19 juillet 2007





Benoît XVI et Mgr Gamber - le Motu proprio « Summorum pontificum »
19 juillet 2007 - abbé Aulagnier - la.revue.item.free.fr
Un regard sur le monde politique et religieux au 19 juillet 2007 - N° 138
Benoît XVI et Mgr Gamber
 le Motu proprio « Summorum pontificum »

Tous nos amis ont  parlé, avec éloge,  du nouveau Motu Proprio « Summorum pontificum » de Benoît XVI, publié le 7 juillet 2007, redonnant, enfin, à l’Eglise catholique, latine, le libre usage de la messe « traditionnelle ». Tous s’en sont réjouis, ont même chanté le « Te Deum ». Je me joins à leur action de grâces. Voilà tant d’années que nous attendions cette heure. Que le droit soit dit avec vigueur et force, ne peut que nous satisfaire ! C’est chose faite par ce Motu Proprio : Le missel de saint Pie V « n’ a jamais été juridiquement abrogé » et « par conséquent, il est toujours resté autorisé ». Cette affirmation est  très heureuse ! L’appel de Jean Madiran au Souverain  Pontife, un appel historique, est enfin exhaussé. « Très Saint Père,  Redonnez nous la messe ». C’est fait ! Au bout de plus de 3 ans !
Je voudrais, quant à moi, souligner l’influence de Mgr Gamber, en cette affaire. Elle est immense. Elle est première. Elle  permet de comprendre le véritable esprit de ce Motu Proprio, de comprendre l’œuvre aujourd’hui entreprise. Le pape Benoît XVI n’en restera pas là. Ce n’est qu’un premier pas…Il ne rappellera pas seulement le droit de l’ « antique » messe : « Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise et de leur donner leur juste place ».  Il ne cherchera pas à seulement instaurer dans l’Eglise une simple coexistence pacifique des rites. Il corrigera tôt ou tard, la nouvelle messe. C’est là une grande idée d’un de ses maîtres en liturgie, Mgr Gamber qui écrivait déjà en 1974 : « Il faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romain…De toute façon il faudrait que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours » (La réforme liturgique en question. p. 96)
Mais nous ferons tout d’abord remarquer que  l’Eglise, en ce début de pontificat de Benoît XVI,  - deux ans, ce n’est pas beaucoup - retrouve sa Tradition liturgique. Un « coup de barre franc » est donné par le Pape en direction de la liturgie traditionnelle. Nous ferons également remarquer que c’est au même instant, on ne l’a pas assez souligné, que des précisions très importantes  sont données par Rome sur  « l’Ecclésiologie » et sur le fameux « substitit in » du texte conciliaire « Lumen Gentium » qui a fait couler tant d’encre... Ce document est daté du 10 juillet, trois jours après le Motu Proprio.  Nous y reviendrons prochainement. La Fraternité sacerdotale saint Pie X ne pourra pas, plus longtemps, ignorer ces textes, ces précisions, ces décisions simples et concrètes, tant en matière doctrinale que liturgique.  On sait qu’elle a posé cette condition, la constatation d’ « un coup de barre franc vers la Tradition ecclésiale » pour entreprendre des « négociations » avec Rome…Le fait est aujourd’hui constatable en matière liturgique…Ces « négociations » devraient être pour demain…
Mais pour l’instant, voyons la pensée de Mgr Gamber en matière liturgique et son influence sur la pensée de Benoît XVI.
Mgr Gamber dans la pensée de Benoît XVI.
Le cardinal Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, exprimait  clairement sa pensée sur Mgr Klaus Gamber dans la préface du  livre publié par Dom Gérard aux éditions  Sainte Madeleine – un  recueil de textes anciens publiés par l’auteur dans les années 1974, 1978 dans la revue Una Voce-Korrespondenz - et intitulé : « La réforme liturgique en question ». Il voit en lui un vrai liturgiste, un vrai historien de la liturgie qui pourrait être le « père » d’un nouvel élan liturgique qui doit nécessairement être mené à l’intérieur de l’Eglise, « le « père » d’ « un nouveau départ » liturgique (p. 7) : « Ce nouveau départ a besoin de « pères » qui soient des modèles, et qui ne se contentent pas d’indiquer la voie à suivre ». « Qui cherche aujourd’hui de tels « pères » rencontrera immanquablement la personne de Mgr Gamber, qui nous a malheureusement été enlevé trop tôt ».
On peut difficilement être plus élogieux. L’estime qu’il porte à ce prélat allemand, spécialiste de liturgie, peut être difficilement plus grande!
Mais lisons sa préface. Elle n’est pas longue :
« Klaus Gamber
« L’intrépidité d’un vrai témoin ».
Un jeune prêtre me disait récemment : « Il nous faudrait aujourd’hui un nouveau mouvement liturgique ». C’était là l’expression d’un souci que, de nos jours, seuls des esprits volontairement superficielles pourraient écarter. Ce qui importait à ce prêtre, ce n’était pas de conquérir de nouvelles et audacieuses libertés : quelle liberté ne s’est-on pas déjà arrogée ? Il sentait que nous avions besoin d’un nouveau commencement issu de l’intime de la liturgie lorsqu’il était à l’apogée de sa véritable nature, lorsqu’il ne s’agissait pas de fabriquer des textes, d’inventer des actions et des formes, mais de redécouvrir le centre vivant, de pénétrer dans le tissu proprement dit de la liturgie, pour que l’accomplissement de celle-ci soit issu de sa substance même. La réforme liturgique, dans sa réalisation concrète, s’est éloignée toujours davantage de cette origine. Le résultat n’a pas été une réanimation mais une dévastation.
