SOURCE - David G. Bonagura Jr - via France catholique - 11 juin 2012
Bien peu de sujets font davantage oublier aux catholiques le précepte de charité que la controverse sur la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, groupe traditionaliste d’évêques et de prêtres qui, en raison de leur opposition au Concile Vatican 2 et du tumulte en résultant dans le milieu ecclésiastique, demeurent hors de la structure canonique de l’Église.
Bien peu de sujets font davantage oublier aux catholiques le précepte de charité que la controverse sur la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, groupe traditionaliste d’évêques et de prêtres qui, en raison de leur opposition au Concile Vatican 2 et du tumulte en résultant dans le milieu ecclésiastique, demeurent hors de la structure canonique de l’Église.
Le Pape Benoît XVI, ayant joué depuis un quart de siècle un rôle de premier plan au Vatican pour tenter de rétablir la communion juridique avec la Fraternité St- Pie X, a fait de la réconciliation avec ce groupe une priorité de son pontificat. En tous cas, une annonce formelle de la reconnaissance de la Fraternité St. Pie X est sur le chemin.
La réconciliation avec la Fraternité St-Pie X figurera parmi les grandes réussites d’une portée durable dans l’Église au cours du pontificat de Benoît XVI. Mais l’hystérie suivant certainement l’annonce officielle en noiera vraisemblablement l’importance véritable dans la politique partisane interne.
À droite, certains catholiques traditionalistes chanteront victoire avec jubilation : la Rome moderniste est revenue au bon sens en soutenant l’authentique groupuscule de la foi. À gauche, où déjeuner avec Martin Luther vaut mieux que partager le repas avec le chef de la Fraternité St-Pie X, Bernard Fellay, certains accuseront Benoît XVI de saper — ou de détruire — les réformes de Vatican 2. Tout le monde est dans l’erreur.
Avant de voir ce que signifie la réconciliation, il faudrait examiner ce qu’elle ne signifie pas.
Primo, Benoît XVI n’a pas mis Vatican 2 en marche arrière ; tout son pontificat tend à le faire avancer (voir plus loin). En fait, comme je l’ai écrit lors de la levée par Benoît XVI de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité St-Pie X, le Pape bat les catholiques progressistes à leur propre jeu : il fait un geste concret pour la réunion de tous les chrétiens, exactement comme Vatican 2 y invite par "Unitatis Redintegratio" (document contesté, double ironie, par la Fraternité St-Pie X). Le but n’est pas la démolition du Concile, mais de l’idéologie de son "esprit" erroné.
Secundo, des commentateurs plus astucieux peuvent jouer sur le clavier du "genre" : le Vatican rétrograde accueille le retour dans l’Église d’un groupe d’évêques et prêtres conservateurs tout en lançant une offensive contre les sœurs sans défense de la Conférence sur les Règles des communautés de Religieuses (LCWR). [NDT : un conflit dont la gestion vient d’être confiée à un évêque, a vu le jour aux États-Unis suite à des déclarations de ce groupe jugées intempestives par l’épiscopat U.S. et le Vatican sur, entre autres sujets, l’homosexualité, la contraception, et l’exclusivité masculine de la prêtrise]. Aucune base de misogynie ne peut être évoquée : Benoît XVI s’efforce de ramener les deux éléments divergents — la Fraternité St-Pie X écartée "de jure" et la Conférence LCWR "de facto" — sur le droit chemin de la communion avec l’Église ; leurs statuts non comparables impliquent une approche différente pour résorber le hiatus.
Tertio, la réconciliation avec la Fraternité St-Pie X ne signifie nullement "l’apologie de la Tradition" au sens où l’entendent la Fraternité et ses adeptes : le culte et la piété seront remis en vigueur comme expression la plus légitime de la foi. La théologie catholique traditionnelle et sa mise en œuvre ont déjà bénéficié d’une amorce de renaissance de par le monde dans les communautés religieuses, les paroisses et les écoles demeurés loyales envers le Pape. Une Fraternité St-Pie X réconciliée y apportera certainement élan et vigueur ; elle ne saurait renaître ou y acquérir un statut dominateur.
Et maintenant, que signifie vraiment la réconciliation avec la Fraternité St-Pie X ?
Primo, le "Préambule doctrinal", déclaration encore secrète d’adhésion doctrinale que la Fraternité St-Pie X doit accepter en vue de la réconciliation, affirmera vraisemblablement — selon les termes les plus officiels et autorisés à ce jour — que Vatican 2 doit être lu et interprété intégralement à la lumière de la Tradition. Ainsi, elle marquera non seulement le discours futur de la Fraternité à propos de Vatican 2, mais aussi celui des tenants de "l’esprit de Vatican 2".
Les praticiens d’une "herméneutique de discontinuité et de rupture" ne lâcheront pas en douceur, mais une telle déclaration enlèvera ce qui reste de leur crédibilité parmi leurs lecteurs et étudiants.
Secundo, comme on l’a dit, la Fraternité St-Pie X en pleine communion avec le Souverain Pontife ranimera la pratique traditionnelle catholique et le culte, ce qui à son tour participera à la reconstruction de l’identité catholique là où elle s’est effondrée. Dans bien des endroits l’assistance à la Messe dans les chapelles tenues par la Fraternité s’est élargie, alors que les églises ordinaires se sont désertifiées.
Avec les grâces qui découlent de la pleine communion avec Rome — et sans les invectives qui ont ponctué bien des discours de la Fraternité contre Rome — la Fraternité St-Pie X peut devenir un acteur principal dans la Nouvelle Évangélisation, et l’Église entière devrait accueillir sa contribution.
Tertio, la réconciliation est un immense discours sur la nature du pontificat de Benoît XVI et la nature de l’homme Benoît. Depuis le déjeuner à Castel Gandolfo avec Mgr Fellay le premier été de son pontificat jusqu’à la levée des excommunications en 2009 et les discussions officielles avec les théologiens de la Fraternité St-Pie X et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Benoît XVI, en dépit des nombreuses voix discordantes qui s’élèvent dans la Curie est en train de faire de la réconciliation une réalité, à son rythme et selon ses propres termes.
Ainsi que Mgr Fellay l’écrivit : « Le Pape nous a déclaré que le souci de rétablir notre situation pour le bien de l’Église était au cœur de son pontificat, alors qu’il sentait bien qu’il aurait été plus facile pour nous comme pour lui, de tout laisser en l’état. »
Benoît XVI, véritable pasteur, est plus que désireux d’offrir sa vie et sa réputation pour le bien de son troupeau.
Bien des questions relatives au statut de la Fraternité — sa future organisation, le risque d’apparition d’un groupe rebelle rejetant la réconciliation — attendront l’annonce officielle. Mais, le temps venu, c’est Benoît XVI lui-même, et non les factions va-t-en-guerre de l’Église ou les médias laïcs, qui nous offrira la vision appropriée de cet événement incroyable.
David G. Bonagura, Jr. co-professeur de théologie au séminaire de l’Immaculée Conception à Huntington (N.Y.)