SOURCE - Eléonore Monfort - Paris Match - 19 février 2009
Depuis ses propos niant l’Holocauste, l’évêque intégriste que le Pape voulait réintégrer dans l’Eglise se terre en Argentine dans le monastère de La Reja.
«Je pense que 200 000 à 300 000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz.» Depuis sa déclaration négationniste à la télévision suédoise qui a ulcéré le monde entier, l’evêque britannique Richard Williamson ne quitte plus les 60 hectares de la congrégation traditionaliste de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, en Argentine. Ce prélat ultra-réactionnaire a déjà versé dans l’antisémitisme mais, cette fois, le scandale agite le Vatican : quelques jours avant ces propos nauséabonds, le pape Benoît XVI venait de lever l’excommunication qui frappait cet inconditionnel de Mgr Lefebvre depuis vingt ans. Le successeur du regretté Jean-Paul II, qui accumule les bévues médiatiques, s’est empressé de rappeler que la négation de la Shoah est «intolérable», et a confirmé son prochain voyage en Israël.Plus isolé que jamais, l’évêque Williamson sort rarement du séminaire de La Reja, une ville de 35 000 habitants à une cinquantaine de kilomètres de Buenos Aires. Des sorties qui se limitent à une courte promenade dans le jardin de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Impossible donc d’apercevoir Richard Williamson, encore moins de le rencontrer. A notre demande écrite d’entretien, la réponse a été ferme :
«Monseigneur Williamson ne donne pas d’interview pour le moment.» Sur place, c’est sur un ton plus cordial qu’un séminariste français nous explique que l’évêque a reçu ordre par son supérieur, Mgr Bernard Fellay, de ne pas répondre à la presse. Destitué de sa charge de directeur du séminaire, il continue cependant de prendre ses repas avec la trentaine de séminaristes de la communauté. Et il occuperait désormais ses journées «à prier et à étudier beaucoup», d’après le jeune Français. Qui ne peut cependant préciser si l’évêque s’est attelé ou non à la lecture des preuves «historiques», selon lui, de l’Holocauste, comme il l’avait annoncé. Le jeune homme précise que la polémique n’est jamais évoquée avec lui : «On parle d’autres thèmes du quotidien. Mais, même s’il prend très naturellement toutes les conséquences de ses propos, je sais qu’il a été attristé que son point de vue historique ait nui à la communauté. C’est d’ailleurs un point de vue qui n’est pas partagé par tous les prêtres de la Fraternité.»
Une polémique qui n’empêche pas, ce dimanche 15 février, une centaine de personnes d’assister à la messe, dite en latin et le dos tourné à l’assistance, selon la liturgie antérieure au concile Vatican II. Ce n’est pas Richard Williamson qui officie, même si aucune interdiction ne pèse sur lui : il ne célébrerait plus, désormais, que des messes personnelles, dans un oratoire spécial. Mais pour les fidèles, rien n’a changé. Aux yeux d’un couple de Français en vacances dans le pays, qui a déjà rencontré il y a deux ans celui qui était encore directeur du séminaire, les propos négationnistes de l’évêque ne changent rien : «Les médias n’avaient pas à diffuser l’opinion privée de Mgr Williamson.» «Je pense que, au contraire, cela nous fait de la publicité, explique le séminariste français. Nous recevons beaucoup de témoignages de fidèles qui nous soutiennent et nous félicitent.» «C’est une polémique politique, qui concerne l’Allemagne. Mais pour nous, ici, aucun changement. Tout le monde est là, comme d’habitude», ajoute un fidèle venu de Buenos Aires.
«Je trouve horrible ce qu’a déclaré ce prêtre nazi. C’est très bien qu’il ait été renvoyé!»
Connue jusqu’ici pour être la capitale du bandonéon, la ville de La Reja est devenue un centre d’attention. Ignorant apparemment la raison de toute cette agitation, le garagiste qui travaille à quelques centaines de mètres du séminaire n’a jamais aperçu Williamson, mais sait «que la congrégation a fait beaucoup pour venir en aide aux gens dans le besoin, depuis vingt-cinq ans qu’elle est là». Un avis partagé par nombre d’habitants. Trois fois par semaine, les portes du séminaire s’ouvrent en effet aux plus démunis pour leur offrir vêtements, nourriture et médicaments. La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a été d’un grand secours pour la famille de Mariano, un autre habitant. Mais il n’apprécie pas pour autant l’homme, «ce nazi», qu’il a rencontré plusieurs fois et juge froid et distant. Très peu d’habitants l’ont aperçu dans les rues de la ville. Tito, patron d’un café-épicerie, confirme que les membres de la Fraternité sortent peu du séminaire, «juste pour acheter l’essentiel, car ils cultivent tout là-bas». Mais il tient à donner lui aussi son avis sur l’homme : «Je trouve horrible ce qu’a déclaré ce prêtre nazi, comme certains l’appellent ici. C’est très bien qu’il ait été renvoyé!»
Du côté des fidèles lefebvristes en Argentine, l’heure est au mutisme. «Le sujet est trop délicat, j’ai peur de dire à la presse des choses qui seront mal interprétées», déclare un homme d’une trentaine d’années, proche de la Fraternité. «Ce débat prend trop d’ampleur. Beaucoup de thèmes évoqués par la polémique se mélangent avec notre mouvement, qui n’a rien à voir avec ça. Il y a un amalgame», explique un avocat. Malgré l’agitation de ces derniers jours, pas de bouleversement apparent à la Fraternité Saint-Pie X. Un prêtre explique pourtant qu’elle est dans une période de changements, en attendant la nomination d’un autre directeur. Selon lui, Richard Williamson a eu tort de parler de l’Holocauste, «un thème compliqué. Il y a une vérité admise par le monde et, apparemment, on ne peut pas s’y opposer. Si quelqu’un met un bâton dans cette roue, on voit ce qu’il se passe». Et de conclure l’entretien par une précision : «On n’est pas “lefebvristes”... ce terme porte la connotation d’une secte, ce que nous ne sommes pas.» Seule certitude, Richard Williamson n’est pas entièrement coupé du monde. L’évêque utilise Internet pour mettre à jour, chaque samedi, son blog personnel. Le 14 février, il y donnait son avis sur un film qui vient de sortir en France, «Doute». L’histoire d’un prêtre accusé du pire, peut-être à tort... et sans preuves tangibles.