D’un côté, on a une liturgie dégénérée en « show », où l’on essaye de rendre la religion intéressante à l’aide de bêtises à la mode et de maximes morales aguichantes, avec des succès momentanés dans le groupe des fabricants liturgiques, et une attitude de recul d’autant plus prononcée chez ceux  qui cherchent dans la liturgie non pas le « showmaster » spirituel, mais la rencontre avec le Dieu vivant devant qui tout « faire » devient insignifiant, seule cette rencontre étant capable de nous faire accéder aux vraies richesses de l’être.
De l’autre côté, il y a  conservation des formes rituelles dont la grandeur émeut toujours, mais qui, poussée à l’extrême, manifeste un isolement opiniâtre et ne laisse finalement que tristesse.
Certes, il reste entre les deux tous les prêtres et leurs paroissiens qui célèbrent la nouvelle liturgie avec respect et solennité, mais ils sont remis en question par la contradiction entre les deux extrêmes, et le manque d’unité interne dans l’Eglise fait finalement paraître leur fidélité, à tort pour beaucoup d’entre eux, comme une simple variété personnelle de néo conservatisme.
Parce qu’il en est ainsi, une nouvelle impulsion spirituelle est nécessaire pour que la liturgie soit à nouveau pour nous une activité communautaire de l’Eglise et qu’elle soit arrachée à l’arbitraire des curés et de leurs équipes liturgiques »
On ne peut pas « fabriquer » un mouvement liturgique de cette sorte ( de cette manière) - pas plus qu’on ne peut « fabriquer » quelque chose de vivant -, mais on peut contribuer à son développement en s’efforçant d’assimiler à nouveau l’esprit de la liturgie et en défendant publiquement ce qu’on a ainsi reçu.
Ce nouveau départ a besoin de « pères » qui soient des modèles, et qui ne se contentent pas d’indiquer la voie à suivre. Qui cherche aujourd’hui de tels « pères » rencontrera immanquablement la personne de Mgr Klaus Gamber, qui nous a malheureusement été enlevé trop tôt, mais  qui peut-être, précisément en nous quittant, nous est devenu véritablement présent dans toute la force des perspectives qu’il nous a ouvertes.
Justement parce qu’en nous quittant il échappe à la querelle des partis, il pourrait, en cette heure de détresse, devenir la « père » d’un niveau départ. Gamber a porté de tout son cœur l’espoir de l’ancien mouvement liturgique. Sans doute, parce qu’il venait d’une école étrangère, est-il resté un « outsider » sur la scène allemande, où l’on ne voulait pas vraiment l’admettre ; encore récemment une thèse a rencontré des difficultés importantes parce que  le jeune chercheur avait osé citer Gamber trop abondamment et avec trop de bienveillance. Mais peut-être que cette mise à l’écart a été providentielle, parce qu’il a forcé Gamber à suivre sa propre voie et qu’elle lui a évité le poids du conformisme.
Il est difficile d’exprimer en peu de mots ce qui, dans la querelles des liturgistes, est vraiment essentiel et ce qui ne l’est pas. Peut-être que l’indication suivante pourrait être utile. J.A. Jungmann, l’un  des vraiment grands liturgistes de notre siècle, avait défini en son temps la liturgie, telle qu’on l’entendait en Occident en se la représentant surtout à travers la recherche historique, comme une « liturgie fruit d’un développement  » ; probablement aussi par contraste avec la notion orientale qui ne voit pas dans la liturgie le devenir et la croissance historiques, mais seulement le reflet de la liturgie éternelle, dont la lumière, à travers le déroulement sacré, éclaire notre temps changeant de sa beauté et de sa grandeur immuables. Les deux conceptions sont légitimes et ne sont en définitive pas inconciliables.
Ce qui s’est passé après le Concile signifie toute autre chose : a la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication organique du vivant – par une fabrication, produit banal de l’instant.
Gamber, avec la vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin, s’est opposé à cette falsification et nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable, grâce à sa connaissance incroyablement riche des sources. En homme qui connaissait et aimait l’histoire, il nous a montré les formes multiples du devenir et du chemin de la liturgie ; en homme qui voyait l’histoire de l’intérieur, il a vu dans le développement et le fruit de ce développement le reflet intangible de la liturgie éternelle, laquelle n’est pas l’objet de notre faire, mais qui peut continuer merveilleusement à mûrir et à s’épanouir, si nous nous unissons intimement à son mystère. La mort de cet homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous aider à prendre un nouvel élan » (p6-8)
Il est difficile, oui !  d’exprimer en si peu de mots pareil éloge. C’est ce prêtre, cet historien, ce savant, ce liturgiste, ce vrai témoin et amoureux de l’histoire, cet « authentique voyant »  que Benoît XVI a étudié, qu’il prend pour maître en liturgique . Il va s’en inspirer, bien normalement, pour entreprendre la restauration liturgique dans l’Eglise.
Je pense pouvoir dire que ce Motu Proprio est le premier moment d’une grande réforme.
Les évêques qui semblent vouloir s’attacher, « s’arque bouter » à la Nouvelle Messe , devraient bien étudier la pensée de Mgr Gamber. Le pape n’en restera pas à une simple juxtaposition des « rites »
La pensée de Mgr Klaus Gamber : les deux formes, - l’ancien et le nouveau rites -  doivent subsister paisiblement côte à côte.
Mgr Klaus Gamber exprime sa pensée sur la question de la coexistence des deux formes du rituel de la messe,  qui fait l’objet du Motu Proprio « Summorum pontificum »,  dans le chapitre 7 du livre «   La Réforme liturgique en question ». (Ed Sainte Madeleine)
Face au problème liturgique dans l’Eglise, voici la solution  qu’il suggère
« Le ritus romanus et le ritus modernus devraient être tous deux considérés comme légitimes ».
Cette affirmation a été écrite par Mgr Gamber entre 1974 et 1978.
