20 juillet 2007





Un Motu Proprio qui fait déjà des vagues
20 juillet 2007 - jeromebourbon@yahoo.fr - Rivarol
Un Motu Proprio qui fait déjà des vagues
Comme on pouvait s’y attendre, les réactions ont été très diverses à la publication par Benoît XVI le 7 juillet du Motu Proprio Summorum Pontificum libéralisant la messe tridentine. Sans surprise l’aile la plus à gauche de l’Eglise conciliaire a manifesté son vif mécontentement. Dans un éditorial exceptionnellement publié en latin le 5 juillet, Témoignage chrétien s’indigne de la décision vaticane : « les traditionalistes ont gagné » et « demain ils domineront l’épiscopat français » s’étrangle l’hebdomadaire ultra-progressiste qui ajoute : « Ce qui inquiète les fidèles conciliaires (sic !) dont nous sommes, ce n’est ni le latin, ni les encensoirs, ni les clochettes mais le regard sur le monde extérieur de la plupart des défenseurs du rite traditionnel. »
LES PLUS PROGRESSISTES EN EMOI
Dans la même ligne, Mgr Luca Brandolini, membre de la commission de la liturgie au sein de la conférence des évêques italiens, a vivement regretté dans un entretien à La Repubblica la publication du document : « C’est un jour de deuil, non seulement pour moi, mais pour les nombreuses personnes qui ont œuvré au concile Vatican II. Cette réforme est maintenant enterrée. » Propos pour le moins excessif, Benoît XVI accordant  toujours la primauté à la nouvelle messe considérée comme la forme ordinaire, forma ordinaria, du rite romain et prenant soin de préciser dans sa « lettre aux évêques » que les demandes en faveur du rite tridentin seront numériquement limitées : « L’usage de l’ancien missel présuppose un minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. »
Henri Tincq, dans Le Monde du 8-9 juillet, ne cèle pas non plus son amertume : « Les catholiques conciliaires (resic) s’étonneront toutefois qu’aucune contrepartie ne soit exigée des traditionalistes en termes de ralliement au concile Vatican II, qu’ils vont continuer de poursuivre de leur hargne. La fin du schisme est-elle à ce prix ? » maugrée le chroniqueur religieux du « quotidien de référence ».
LES JUIFS S’EN MÊLENT
La communauté juive a également manifesté son inquiétude à l’égard de la réintroduction du vieux missel. Si, en 1959, Jean XXIII avait fait supprimer dans les prières du Vendredi saint la référence aux « juifs perfides », l’oraison pour la « conversion des Juifs », même amputée de cette expression, évoque en effet un « peuple aveugle » et implore Dieu afin que les Juifs « reconnaissent la lumière de votre vérité, qu’est le Christ, et qu’ils soient arrachés à leurs ténèbres ». Rien de plus catholique mais cela n’a pas l’heur de plaire au centre Simon Wiesenthal qui demande « instamment à Benoît XVI de déclarer ce texte contraire à l’enseignement actuel de l’Eglise » tandis que l’Anti Defamation League états-unienne juge les termes utilisés « durs et insultants ». Par ailleurs, dans une interview donnée le 8 juillet au quotidien italien Corriere della Sera Lisa Palmieri, représentante en Italie de l’American Jewish Committee, estime que le maintien de la prière pour la conversion des Juifs est « la mort du dialogue » (pas moins !) et espère qu’elle sera abolie.
