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Benoît XVI libéralise enfin l'usage du rite tridentin |
Juillet 2007 - Bulletin d'André Noël n° 2057 |
En gestation depuis plus d’un an, Benoît XVI a enfin publié le motu proprio « Summorum pontificum cura », libéralisant – quoique pas totalement puisqu’il faudra qu’un « groupe stable » de fidèles le demande – la messe de Saint Pie V. Qu’est-ce qu’un « groupe stable » ? Le motu proprio ne livre ni chiffre ni critère permettant de le définir. N’en doutons pas : certains prêtres ou évêques s’abriteront derrière le flou de cette notion pour refuser aux catholiques ce que le pape leur permet. Le retard dans la promulgation est dû à l’épiscopat français – au moins le fait de certains évêques – avec lequel le Pape a dû négocier. Au passage, le souverain pontife fait observer que le rite « ancien » n’a jamais été aboli, ce qui rend paradoxal le fait qu’il faille une autorisation pour le célébrer. Pourquoi doit-on permettre aujourd’hui ce qui n’a jamais été interdit hier ? Il a donc été toujours licite de dire la messe selon l’ordo tridentin contrairement à ce qu’on nous disait et les prêtres qui le faisaient ne désobéissaient nullement. Que la messe de S.Pie V n’était pas interdite, des hommes comme Louis Salleron et Jean Madiran – entre autres – l’on dit, affirmé et prouvé, arguments doctrinaux et canoniques à l’appui, dès que l’épiscopat français a voulu donner force de loi exclusive à la nouvelle messe. On ne les a pas réfutés. On les a condamnés, « disqualifiés », excommuniés de fait ! Il serait, non pas charitable, mais équitable que ces hommes de courage qui ont affirmé il y a quarante ans ce que le pape proclame en 2007, fussent réhabilités publiquement comme ils furent dénoncés publiquement, à la face de l’Eglise de France. Il est permis d’imaginer quel aurait été le visage de l’Eglise si la messe de tant de saints et de papes avait continué à coexister pacifiquement avec le nouveau rit à la fin du siècle dernier au lieu d’être en 1970 injustement bannie du jour au lendemain en même temps que se dégradaient mortellement la culture et l’expression religieuses forgées au cours de deux millénaires ! Certes, nul ne peut affirmer savoir ce qu’eût été exactement alors le visage de l’Eglise. Il est toutefois certain que l’égalité d’estime et de traitement entre l’ancien missel et le nouveau, aurait évité bien des drames de conscience à des catholiques déchirés entre leur attachement à la messe de toujours et leur fidélité à une Eglise leur enjoignant d’y renoncer. Un tel comportement, révélateur de paix et de charité, n’aurait en rien affecté l’unité de l’Eglise puisque, de tout temps – et encore maintenant avec les rites orientaux – il y a eu coexistence, au moins momentanée, entre des rituels différents. C’est, au contraire, l’interdiction de la messe tridentine qui a déchiré la robe sans couture de l’Eglise. On nous objectera que les détracteurs du missel dit « de Paul VI » ne voulaient pas seulement que celui de Pie V subsistât à côté du premier. Ils refusaient le nouveau rituel, l’accusant de favoriser l’hérésie par certaines formules ambiguës. Les cardinaux Ottaviani et Bacci publièrent un « Bref examen » allant dans ce sens. Mais, au-delà de la valeur intrinsèque des arguments invoqués contre le nouvel ordo, il y eut un contexte qui alimenta toutes les suspicions. Notamment le zèle, et même l’acharnement, de l’épiscopat français à vouloir imposer la « nouvelle messe » d’un seul coup, sans ménager de nécessaires transitions pour respecter la sensibilité des fidèles. « Que dissimule cette volonté d’éradiquer la messe de S.Pie V », se demandèrent légitimement nombre de catholiques ? On accusa de désobéissance ceux qui voulaient demeurer fidèles à « l’ancienne » messe. Or, parallèlement, les mêmes évêques ne prenaient aucune sanction contre des prêtres coupables de bien plus graves désobéissances qui dénaturaient l’eucharistie quand ils n’allaient pas jusqu’à nier la présence réelle, la divinité du Christ ou la virginité de Marie. L’hérésie n’était plus sanctionnée dans l’Eglise, les évêques ne la voyaient nulle part, alors qu’elle sautait aux yeux. On comprend dès lors que certains fidèles aient fini par la voir partout, y compris dans la « nouvelle messe » et à en souffrir. C’est ce que constate Benoît XVI dans son motu proprio quand il évoque « les déformations à la limite du supportable », déformations « arbitraires qui ont profondément blessé des personnes totalement enracinées dans leur foi ». Il serait bon que les évêques d’aujourd’hui, au nom de ceux d’hier, demandent pardon à ces fidèles-là pour avoir méprisé leurs souffrances. Notre Eglise qui entre si volontiers en repentance à propos de tant d’errements du passé dont auraient été victimes des communautés ou des peuples divers, ne peut-elle le faire une fois de plus, cette fois en faveur des catholiques qui se proclament attachés à la tradition ? Peut-être que la dissidence de Mgr Lefebvre aurait pu être évitée si la messe traditionnelle n’avait pas été déclarée hors la loi ; certes son opposition se nourrissait d’autres motifs, mais la question de la messe fut un abcès de fixation qui lui rallia des fidèles qui, jusque-là, n’avaient décelé nulle malice dans le Concile Vatican II. Tout est-il donc bien qui finit bien ? Hélas ! non. Même si Benoît XVI remarque, à juste titre, que le rite tridentin est redécouvert par des jeunes qui ne l’ont jamais connu, il y a au moins deux générations qui en ont été privées et qui ne comprennent plus un mot de latin. Y compris parmi les prêtres. C’est sur cette rupture culturelle que compte l’épiscopat français pour éviter que la messe « ancienne » ne séduise à nouveau les fidèles et ne fasse tache d’huile. Mgr Ricard, président de la conférence des évêques, a confié au « Monde » (8 juillet) : « Le centre de gravité de la décision a changé, mais la gestion des demandes reviendra de fait à l’évêque, car les prêtres ne seront pas en mesure d’y répondre. Faute de disponibilités et faute de formation. » Disponibilité ? Ils n’auront pas à dire deux fois plus de messes ! Il leur sera loisible de remplacer une messe « nouvelle » par une messe « ancienne » ? Formation ? A qui la faute si ce n’est aux évêques qui ont pratiquement exclu, de fait, l’enseignement du latin des séminaires et, à plus forte raison, la célébration selon le missel de S.Pie V ? Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, Messeigneurs ! P.R. Bulletin d'André Noël n° 2057 |
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