Il revient sur cette idée à la fin du livre au chapitre intitulé : « En guise de Conclusion. Il s’exprime là d’une manière particulièrement forte : « Nous ne pouvons que prier et espérer que l’Eglise romaine reviendra à la tradition et autorisera à nouveau partout la liturgie de la messe vieille de bien plus de mille ans. Pourquoi deux formes, l’ancien et le nouveau rites,  ne pourraient-elles pas subsister paisiblement côte à ôte. Comme en Orient où il y a plusieurs rites ou liturgies ; et même en Occident, aujourd’hui encore, où il y a des rites particuliers comme à Milan. Sans parler du fait qu’actuellement presque chaque curé modèle la messe à sa guise. Mais de toute façon il faudra que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours…Il faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine, pas seulement pour les prêtres et les laïcs âgés, incapables de s’adapter, mais comme forme primaire de la célébration de la messe. Il faut qu’il redevienne la norme de la foi et le signe de l’unité des catholiques dans le monde entier, un pôle fixe pour un temps déboussolé et en perpétuel changement » (p. 95-96)
Voilà ce que notre auteur écrivait en 1974, 1978.
1974- 1978 : le règne de la « tyrannie »
C’était pourtant l’époque où régnait une véritable « tyrannie » dans l’Eglise contre les prêtres et les laïcs qui voulaient rester fidèles à la messe « tridentine ».
Il fallait une particulière force d’âme,  fondée sur la vérité, pour demander que la messe tridentine puisse être encore célébrée dans l’Eglise et dire qu’elle n’avait nullement été abrogée dans les formes canoniques et qu’elle ne pouvait pas l’être en raison de son aspect immémorial. 
Le pape Paul VI, le 24 mai 1976, avait engagé toute son « autorité pontificale » pour que soit uniquement célébrée, dans l’Eglise et toutes les communautés,  la Nouvelle Messe.   Il le disait aux membres du Consistoire, le  24 mai 1976 : « ... Plusieurs fois, directement ou par l’intermédiaire de nos collaborateurs et d’autres personnes amies, nous avons appelé l’attention de Mgr Lefebvre sur la gravité de ses attitudes, l’inconsistance et souvent la fausseté des positions doctrinales sur lesquelles il fonde ces attitudes et ces initiatives, et le dommage qui en résulte pour l’Église entière.
C’est donc avec une profonde amertume, mais aussi avec une paternelle espérance, que nous nous adressons une fois de plus à ce confrère, à ses collaborateurs et à ceux qui se sont laissé entraîner par eux. Oh ! certes, nous croyons que beaucoup de ces fidèles, au moins dans un premier temps, étaient de bonne foi : nous comprenons aussi leur attachement sentimental à des formes de culte et de discipline auxquelles ils étaient habitués, qui pendant longtemps ont été pour eux un soutien spirituel et dans lesquelles ils avaient trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous avons le ferme espoir qu’ils sauront réfléchir avec sérénité, sans parti pris, et qu’ils voudront bien admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la nourriture auxquels ils aspirent dans les formes renouvelées que le concile Vatican II et Nous-mêmes avons décrétées comme nécessaires pour le bien de l’Église, pour son progrès dans le monde contemporain, pour son unité. Nous exhortons donc, encore une fois, tous ces frères et fils, nous les supplions de prendre conscience des profondes blessures que, autrement, ils causent à l’Église. De nouveau, nous les invitons à penser aux graves avertissements du Christ sur l’unité de l’Église (cf. Jn 17, 21 sq) et sur l’obéissance due au pasteur légitime qu’il a mis à la tête du troupeau universel, comme signe de l’obéissance due au Père et au Fils (cf. Le 10, 16). Nous les attendons le cœur grand ouvert, les bras prêts à les étreindre : puissent-ils retrouver, dans l’humilité et d’édification, pour la joie du peuple de Dieu, la voie de l’unité et de l’amour ! »
Malgré cela, Mgr Gamber affirme qu’il « faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine…comme rite primaire de la célébration de la messe ».
« Rite millénaire dans l’Eglise catholique…Rite primaire de la célébration de la messe »…J’aurais aimé trouver ces expressions dans le Motu Proprio de Benoît XVI en son article I §1. Mais peu importe,  l’idée s’y trouve et c’est l’essentiel.
Elle s’y trouvait déjà dans le  livre du cardinal Ratzinger: « le sel de la terre », livre d’entretien sur la liturgie avec Peter Seewald.
La pensée du cardinal Ratzinger.
Le « sel de la terre ».
Ce dernier lui pose la question de la reviviscence de l’ancien rite : « Est-il possible, pour lutter contre cette manie de tout niveler et de ce désenchantement de remettre en vigueur l’ancien rite ? »
Le Cardinal lui répond :
« Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de dangereux  ou d’inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?…. Malheureusement, la tolérance envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin. » (p. 172-173).
« Voici quel est notre Dieu »
On retrouvera la même idée dans l’un de ses  derniers livres: « Voici quel est notre Dieu ». A la page 291, il écrit : Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique est traité comme un lépreux ; c’est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Eglise. On méprise par là tout le passé de l’Eglise… J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance, qui s’oppose aux r »conciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison valable » (p 291).
Benoît XVI : le Motu Proprio « Summorum pontificum »
Et c’est ainsi que le pape Benoît XVI reprend, quelques années plus tard, deux ans après son accession au trône pontifical, tout naturellement,  cette idée de la légitime célébration de l’ancienne messe dans l’Eglise.
Ce sont  les 5 premiers articles du Motu Proprio.  Il affirme tout d’abord la libre célébration des deux rites, un qu’il appelle rite « extraordinaire », celui de Jean XXIII, l’autre qu’il appelle le rite « ordinaire », celui de Paul VI. -  Mgr Gamber lui parlait, nous l’avons dit, du « ritus romanus » pour la messe de Jean XXIII et du « ritus modernus » pour celui de Paul VI -  J’aurais préféré, vous dis-je,  retrouver ces expressions de Mgr Gamber. 
