Ce titre évoque certainement pour beaucoup, au moins chez ceux d’un certain âge, la fameuse image d’Epinal inspirée de l’affaire Dreyfus et étant en réalité double car représentant un dîner, dans la société apparemment distinguée de l’époque (fin XIX), avant et après que la conversation soit tombée dessus… Il y a, en effet, des sujets tabous qui ne peuvent être abordés sans déchaîner, chez certains, des passions comme la colère, voire la haine, lesquelles provoquent en sens opposé, par réaction, les mêmes passions, ce qui rend impossible toute discussion constructive.
En l’occurrence, toute cette histoire en rapport avec cet officier d’origine juive réveillait le sentiment exacerbé, donc passionné, et multiséculaire de l’antisémitisme, cette antipathie viscérale, ni rationnelle, ni surnaturelle comme celle envers le péché (mais non envers le pécheur), éprouvée par un bon nombre envers les descendants de ceux qui non seulement refusèrent de reconnaître le Christ comme Messie mais n’eurent que haine envers lui, poussèrent à sa condamnation, persécutèrent ensuite ses disciples puis, chassés de Palestine et répandus dans le monde (connu) devenu chrétien, n’eurent de cesse de perpétuer parmi eux les mêmes sentiments et d’autant plus que leur immense mépris pour les non-juifs les incitaient à ne pas se mêler aux autres peuples sinon pour leurs seuls intérêts ou pour en tirer profit de toutes les manières possibles et immorales (cf. le Talmud, la pratique de l’usure etc.). Si elle est compréhensible, la faiblesse humaine fait qu’elle pouvait facilement dégénérer en excès qui obligèrent même, à bien des reprises dans l’histoire, l’Eglise et ses meilleurs disciples à prendre leur défense contre ses propres fils égarés qui les persécutaient, à leur tour, de façon tout aussi injuste, voire cruelle : le chrétien ne rend pas le mal pour le mal !
Aujourd’hui, un nouveau sujet tabou est apparu non à l’échelle de tout un peuple, comme la précédente affaire, mais à celle plutôt d’un microcosme, celui de la «Tradition » « canal historique » ou de la Fraternité St-Pie X ; et à propos de ce qu’une minorité très remuante dans cette déjà minorité appelle « les accords avec Rome » (avec laquelle les désaccords doctrinaux ne cessent de s’accentuer et d’être soulignés par son autorité).
Remuante donc passionnée et à un point qu’on imagine difficilement si on n’en a pas été témoin : tout sauf paisible (la paix intérieure est pourtant la marque du St Esprit…), toujours à l’affût (avec internet…), voire obsédée par les moindres nouvelles venant de Rome ou de la maison généralice de leur Fraternité comme si toute la vie ne tournait plus qu’autour de cela; incapable de réagir posément à leur réception mais les jugeant à l’emporte pièce, car avec colère, et s’échauffant encore plus entre individus semblables du même parti et les rejetant forcément, alors, avec véhémence, voire mépris; incapable donc de considérer paisiblement ou à tête reposée les choses, surtout les avis a priori opposés aux leurs.
Passionnée donc excessive, notamment en étant tranchée ou sans nuances dans ses jugements du genre : « on ne doit pas chercher à gagner l’indulgence de l’année sainte du pape François puisque son enseignement sur la miséricorde, entre autres, n’est pas orthodoxe ». Comme si l’indulgence obtenue ainsi était nécessairement mauvaise ! De même : « on ne doit rien signer avec un tel pape puisque etc.», même si celui-ci, en vertu de son pouvoir apostolique détenu légitiment et usé ici à bon escient, reconnaissait à cette Fraternité le droit à exister de façon pleine et entière dans l’Eglise, pour le salut du plus grand nombre possible d’âmes, en ne changeant rien à son fonctionnement actuel et en n’exigeant même plus d’elle de reconnaître ce qu’elle a toujours refusé de reconnaitre (la conformité à la Tradition ou la bonté de tout le concile Vatican II et de la nouvelle messe qui en est issue). Car il y a, il est vrai, un immense paradoxe, voire un mystère, à ce qu’un tel pape manifeste réellement des dispositions aussi favorables. Mais ce fait pourtant indéniable (contra factum non fit argumentum) n’a pas l’heur de cadrer avec les catégories étroites de certains esprits trop simplificateurs, voire aveuglés par leur ire endémique (manifestation d’une crainte plutôt irrationnelle ?). Ils sont ainsi devenus incapables d’y voir l’œuvre avant tout de la Providence (donc du St Esprit en personne !) qui fait depuis toujours pousser la bonne semence au milieu de l’ivraie et a l’habitude de déjouer les pronostics humains, fussent ils pour la défense de la foi ! Les béatitudes comme « bienheureux les doux etc. », « bienheureux les pacifiques etc. » leur sont devenues du chinois, totalement étrangères. Eux aussi ne sont ils pas, au fond et finalement, adeptes de la loi du Talion : le mal (le mépris et peut être la haine) pour le mal ?…
Excessive donc tombant dans la contradiction, voire le ridicule, car il n’y aurait aucun inconvénient, selon cette minorité, à gagner, cette année, l’indulgence du Puy, sans doute d’institution très ancienne mais qui ne peut être obtenue aujourd’hui que par le bon vouloir du pape régnant ou qu’en vertu du seul pouvoir du successeur de Pierre en place…
Excessive donc provoquant les réactions indignées, voire courroucées, à leur tour, du parti loyaliste envers l’autorité de la dite Fraternité accusée injustement et obstinément par les premiers de trahison (elle aussi…).
Dans ces conditions, créées par elle, on ne voit pas comment il est encore possible d’aborder avec toute la sérénité nécessaire ce sujet en société ou lorsque tout ce petit monde se trouve réuni (peut être même en chapitre ?…). Qu’elle ne s’étonne et ne s’offusque donc pas d’être éventuellement mise devant le fait accompli !
N’est ce pas le même problème à l’échelle de la hiérarchie de toute l’Eglise quand est abordée la question de la Fraternité St-Pie X? On comprend alors que le(s) pape(s) (déjà Benoît XVI) soi(en)t également tenté(s) d’agir motu proprio pour résoudre cette question si sensible au sommet comme à la base.
Moralité de l’histoire : quand « ils en ont parlé » sans avoir su le faire comme entre gens de véritable bonne compagnie, avec calme, courtoisie et droiture, on en arrive fatalement à ce que « ils n’en ont pas parlé»!