De même, Jean-Yves Camus, dans Actualité juive du 5 juillet, dénonce le fait que « des fidèles et sans doute des prêtres formés dans la doctrine intégriste et notamment dans l’antijudaïsme ancien vont donc pouvoir réintégrer l’Eglise catholique sans se renier. C’est assurément une pomme de discorde grave dans le dialogue judéo-chrétien. » Mais que diraient les rabbins si des catholiques s’immisçaient à ce point dans les conflits entre judaïsme libéral et judaïsme orthodoxe ? De toute façon, on peut compter sur les prélats modernistes pour donner satisfaction à la communauté : Benoît XVI ne s’est-il pas fait bénir par un rabbin lors de son voyage en Brésil en mai dernier et n’a-t-il pas décoré à Pâques de l’insigne de saint Grégoire le Grand un rabbin d’une très puissante organisation juive ? Quant à Jean-Pierre Ricard, président de la conférence des évêques conciliaires de France, il concède que « les formes liturgiques ne sont pas des pièces de musée : si on se rend compte qu’il y a tel ou tel point de cette forme-là, qui aujourd’hui fait difficulté, il faut peut-être le modifier. » Quant à l’éditeur genevois Grégory Solari, spécialiste du rite tridentin, il considère que cette polémique n’a pas lieu d’être car le Motu Proprio spécifie que tout prêtre catholique peut utiliser le missel de 1962 ou le missel de la messe moderne promulgué en 1970, sauf pendant le triduum pascal (jeudi, vendredi et samedi saints).
« GLACIATION » OU ENTREPRISE DE SEDUCTION ?
Autre motif de colère pour les juifs, mais aussi pour les protestants et les orthodoxes, et évidemment pour le clergé le plus progressiste, la publication, le 10 juillet, des « Réponses » de la Congrégation pour la doctrine de la foi précisant que « l’Eglise catholique est la seule véritable Eglise du Christ ». Ce document, signé par William Levada et qui reprend les thèses déjà développée dans Dominus Iesus le 5 septembre 2000 par Josef Ratzinger, tend à réinterpréter l’affirmation contenue dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium de Vatican II et selon laquelle « l’unique Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique ». Ce subsistit in a fait couler beaucoup d’encre et suscité beaucoup de débats passionnés entre conciliaires et traditionnalistes sur fond de dialogue œcuménique : l’Eglise romaine est-elle la seule Eglise du Christ, auquel cas les autres confessions doivent réintégrer son giron (position traditionnelle) ou les autres groupes religieux chrétiens sont-ils aussi peu ou prou des voies de salut ( position conciliaire) ?
         Dans sa volonté d’herméneutique de Vatican II, Josef Ratzinger refuse d’admettre une rupture entre ce concile et le magistère traditionnel. Aussi réinterprète-t-il a minima les textes controversés, ce qui ne va pas sans une gymnastique intellectuelles très audacieuse dont il avait déjà fait preuve dans le Motu Proprio en affirmant que la messe tridentine et la nouvelle messe sont « deux mises en œuvre de l’unique rite romain » : de même, tout en déclarant que l’Eglise catholique est la véritable Eglise du Christ, la « Congrégation pour la Doctrine de la Foi » reconnaît-elle des « éléments de sanctification et de vérité dans les autres confessions chrétiennes et ne remet-elle nullement en question les grandes orientations de Vatican II concernant l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. L’Osservatore romano précise ainsi que le dialogue œcuménique « demeure toujours un priorité » de Rome. Quant au Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, il avoue même, dans LA Croix du 11 juillet, « ne pas avoir été mis au courant de l’existence » du document qui n’aurait d’autre intention que de, tenez-vous bien, « rassurer les milieux intégristes ». En tout cas, Tincq dénonce dans Le Monde du 11 juillet une « glaciation vaticane. » Ne s’agit-il pas plutôt d’une habileté romaine pour ramener dans son giron les traditionnalistes non encore « ralliés » ? Que la Rome moderniste publie, trois jours seulement après le Motu Proprio, ce texte doctrinal, n’est sûrement pas le fruit du hasard. Tout se passe comme si Benoît XVI voulait très rapidement annexer la Fraternité Saint-Pie X et les œuvres qui lui sont liées ou, à défaut, l’isoler de ses fidèles, ravis quant à eux par cette avalanche de bonnes nouvelles. Cette entreprise de séduction sera-t-elle couronnée de succès ?
QUELLE APPLICATION SUR LE TERRAIN ?