« Article 1 §2 : « Il est donc permis de célébrer la sacrifice de la messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la liturgie de l’Eglise ».
C’est un droit purement et simplement affirmé. Ce n’est pas une « concession ». C’est un droit. Il n’est plus nécessaire de recourir préalablement à une quelconque autorité, celle du Saint Siège ou de l’ordinaire, comme le demandait les derniers documents en la matière : « Quattuor abhinc annos » » ou « Ecclesia Dei addflica ». A ce titre, ces textes sont purement et simplement abolis. C’est l’article 1 § 2 qui l’affirme : «Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition typique du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgiede l’Eglise. Mais les conditions établies par les documents précédents Quattuor abhinc annos et Ecclesia Dei pour l’usage de ce Missel sont » abolies
C’est clairement repris dans l’article 2 : « Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son ordinaire »
Ce droit vaut pour tout prêtre diocésain, pour tout prêtre religieux, pour tous instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical. C’est l’article 3 : « Si des communautés d’Instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical ou de droit diocésain désirent, pour la célébration conventuelle ou « communautaire », célébrer dans leurs oratoires propres  la Messe selon l’édition du Missel romain promulgué en 1962, cela leur est permis. Si une communauté particulière ou tout l’Institut ou Société veut avoir de telles célébrations souvent ou habituellement ou de façon permanente, cette façon de faire doit être déterminée par les Supérieurs majeurs selon règles du droit et les lois et statuts particuliers ». Ici, Le R.P. de Blignière qui s’était exprimé sur ce sujet, dans « Sedes Sapientiae », sa revue,  au nom des tous les Instituts de droit pontifical dépendant d’« Ecclesia Dei » trouve, là,  entière satisfaction.
L’article 5 va préciser ce droit et son exercice pour les paroisses. Voici sa formulation :
 Art. 5, § 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la Messe selon le rite du Missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’Evêque selon les normes du canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Eglise.
§ 2. La célébration selon le Missel du bienheureux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordinaires mais les dimanches et les jours fêtes, une Messe sous cette forme peut aussi être célébrée.
§ 3. Le curé peut aussi autoriser aux fidèles ou au prêtre qui demandent, la célébration sous cette forme extraordinaire dans des cas particuliers comme des mariages, des obsèques ou des célébrations occasionnelles, par exemple des pèlerinages.
§ 4. Les prêtres utilisant le Missel du bienheureux Jean XXIII doivent être idoines et non empêchés par le droit.
§ 5. Dans les églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles, appartient au Recteur de l’église d’autoriser ce qui est indiqué ci-dessus ».
Distinction des deux rites
Dans le chapitre 7,  du livre « La Réforme liturgique en question », Mgr Klaus Gamber affirme que les deux formes du rite, qu’il appelle « ritus romanus » et « ritus modernus »  - expressions que j’aurais aimé, encore une fois, retrouver dans l’ article 1 § 1 - doivent être nettement distinguées l’une de l’autre. « Ils devront être nettement distingués l’un de l’autre comme deux rites indépendants, et cela de telle manière que le missel romain utilisé jusqu’ici, ainsi que les autres livres liturgiques (rituel et pontifical), soient à nouveau imprimés et autorisés sous leur forme préconciliaire. Les modification du rite de l’après Concile ne devraient être valable que pour le rite modernus. En font partie, entre autres, le changement dans les paroles de la consécration qui a scandalisé de nombreux prêtres, les nouvelles prières eucharistiques, ainsi que la nouvelle distribution des lectures, qui, de toute façon, étant donné ses insuffisances, devra être remplacée par une autre, meilleure ».( p. 75)
Cette idée importante est clairement reprise d’une manière implicite  par le Motu Proprio, « Summorum pontificum ». Le pape prend bien soin, en effet, de les distinguer. L’un n’est pas l’autre, même s’ils expriment, dit-il,  la même « lex credendi » de l’Eglise. A voir ! C’est tout l’objet du § 1 de l’article 1 : «  Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Eglise et en raison de son usage vénérable et antique doit jouir de l’honneur qui lui est dû. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Eglise n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Eglise ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Cette stricte distinction des deux formes rituelles avait été également suggérée à Jean-Paul II par une  commission de neuf  cardinaux en 1986. Ils avaient suggéré en effet au Pape un certain nombre de propositions - que l’on retrouve tout à fait dans le Motu Proprio de Benoît XVI - insistant beaucoup aussi sur cette distinction des deux rites.  M de Saventhem, président honoraire d’Una Voce Internationale, les avait ainsi résumées :
«  Les normes de 1986 : en été 1986, une commission de huit cardinaux de Curie fut constituée ad hoc pour contrôler si l’indult de 1984 était susceptible de fonctionner. Elle trouva qu’en pratique, il s’était montré « peu secourable » et présenta des recommandations détaillées pour une nouvelle réglementation pour toute l’Eglise. La teneur de ces recommandations peut se résumer de la façon suivante :
1- Dans les offices du rite romain, l’honneur qui lui est dû (debita honor) doit être accordé à la langue latine. Les évêques doivent donc prendre soin que les dimanches et jours fériés  soit célébrée au moins une messe en langue latine dans chaque localité importante de leur diocèse. Cependant les lectures pourront être dites en vernaculaire.
2- Pour leurs messes privées tous les prêtres peuvent, en tout temps, employer la langue latine
3- Pour chaque messe célébrée en langue latine, avec ou sans fidèles présents, le célébrant a le droit de choisir librement entre le missel de Paul VI(1970) et celui de Jean XXIII(1962)
4- Si le célébrant choisit le missel de Paul VI, il doit s’en tenir aux rubriques du dit missel.
