9 juillet 2007





Les traditionalistes évitent le triomphalisme
09 juillet 2007 - Nicolas Senèze - La Croix
Les traditionalistes évitent le triomphalisme Ceux qui, depuis quarante ans, contestaient frontalement Vatican II obtiennent satisfaction sur la liturgie, leur première revendication, mais ils restent prudents

Dès samedi après-midi, blogs et forums ne cachaient pas la joie des fidèles de sensibilité intégriste ou traditionaliste, à l'annonce du motu proprio de Benoît XVI libéralisant l'usage du Missel tridentin dans sa version de 1962, promulguée par Jean XXIII. « Avec l'aide de Dieu, la liturgie extraordinaire de l'Église peut progressivement redevenir l'extraordinaire liturgie ordinaire de l'Église : les portes de l'enfer n'ont pas prévalu contre elle, laissons éclater notre joie !!! », s'exclame ainsi un dénommé Pellicanus sur le site Forum catholique.
Du côté des responsables traditionalistes, on se refusait toutefois à tout triomphalisme. « Ma réaction est surtout une grande joie, mais pas pour moi : pour l'Église, car la paix est à l'horizon », confie à La Croix l'abbé Philippe Laguérie, supérieur de l'Institut du Bon Pasteur érigé à Bordeaux en septembre dernier avec quelques disciples de Mgr Lefebvre en rupture avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). « L'important, c'est que toute l'Église va pouvoir profiter de la liberté accordée par le Saint-Père », affirme-t-il, se refusant « à tout cocorico ».
Même réaction à la Fraternité Saint-Pie-X elle-même qui, dans un communiqué publié dès samedi midi par son supérieur général Mgr Bernard Fellay (l'un des quatre évêques ordonnés illicitement par Mgr Lefebvre en 1988), « se réjouit de voir l'Église retrouver ainsi sa Tradition liturgique » et de « la possibilité d'accéder librement au trésor de la messe traditionnelle ».
Pas de retour annoncé d'Écône dans le giron romain pour autant : « La Fraternité Saint-Pie-X forme le souhait que le climat favorable instauré par les nouvelles dispositions du Saint-Siège permette (...) d'aborder plus sereinement les points doctrinaux en litige », indique son supérieur dans ce communiqué. Interrogé par La Croix, il ajoute : « Le pape a fait un très bel acte. Il faudra voir maintenant l'application concrète du motu proprio. Si les évêques qui sont contre arrivent à le rendre inapplicable, on n'aura pas gagné grand-chose. S'il est bien appliqué, cela aidera à créer un climat de confiance pour arriver à des discussions sur les questions de fond. » Car pour la FSSPX, la libéralisation du rite tridentin n'est effectivement qu'un préalable à l'ouverture de discussions doctrinales épineuses sur le concile Vatican II - avec la levée des excommunications subies en 1988, sur lesquelles le pape ne dit rien. Or, les assurances maintes fois répétées de Benoît XVI, réaffirmées samedi dans son motu proprio Summorum pontificum, de ne rien remettre en cause de l'autorité de Vatican II ne vont pas dans ce sens...
La Fraternité Saint-Pierre, qui regroupe des prêtres diocésains traditionalistes (la plupart transfuges du lefebvrisme), s'est quant à elle « réjouie » de la décision du pape, lui exprimant « sa très profonde gratitude » pour le motu proprio. Elle souhaite « que ceux qui préfèrent cet usage puissent avoir accès à une vie catholique complète selon cette «forme extraordinaire» du rite romain ».
« Nous devons être modestes, lents et patients, nous déclare encore, pour sa part, l'abbé Laguérie. Les évêques, eux, doivent comprendre que nous ne sommes ni des ennemis ni des trublions, mais que nous pouvons leur rendre un grand service. » L'Institut du Bon Pasteur espère ainsi que les paroisses personnelles indiquées par le pape seront la bonne solution (lire pages 2 et 3) : « Une paroisse, ce n'est pas que la messe : c'est aussi le catéchisme, les baptêmes, les confirmations, les mariages, les groupes de jeunes... Sans pour autant que nous échappions à l'autorité de l'évêque », affirme le leader traditionaliste, qui veut faire de sa paroisse Saint-Éloi à Bordeaux « un prototype de ce que demande le motu proprio ». Tout en étant conscient des limites de son institut : « Avec quatorze prêtres aujourd'hui, nous ne pourrions prendre en charge qu'une ou deux nouvelles paroisses. »
NICOLAS SENÈZE