SOURCE - Isabelle de Gaulmyn - La Croix - 22 avril 2012
Les responsables de la Fraternité sacerdotale saint-Pie-X pourraient rentrer dans l’Eglise catholique. Faut-il s’en réjouir comme le prétendent certains? Ou bien au contraire, s’en effrayer? Curieusement, la question divise les catholiques, une fois de plus, de manière générationnelle…. Les plus âgés se désolent car ils y voient la légitimation d’une Eglise qu’ils ont toujours repoussée : une communauté qui s’est fait remarquer par sa violence, son intolérance, arque boutée sur la hiérarchie, fermée, une Eglise que l’on croyait révolue. Les plus jeunes n’ont pas ces craintes. D’abord parce qu’ils n’ont pas la même mémoire. Là aussi, il y a eu rupture de transmission : l’Eglise en soutane, celle des confessionnaux sévères, de la culpabilité, de l’antisémitisme parfois, de la suffisance souvent, ne leur évoque rien. Ce n’est pas leur passé. Au contraire des plus âgés.
L’Eglise de toujours
Ensuite, les plus jeunes ont cette forme de souplesse (tolérance ?) assez radicale qui est la marque de leur génération : il n’y a pas une manière bien et une qui ne le serait pas d’être dans le monde. A chacun, dans ce monde qui n’offre aucun repère stable, où l’on serait bien en mal de trouver des certitudes, de se construire son système de valeurs. Celui des intégristes est de ce point de vue furieusement moderne. Il suffit de lire leur rhétorique: l’appel à la « messe de toujours », à « l’Eglise de toujours », ne correspond à rien d’historique, si ce n’est un « toujours » reconstruit, une « assurance tout risque », une « identité refuge» pour un monde que l’on ne comprend plus. La réponse intégriste est ainsi, pour les jeunes générations catholiques, une forme de manifestation identitaire, certes exacerbée, caricaturale, excessive, et dont ils ne partagent pas tous les combats, mais dans laquelle ils se retrouvent partiellement, et qu’ils sont près à tolérer dans l’Eglise. D’où une forme de porosité, chez les jeunes catholiques, non pas aux idées, mais à certaines attitudes et comportements, des membres de la Fraternité.
Au fond, le retour programmé des intégristes dans l’Eglise appuie là où cela fait mal dans l’Eglise de France. Il touche à ce fameux « rapport » au monde que les générations conciliaires ont cru régler, sans doute naïvement, une fois pour toute, en « ouvrant les fenêtres de l’Eglise au monde » pour reprendre l’expression de Jean XXIII. Mais le monde de 2012 n’a plus grand-chose à voir avec celui de 1962. L’histoire ne s’est pas plus arrêtée dans les années 70 qu’elle ne s’est, comme le prétendent les intégristes, arrêtée en 1962 avec leur fameux « de toujours ». Ce Concile « extraordinairement ouvert au monde », pour reprendre l’expression de Jean-Paul II en 2000, lors de l’année jubilaire, doit aussi l’être au monde d’aujourd’hui. Un monde dont le même pape exhortait à « ne pas avoir peur ».
Isabelle de Gaulmyn