5- Si le célébrant choisit le missel de Jean XXIII, il est tenu d’employer les rubriques du dit missel, mais il peut : -employer soit la langue latine, soit la langue vulgaire pour les lectures et – puiser dans les Préfaces et les prières du Propre de la messe supplémentaires, contenues dans le missel de Paul VI et introduire des « preces universales »(intercessions)
6- Le calendrier liturgique pour les fêtes sera celui du missel choisi par le célébrant ».
Mgr Gamber insiste lui aussi beaucoup sur cette stricte distinction à maintenir  entre les deux rites. Pour quelle raison ? La « continuité des formes de la messe » en est la raison première et fondamentale. Il écrit: « Il est sans intérêt de faire subir au ritus romanus traditionnel comme on l’a malheureusement fait jusqu’ici, les expériences actuelles (et il faut considérer que la plupart des innovations en sont). Sinon on perdrait un élément important, cette continuité des formes de la messe dont nous avons plusieurs fois parlé dans les exposés qui précèdent. Tandis que si l’on laisse inchangé l’ancien rite et si l’on continue à l’utiliser à côté du nouveau – mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte » (p. 76)
Toutefois Mgr Gamber ne se serait pas exprimé sur ce sujet de la distinction des rites, ce me semble, de la même manière que Benoît XVI. Mgr Gamber, en effet, écrit : « La forme de la messe actuellement en vigueur ne pourrait plus passer pour le rite romain au sens strict mais pour un rite particulier ad experimentum. Seul l’avenir montrera si ce nouveau rite pourra un jour s’imposer de façon générale et pour une longue période. On peut supposer que les nouveaux livres liturgiques ne resteront pas bien longtemps en usage, car les éléments  progressistes de l’Eglise auront entre temps certainement développé de nouvelles conceptions concernant l’ « organisation » de la célébration de la messe, s’ils ne l’ont déjà fait…La célébration versus populum, injustifiable du point de vue tant historique que théologique et sociologique, devrait être peu à peu à nouveau éliminée » (p 76)
Je pense que les «discussions », lors de la mise au point du Motu Proprio,  ont été fortes sur ce sujet et qu’elles sont pour une part la raison du retard dans la publication de ce texte. La pape a du concéder beaucoup, lui,  le disciple de Mgr Gamber…C’est un simple avis personnel…
Les lectures en langue vernaculaire
L’article 6 du Motu Proprio parle des lectures pouvant être faites, dans le rite de Jean XXIII en langue vernaculaire, alors qu’il est célébré avec le peuple. Il est dit : « Dans les Messes selon le Missel du B. Jean XXIII célébrées avec le peuple, les lectures peuvent aussi être proclamées en langue vernaculaire, utilisant des éditions reconnues par le Siège apostolique ».
Mgr Gamber est sur sujet également très clair. Il va tout à fait en ce sens : « Quant au ritus romanus, on songera à un enrichissement de la messe selon l’esprit du Concile Vatican II, par l’adoption d’un plus grand nombre de préfaces propres empruntées au trésor des anciens sacramentaires romains. Cependant l’adoption de ces suppléments devra rester provisoirement ad libitum, c’est-à-dire soumise à la libre décision du prêtre célébrant. Afin de mettre plus en relief les temps liturgiques, toutes les petites fêtes des saints pourraient être célébrées que sous forme de mémoire. Mais on doit considérer comme allant de soi de nos jours que les lectures, y compris celles du ritus romanus, soient en général proclamées dans la langue du pays ». (p 76)
Les raisons de cette coexistence des « rites »
Et si vous  cherchez pourquoi Mgr Gamber souhaite le maintien du rite « antique », vous trouverez  trois raisons qui seront explicitement reprises par Benoît XVI dans sa lettre de présentation du Motu Proprio aux évêques. Voici ces trois raisons exposées dans son chapitre 7.
a- La première raison : le maintien du rite romain, dans sa forme ancestrale et solennelle assurera plus facilement, demain, l’unité du culte et de  l’Eglise. Nous retrouvons le texte précédemment cité. Cette idée est très importante et dans la pensée de Mgr Gamber et dans la pensée de BenoîtXVI
Mgr Gamber écrit : « Il est sans intérêt de faire subir au ritus romanus traditionnel, comme on l’a malheureusement fait  jusqu’ici, les expériences actuelles (et il faut considérer que la plupart des innovations en sont). Sinon on perdrait un élément important, cette continuité des formes de la messe…- C’est une idée qui est également essentielle dans la pensée de Benoît XVI - Tandis que,  si on laisse inchangé l’ancien rite et si on continue à l’utiliser à côté du nouveau  - mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte ». (76)
Cette continuité des formes de la messe…comme le dit Mgr Gamber est une idée très chère, vous dis-je, à Benoît XVI. Il l’exprima très  clairement dans la préface du livre que nous analysons. Il écrit, - reprenons cette idée tant elle importante pour l’avenir de la liturgie  - «  Ce qui s’est passé après le Concile signifie toute autre chose : à la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication organique du vivant – par une fabrication, produit banal de l’instant.
Gamber, avec la vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin, s’est opposé à cette falsification et nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable, grâce à sa connaissance incroyablement riche des sources. En homme qui connaissait et aimait l’histoire, il nous a montré les formes multiples du devenir et du chemin de la liturgie ; en homme qui voyait l’histoire de l’intérieur, il a vu dans le développement et le fruit de ce développement le reflet intangible de la liturgie éternelle, laquelle n’est pas l’objet de notre faire, mais qui peut continuer merveilleusement à mûrir et à s’épanouir, si nous nous unissons intimement à son mystère. La mort de cet homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous aider à prendre un nouvel élan »
Il faut bien retenir cette idée et sa formulation :
b- La deuxième raison : éviter le risque d’un schisme.
