SOURCE - Abbé Vincent Ribeton, fssp - La Nef - Décembre 2013
La Fraternité Saint-Pierre (FSSP) a fêté le 16 novembre à Saint-Sulpice son 25e anniversaire, à l’occasion d’une messe durant laquelle fut lu un chaleureux message du pape François.
Entretien avec l’abbé Vincent Ribeton, supérieur du district de France de la FSSP.
La Nef – La Fraternité Saint-Pierre a fêté ses 25 ans : pourriez-vous nous rappeler dans quelles circonstances elle est née et dans quels buts ?
Abbé Vincent Ribeton – La FSSP est née dans un contexte douloureux pour l’Église. Ses fondateurs avaient reçu leur sacerdoce de Mgr Marcel Lefebvre, qu’ils aimaient comme un père. Ils se sont tournés avec confiance vers le Saint-Siège au moment où Mgr Lefebvre sacrait quatre évêques contre la volonté du pape. Ils ont bénéficié des dispositions du Protocole d’accord du 5 mai 1988 entre le Saint-Siège et Mgr Lefebvre. Le motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988 ayant reconnu la légitimité de l’attachement aux traditions liturgiques et spirituelles latines, la FSSP a été érigée comme société de droit pontifical, directement rattachée au Saint-Siège, dès le 18 octobre 1988. La fondation d’un séminaire à Wigratzbad s’est faite aussitôt.
La formation des prêtres et leur sanctification demeurent le premier but de la FSSP. Nos prêtres partagent la vie commune ; ils exercent l’apostolat selon le caractère propre de notre Institut, qui repose sur trois piliers, que l’on peut résumer par ces mots : tradition, romanité, thomisme. Nous vivons en effet notre attachement aux traditions liturgiques et spirituelles latines dans l’indéfectible fidélité au Siège de Pierre, et nos prêtres prêchent la foi catholique en prenant appui sur la formation thomiste reçue au séminaire.
Que retenez-vous du lien originel des membres fondateurs avec la Fraternité Saint-Pie X dont ils sont issus, quelle leçon avez-vous tiré de cette dramatique rupture avec Rome ? Pour les jeunes actuels, que représente Mgr Lefebvre, ont-ils le sentiment encore d’un lien lointain avec la Fraternité Saint-Pie X ?
Mgr Marcel Lefebvre a transmis à nos fondateurs une formation solide dans un contexte de crise de l’Église qui brouillait les repères et conduisait les catholiques à une grande perplexité. Mgr Lefebvre a voulu transmettre ce qu’il avait reçu, nos fondateurs lui doivent énormément ; mais il y avait une contradiction en 1988 à vouloir défendre la Tradition de l’Église en sacrant quatre évêques contre la volonté du pape. Cela contredisait la Tradition elle-même. On sait que Mgr Lefebvre fut hésitant, puisqu’il signa d’abord le protocole d’accord du 5 mai 1988. Il ne voulait pas fonder une Église autocéphale, mais les sacres exposaient à ce risque. D’où l’urgence aujourd’hui pour la Fraternité Saint-Pie X de saisir la main du pape. Nous gardons l’espérance d’une réconciliation, que le Saint-Père nous demande d’ailleurs de servir. Nous y sommes d’autant plus attentifs que nous savons avoir une dette filiale envers Mgr Lefebvre.
Qu’est-ce qui vous a plus particulièrement marqué durant ces 25 années de la FSSP?
Ce qui me frappe le plus est que nos apostolats ont attiré un grand nombre de fidèles qui ne connaissaient rien jusque-là de la liturgie traditionnelle. Cela manifeste le caractère missionnaire de cette liturgie qui demeure propre à toucher les âmes et à transformer les cœurs. On aurait pu penser que le motu proprio du 2 juillet 1988 était donné pour quelques nostalgiques ou qu’il ouvrait une « parenthèse miséricordieuse ». Mais en réalité, à la faveur du motu proprio, des catholiques souvent très jeunes ont découvert un trésor qu’ils ignoraient et dont ils se sont emparés pour leur sanctification. Le second motu proprio, celui de Benoît XVI en 2007, Summorum Pontificum, a pour ainsi dire validé ce processus en affirmant le plein droit de cité de la forme extraordinaire du rit romain dans l’Église, et la légitimité pour tout catholique romain de vouloir y puiser. D’un motu proprio à l’autre, le cadre de célébration de la messe traditionnelle s’est considérablement élargi. Cela offre un champ missionnaire à nos prêtres très important pour l’avenir.
Où en est la FSSP aujourd’hui et quelles sont vos perspectives, en France et dans le monde ?
Fondée par une dizaine de prêtres, la Fraternité Saint-Pierre compte aujourd’hui 244 prêtres et 163 séminaristes. Elle dessert 34 diocèses aux États-Unis, 8 au Canada, 12 en Allemagne, 7 en Autriche etc. En France nos prêtres servent dans 35 diocèses. La perspective actuelle est d’enraciner davantage ces apostolats, de garantir à tous nos prêtres la vie commune prévue par nos Constitutions, ce qui leur permettra d’être d’autant plus missionnaires. Notre Seigneur n’envoyait-il pas ses disciples deux à deux?
On dit le pape François peu intéressé par les questions liturgiques et vous avez cependant reçu un message très encourageant pour vos 25 ans : comment voyez-vous l’avenir des communautés Ecclesia Dei sous ce pontificat ?
Le message que nous a adressé le pape montre que notre caractère propre est pleinement reconnu par l’Église. Il n’y a aucune rupture avec les mesures prises par ses prédécesseurs. En revanche, le pape exhorte nos prêtres « selon leur charisme propre, à prendre une part active à la mission de l’Église dans le monde d’aujourd’hui par le témoignage d’une vie sainte, d’une foi ferme et d’une charité inventive et généreuse ». Autrement dit, le Saint-Père nous encourage à ne pas enfouir le talent reçu, mais à le faire fructifier pour le bien de toute l’Église, sans hésiter à aller, avec le style propre qui est le nôtre, vers ce qu’il appelle les « périphéries existentielles » comme de bons pasteurs qui veulent aller secourir les brebis perdues ou blessées en leur appliquant le baume de la miséricorde du Seigneur.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
Fraternité Saint-Pierre, 10 impasse de la Chapelle, 89150 Brannay. Tél. : 03 86 66 17 50.
NB – Signalons le blog créé par les séminaristes de la FSSP à Wigratzbad, pour mieux faire connaître leur vie et leur cadre d'études : fsspwigratzbad.blogspot.de