaque soir, la prière doit être dite en famille. Rien n’est plus précieux dans
la mémoire des enfants que cette manifestation publique de la Foi de toute la
famille où chacun s’agenouille, à commencer par son chef qui doit donner
l’exemple. A cette occasion, il est bon que le chapelet soit
récité. S’il ne l’est pas entièrement à cet instant, que chacun ait cependant à
cœur de le réciter tous les jours et, s’il peut, le rosaire.
Renouvelons notre esprit
catholique en suivant chaque année une retraite spirituelle. Avec tous les papes, nous ne pouvons que louer
spécialement l’excellence des Exercices de saint Ignace.
Notre esprit catholique, quoi
qu’il en soit de la période de crise dans laquelle nous vivons, doit être
toujours courageux, paisible et serein. Efforçons-nous de vivre comme nous le
devons et Dieu ne nous manquera pas. Efforçons-nous de vivre comme nous le
devons et Dieu nous consolera en plaçant dans nos cœurs, au milieu des
adversités, un véritable esprit de joie et d’exultation car nous avons tant
reçu et nous sommes promis à une si bienheureuse éternité !
Notre esprit ne doit pas être
un esprit de vaincus mais un esprit victorieux car le Christ a vaincu le monde
et chaque instant nous procure une occasion nouvelle de gagner de nouvelles
batailles, celles qui, bien qu’invisibles, sont les vraies batailles, celles
que l’on remporte contre les trois ennemis, le monde, le démon et nous-même.
Notre esprit doit être animé
d’une indéfectible Espérance car nous savons que la très sainte Vierge
Marie ne nous manquera jamais. Elle qui fut fidèle à son divin Fils jusqu’après
son dernier soupir ne cesse de nous assister tout au long de notre vie. C’est
dans son Cœur Douloureux et Immaculé que nous devons vivre en esprit toute
notre existence de cette terre avant d’y passer toute notre éternité. Suivons
les cinq premiers samedis du mois, conformément à ce qu’a demandé Notre-Dame de Fatima
et associons-nous, avec toute la générosité que nous avons montré lors des
précédentes croisades, à celle que notre Supérieur Général nous demande de commencer à partir du 1er janvier 2014.
Nous n’avons certes pas choisi
de vivre dans les circonstances où nous nous trouvons. Mais, lorsque nous
soupirons parce que le mal semble rompre toutes les digues, les unes après les
autres, nous devons nous souvenir avec saint Thomas d’Aquin que « Sans
le péché des persécuteurs, il n’y aurait pas la gloire des martyrs »
et avec saint Paul que « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (11).
Bienheureux sommes-nous donc
de vivre à cette période plus difficile où nous pouvons davantage prouver à
Notre divin Sauveur l’attachement et l’amour que nous avons pour Lui. Que la
très sainte Vierge Marie, présente au pied de la Croix, nous accorde cette
fidélité à l’Eglise Une, Sainte, Catholique, Apostolique et Romaine
jusqu’à la mort.
Vive le Christ-Roi !
Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France
Suresnes le 8 décembre 2013
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(1) Ps 41, 8.
(2) Jérémie 2, 20.
(3) Emile ou de l’Education, IV. "La Profession de foi du vicaire savoyard"
est un extrait du livre IV de Émile, ou De l'éducation, souvent publié à
part. Jean-Jacques Rousseau y effectue une critique de l'institution
ecclésiale, du dogmatisme et de l'hétéronomie.
(4) Entretien du pape François à La Repubblica, le 5 octobre 2013.
(5) Père Federico Lombardi, 16 novembre 2013.
(6) Evangelium gaudii, le 24 novembre 2013.
(7) Luc 22, 32.
(8) Jn 14, 26.
(9) Luc 8, 24.
(10) Mat 27, 46.
(11) Rom.5, 20