« Bien des problèmes pourraient être résolus, nous dit encore Mgr Gamber,  dans l’Eglise par la stricte séparation entre le rite romain et la nouvelle liturgie en langue vulgaire du ritus modernus et par la possibilité ainsi offerte aux fidèles d’utiliser les deux formes de messe. Mais surtout cela diminuerait le risque d’un schisme important, les légitimes réclamations d’innombrables catholiques  - près de la moitié de ceux qui pratiquent encore – en faveur de la célébration traditionnelle de la liturgie étant satisfaites, sans que soit pour autant négligé le désir des autres d’avoir une messe « actuelle » (p. 77)
Cette idée est amplement développée dans la lettre explicative du pape Benoît XVI aux évêques. Il la présente même comme « la raison positive » de sa décision. Il leur écrit en effet : « J’en arrive à la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988. Il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider. Ce regard vers le passe nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau »
Et le pape de citer en conclusion de cette idée la nécessité d’ouvrir largement son cœur à tous. Plus de sectarisme ! C’est l’enseignement de saint Paul  aux Corinthiens. Il le fait sien. Il veut que les évêques  le fassent leur. Et ainsi en donnant à ceux qui le veulent la possibilité de recourir à l’usage ancien, on assurera plus facilement l’unité de tous.
c- La troisième raison : diversité des cultes et unité de l’Eglise.
Mgr Gamber expose une troisième idée qui sera largement reprise et développée par Benoît XVI : la diversité des cultes ne nuit pas à l’unité de l’Eglise. Bien au contraire !
« On pourrait objecter que la solution proposée ici de deux rites utilisés parallèlement pourrait troubler l’unité ecclésiale dans les paroisses. On répondra à cela, que dans l’ensemble de l’Eglise et surtout en Orient, il y a eu de tout temps plusieurs rites reconnus par Rome. Cela ne saurait donc être vraiment grave si, dans l’Eglise romaine également, deux formes de messe cœxistaient côte à côte – au moins pour un certain temps. Mais si seulement il n’y en avait actuellement que deux ! Pour l’instant il y a comme on sait, d’innombrables rites, nombres de prêtres « arrangeant » la messe entièrement à leur guise. Il ne peut donc être vraiment question d’unité de rite » (p 78)
La conférence à Rome de 1998
Le cardinal Ra  tzinger reprenait en tous points cette idée dans la conférence qu’il adressait en 1998 aux membres des communautés « Ecclesia Dei » venus à Rome pour fêter les dix ans du Motu Proprio du même nom. Il leur disait : « Il faut encore examiner l'autre argument, qui prétend que l'existence de deux rites peut briser l'unité. Là, il faut faire une distinction entre le côté théologique et le côté pratique de la question. Pour ce qui est du côté théorique et fondamental, il faut constater que plusieurs formes du rite latin ont toujours existé, et qu'ils se sont retirés seulement lentement suite à l'unification de l'espace de vie en Europe. Jusqu’au concile existaient, à côté du rite romain, le rite ambrosien, le rite mozarabe de Tolède, le rite de Braga, le rite des Chartreux et des Carmes, et le plus connu : le rite des dominicains, - et peut-être d'autres rites encore que je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé, que les dominicains, souvent présents dans nos paroisses, ne célébraient pas comme les curés, mais avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun doute, que leur rite fût catholique autant que le rite romain, et nous étions fiers de cette richesse d'avoir plusieurs traditions diverses. En outre, il faut dire ceci : l'espace libre, que le nouvel Ordo Missae donne à la créativité, est souvent élargi excessivement, la différence entre la liturgie selon les livres nouveaux, comme elle est pratiquée en fait, célébrée en des endroits divers, est souvent plus grande que celle entre une liturgie ancienne et une liturgie nouvelle, célébrées toutes les deux selon les livres liturgiques prescrits. Un chrétien moyen sans formation liturgique spéciale a du mal à distinguer une messe chantée en latin selon l'ancien Missel d'une messe chantée en latin selon le nouveau Missel ; par contre, la différence entre une liturgie célébrée fidèlement selon le Missel de Paul VI et les formes et les célébrations concrètes en langue vulgaire avec toutes les libertés et créativités possibles, - cette différence peut être énorme ! »
La lettre de Benoît XVI aux évêques.
Benoit XVI reprend de nouveau l’argument dans sa lettre aux évêques, tout en donnant un autre motif.  Il leur dit :
« En second lieu, au cours des discussions sur ce Motu Proprio attendu, a été exprimée la crainte qu’une plus large possibilité d’utiliser le Missel de 1962 puisse porter à des désordres, voire à des  fractures dans les  communautés paroissiales. Cette crainte ne me parait pas non plus réellement fondée. L’usage de l’ancien Missel présuppose un : minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. De ces éléments préalables concrets découle clairement la fait que le nouveau Missel restera certainement la forme ordinaire du Rite Romain, non seulement en raison de normes juridiques, mais aussi à cause de la situation réelle dans lesquelles se trouvent les communautés des fidèles ».
Cette petite étude montre réellement la parenté de pensée entre Benoît XVI et Mgr Klaus Gamber en matière liturgique. Il suivra celui qu’il nous propose comme « maître » en liturgie.
Et l’autre messe ?
Une chose, toutefois,  me laisse perplexe, c’est la doctrine exposée en l’article I § 1 du Motu Proprio. Le pape écrit : «  Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Eglise et en raison de son usage vénérable et antique doit jouir de l’honneur qui lui est dû. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Eglise n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Eglise ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Et il poursuit dans sa lettre d’accompagnement aux évêques : « Il n'y a aucune contradiction entre l'une et l'autre édition du Missale Romanum. L'histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. …Evidemment, pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l'usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L'exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ».
Il faut ici certainement préciser comme le fait, du reste, Jean Madiran, dans son  troisième article dans Présent sur le Motu Proprio, qu’ « il y a  deux manières licites
de s’en tenir à la messe traditionnelle en excluant l’autre messe, sans que ce soit une exclusion « par principe ».
Premièrement, on peut exclure l’autre messe en vertu de la règle propre d’une communauté ou d’un institut.