Il faudra d’abord voir l’application sur le terrain du décret sur la messe tridentine qui aura force de loi à partir du 14 septembre. Plusieurs curés et évêques conciliaires n’ont, à ce jour, pas l’intention de répondre favorablement aux demandes de fidèles. Ainsi l’archevêque de Paris, « Mgr » André Vingt-Trois, dans une « Lettre pastorale aux curés et aux prêtres de Paris », indique clairement qu’il « n’ouvrira pas de paroisse personnelle (de rite tridentin) dans le diocèse de Paris » et que les trois lieux de culte autorisées dans la capitale (Ste-Odile, St-Eugène-Ste-Cécile et la chapelle Notre-Dame-du-Lys) suffisent amplement à couvrir les besoins. Difficile de ne pas y voir une fin de non recevoir à l’égard de l’Institut du Bon Pasteur et du Centre Saint-Paul animé par l’abbé de Tanoüarn et qui rassemble chaque dimanche plusieurs centaines de fidèles dans une salle du IIe arrondissement. On voit là l’absurdité de la situation : l’Institut du Bon Pasteur a été érigé canoniquement par le Vatican le 8 septembre 2006 ; la messe tridentine est désormais libéralisée, certes sous conditions (qu’entend-on ainsi par un « groupe stable de fidèles » ?) mais ses prêtres ne peuvent toujours pas disposer d’églises ou de chapelles pour célébrer leurs offices !
Les évêques conciliaires de France estiment que ce Motu Proprio devrait déboucher sur une petite cinquantaine de centres de messe supplémentaires car la demande des fidèles est peu importante. Il n’est pas sûr en effet que ce texte change fondamentalement la réalité sur le terrain, la plupart des fidèles soit ayant déserté les églises, soit s’étant habitués à la nouvelle messe. Et même si des curés conciliaires acceptent de dire la messe tridentine, ce qui ne va pas de soi, que diront-ils dans leurs sermons ? De plus se pose la question de la validité de leur ordination (voir entre autres les travaux érudits de l’abbé Cekada sur le site www.rore-sanctifica.org).
JOIE OU INTERROGATIONS
L’heure n’est cependant pas au scepticisme mais à la joie dans la plus grande partie de la mouvance traditionnaliste. De la Fraternité Saint-Pierre à la Fraternité Saint-Pie X, de l’Institut du Christ-Roi à la Contre-Réforme catholique, c’est à celui qui se réjouira le plus fort. Ces organisations traditionnalistes ont d’ailleurs fait chanter des Te Deum en remerciement à Benoît XVI. Mais c’est sans doute l’abbé Philippe Laguérie qui est le plus enthousiaste sur son blog <institutdubonpasteur.org> : « C’est la victoire de l’Eglise Catholique, de son Pape, de ses évêques, de ses prêtres et de ses fidèles, tous humiliés longtemps sous un joug étranger : l’autodestruction de l’Eglise s’arrête, les fumées de Satan se dissipent, la barque de saint Pierre, qui « prenait l’eau de toutes parts » reprend la mer avec audace et déverse sa fierté éternelle d’épouse de Jésus-Christ sur chacun de ses fils. » A l’inverse, les milieux sédévacantistes se montrent hostiles à l’initiative de Ratzinger (le site <virgo-maria.org> dénonce ainsi dans le Motu Proprio « une nouvelle étape dans la révolution liturgique que poursuivent depuis plus de 40 ans les hiérarques de l’Eglise conciliaire » et stigmatise la « trahison » de Mgr Fellay).
Toute la question est en effet de savoir si, en ce centième anniversaire de l’encyclique Pascendi contre le modernisme, ce Motu Proprio marque le début d’un redressement ou si au contraire il parachève une entreprise de neutralisation de la résistance catholique au profit de la nouvelle Eglise. Ceux qui penchent pour la seconde solution se souviennent de la prière de Benoît XVI dans la mosquée bleue d’Istanbul, à la manière des mahométans, de son allégeance à la synagogue et au dogme de la « Shoah », de ses constantes références à Vatican II. Après tout dans le Panthéon d’Assise il y a de la place pour la messe traditionnelle !
Jérôme BOURBON,

RIVAROL du 20 juillet 2007 (n°2820), page 9.