Secondement, il faut bien comprendre qu’exclure l’autre messe par principe, ce serait l’exclure comme hérétique, schismatique ou blasphématoire. Or les opposants à l’autre messe les plus représentatifs (que j’ai cités hier, le Père Clamel, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer, l’abbé Dulac, Louis Salleron….ndlr) n’ont point contesté, ils ont même explicitement reconnu sa licéité (avec un doute cependant pour certains… ndlr) et sa validité quand elle est célébrée conformément à son texte officiel. Même dans ce cas, on peut la refuser si ce n’est point par principe mais par exemple pour des raisons pastorales ».
Ainsi nous pouvons en rester à la messe traditionnelle.
Mais doit-on reconnaître « la valeur et la sainteté » de la nouvelle messe » comme nous le demande Benoît XVI ?
En lisant Mgr Gamber on peut en douter.
Ses critiques sont nombreuses. J’en recueille quelques unes.
« Nos messes sont-elles devenues plus attirantes pour les fidèles depuis le Concile ? La liturgie renouvelée a-t-elle contribué à augmenter le sens de la foi et de la piété ? A peine semble-t-il. Le peu de temps écoulé depuis l’introduction en 1969 du nouveau ordo missae a suffi à révéler que nos églises se vidaient de plus en plus, que le nombre de nos prêtres et de nos religieux diminuait de plus en plus et ce dans des proportions effrayantes. Certes les causes en sont multiples. Néanmoins la réforme liturgique n’a pas été capable de stopper cette évolution négative ; il est probable qu’elle n’a pas peu contribué à l’entretenir »(p 44)
Alors peut-on parler de « valeur » et de « sainteté » de la nouvelle messe ?
Ou encore : « Les rites d’ouvertures dotés, surtout dans la version allemande du missel, de nombreuses « prescriptions de choix possibles » ouvrent une porte toute grande à l’arbitraire du prêtre célébrant. Quel bavardage les fidèles ne doivent-ils pas subir par endroits dès le début de la messe ! Tout comme c’est plus d’une fois le cas aujourd’hui dans les communautés protestantes » (p. 45-46).
Peut-on parler alors de sainteté et de valeur de la nouvelle messe ?
Ou encore : « Les trois nouveaux canons constituent eux, une rupture complète avec la tradition. Ils ont été nouvellement composés d’après des modèles orientaux et gallicans et représentent, au moins de par leur style, un corps étranger dans le rite romain » (p 49)
Mais ou est donc la « valeur » et la « sainteté » de la nouvelle messe ?
Ou encore : « La modification, ordonnée par Paul VI, des paroles de la consécration et de la phrase qui suit, utilisées dans la liturgie romaine depuis plus de 1500 ans, n’avait pas été prévue par le Concile et n’était d’aucune utilité pour la pastorale. La traduction de « pro multis » par « pour tous » qu’on ne trouve dans aucun texte liturgique ancien, est douteuse et a même scandalisé » (p. 50)
Et vous voulez parler de « valeur » et de « sainteté » ?
Ou encore, « Du point de vue du rite, on est frappé de voir qu’on ait pu retirer sans raison les mots mysterium fidéi insérés dans les paroles de la consécration depuis environ VI siècle, pour leur conférer une utilisation nouvelle : ils deviennent un appel du prêtre après la consécration. Une appel de cette sorte : Mysterium fidei ! n’a certainement jamais été en usage à l’acclamation de l’assemblée : « Nous proclamons ta mort… » ne se trouve que dans quelques anaphores égyptiennes. Elle est en revanche étrangère aux autres rites orientaux et à toutes les prières eucharistiques occidentales, et ne cadre pas non plus avec le style du canon romain. En outre elle représente une rupture abrupte dans le discours : alors qu’on s’adresse à Dieu le Père, voici qu’on s’adresse brusquement au Fils » (p 50)
Ou donc est « la valeur » et la sainteté » d’un tel rite ?
Ou encore : « Les réformateurs voulaient visiblement une liturgie nouvelle, se différenciant de l’ancienne tant pas son esprit que par ses formes extérieures, et non plus un culte répondant davantage aux besoins de la pastorale moderne, comme le Concile l’avait souhaité. Liturgie et foi vont de pair. C’est pourquoi on a créé un nouveau rite correspondant largement aux tendances de la nouvelle théologie (moderniste). Comme jusqu’ici la liturgie respirait en tout l’esprit des vérités de foi traditionnelles et celui de l’ancienne piété, elle ne pouvait pas subsister sous la forme qui était la sienne. On supprima donc beaucoup de choses et on introduisit de nouveaux rites, de nouvelles prières et de nouveaux chants, ainsi que des lectures bibliques qu’il n’est pas rare de voir amputées intentionnellement des passages ne convenant pas à la théologie moderne, comme ceux qui rapportent les paroles d’un Dieu juge et qui châtie » (p 84)
Et vous voulez parler de « valeur » et de « sainteté ».
Ou encore : « La liturgie reste une patrie, même quand elle continue à se développer. Et elle n’a cessé de se développer au cours de l’histoire presque bi-millénaire de l’Eglise. Mais ce qui est capital, c’est que jamais il n’y eut cette rupture avec la tradition que nous vivons maintenant d’une manière si effrayante, et cela au moment où, en outre, on remet presque tout en question dans l’Eglise »(p. 92-93)
Ou donc est la sainteté ?
Alors on comprend que pour  Mgr Gamber «  il faudrait que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours » (p 96) C’est ce que devrait faire Benoît XVI, dans une prochaine étape
En attendant,  quant à moi, comme le RP  Calmel, « je m’en tiens à la messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l'Ordo Missae de Paul VI.
Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missae n'existe pas. Ce qui existe c'est une Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d'heure, le masque de l'Ordo Missae du 3 avril 1969. C'est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette Révolution liturgique. Et j'estime de mon devoir de prêtre de refuser de célébrer la Messe dans un rite équivoque.
Si nous acceptons ce rite nouveau, qui favorise la confusion entre la Messe catholique et la Cène protestante – comme le disent équivalemment deux Cardinaux et comme le démontrent de solides analyses théologiques (1) - alors nous tomberons sans tarder d'une Messe interchangeable (comme le reconnaît du reste un pasteur protestant) dans une Messe carrément hérétique et donc nulle. Commencée par le Pape, puis abandonnée par lui aux églises nationales, la réforme révolutionnaire de la messe ira son train d'Enfer. Com­ment accepter de nous rendre complices ?
Vous me demanderez : en maintenant, envers et contre tout, la Messe de toujours, avez-vous réfléchi à quoi vous vous exposez ? Certes. Je m'expose, si je peux dire, à persévérer dans la voie de la fidélité à mon sacerdoce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l'humble témoignage de mon office de prêtre. Je m'expose encore à rassurer des fidèles désemparés, tentés de scepticisme ou de désespoir. Tout prêtre en effet qui s'en tient au rite de la Messe codifié par saint Pie V, le grand Pape dominicain de la Contre-Réforme, permet aux fidèles de participer au Saint Sacrifice sans équivoque possible ; de communier, sans risque d'être dupe, au Verbe de Dieu incarné et immolé, rendu réellement présent sous les saintes es­pèces. En revanche, le prêtre qui se plie au nouveau rite, forgé de toutes pièces par Paul VI, collabore pour sa part à instaurer progressivement une Messe menson­gère où la présence du Christ ne sera plus véritable, mais sera transformée en un mémorial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réellement et sacramentellement offert à Dieu ; enfin la communion ne sera plus qu'un repas religieux où l'on mangera un peu de pain et boira un peu de vin ; rien d'autre comme chez les protestants. - Ne pas consentir à collaborer à l'instauration révolutionnaire d'une Messe équivoque, orientée vers la destruction de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésaventures temporelles, à quels malheurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suffit. En vérité la grâce du Coeur de Jésus, dérivée jusqu'à nous par le Saint Sacrifice et par les sacrements, suffit toujours. C'est pourquoi le Seigneur nous dit si tranquillement : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.
Je reconnais sans hésiter l'autorité du Saint Père. J'affirme cependant que tout Pape, dans l'exercice de son autorité, peut commettre des abus d'autorité. Je soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d'auto­rité d'une gravité exceptionnelle lorsqu'il bâtit un rite nouveau de  la Messe sur une définition de la Messe qui a cessé d'être catholique. «  La Messe, écrit-il dans son Ordo Missae, est le rassemblement du peuple de Dieu, présidé par un prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Cette définition insidieuse omet de parti ­pris ce qui fait catholique  la Messe catholique, à jamais irréductible à  la Cène protestante. Car dans la Messe catholique il ne s'agit pas de n'importe quel mémorial; le mémorial est de telle nature qu'il contient réellement le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont rendus réellement présents par la vertu de la double consécration. Cela apparaît à ne pouvoir s'y méprendre dans le rite codifié par saint Pie V, mais cela reste flottant et équivoque dans le rite fabriqué par Paul VI. De même, dans la Messe catholique, le prêtre n'exerce pas une présidence quelconque ; marqué d'un caractère divin qui le met à part pour l'éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s'en faut de tout que le prêtre soit assimilable à quel­que pasteur, délégué des fidèles pour la bonne tenue de leur assemblée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de  la Messe ordonné par saint Pie V, est dissimulé sinon escamoté dans le rite nouveau.
La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l'honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l'impudence de trafiquer  la Messe catholique, reçue au jour de l'Ordination. Puisqu'il s'agit d'être loyal, et surtout en une matière d'une gravité divine, il n'y a pas d'autorité au monde, serait-ce une autorité ponti­ficale, qui puisse m'arrêter. Par ailleurs la première preuve de fidélité et d'amour que le prêtre ait à donner à Dieu et aux hommes c'est de garder intact le dépôt infiniment précieux qui lui fut confié lorsque l'évêque lui imposa les mains. C'est d'abord sur cette preuve de fidélité et d'amour que je serai jugé par le Juge Su­prême. J'attends en toute confiance de  la Vierge Marie,  la Mère du Souverain Prêtre, qu'elle m'obtienne de res­ter fidèle jusqu'à la mort à  la Messe catholique, véritable et sans équivoque.
TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.
Conclusion :
On se souviendra, aussi, avec bonheur  de ces belles réflexions du Père Calmel : “Si vous mettez la main dans certains engrenages, le corps entier sera broyé. Le Novus Ordo Missae peut se comparer à un engrenage implacable, exactement calculé pour broyer la messe, et, avec la messe, le prêtre. Banni le latin. Repoussé le canon ou règle invariable de la consécration. Encouragées les prières eucharistiques peu consistantes, notamment le canon express. Fini le rite odorant et fixe pour recevoir la communion. En somme la messe démantelée de part en part, dans toutes les prières, dans toutes les attitudes ; aussi bien du côté du prêtre que du côté des fidèles ; la messe abandonnée, dans la pratique, à l’arbitraire de chacun. Et vous voudrez, avec cela, que la consécration, qui certes est conservée, continue d’être faite dans un contexte approprié à son mystère ! Vous voudriez que la messe demeure stable, infailliblement valide ; vous voudriez qu’elle ne devienne pas n’importe quoi ! Autant vouloir l’impossible.  Autant dire : pendant l’orage, ne vous abritez d’aucune manière, mais quand même ne soyez pas mouillés ! Il est vrai que les novateurs s’imaginent qu’après Vatican II il fera toujours beau dans la sainte Eglise, que les orages ne viendront plus nous éprouver. Vue intéressante sans doute, dont la seule faiblesse est de manquer de réalisme ». (Publiés dans Le sel de la Terre n° 12 bis p 148)