Il reste huit jours à Mgr Richard Williamson pour quitter l'Argentine. Jeudi soir, la Direction nationale des migrations, sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur, l'a sommé de «quitter impérativement» le pays, «sous peine d'être expulsé». Une décision dont s'est félicité le Congrès juif mondial.
Déjà mis au ban de la Fraternité lefebvriste Saint Pie X, qui lui a retiré la direction du séminaire de La Reja, près de Buenos Aires - à la suite de propos négationnistes confirmés - Mgr Williamson était injoignable vendredi. Son dernier commentaire, sur son site personnel, date d'une semaine. Il se livre à une critique du dernier film où joue Meryl Streep, en religieuse, intitulé «Doubt» (Doute).
Pas de doute, toutefois, pour le supérieur de la Fraternité Saint Pie X en Amérique latine, l'abbé Christian Bouchacourt. Il a indiqué que les responsables de cette Fraternité «ont opportunément décidé que Mgr Richard Williamson devait sortir de la juridiction du territoire de la nation argentine ».
Pas de doutes non plus pour la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme). L'association va déposer plainte contre Mgr Williamson dans «le courant de la semaine prochaine», assure Me Alain Jakubowicz. Il est certain de «la compétence juridique française» en cette affaire : les propos de Mgr Williamson, ressortissant britannique, sont en effet disponibles sur le sol français, par voie de presse écrite (Der Spiegel est vendu à Paris) ou télévisuelle.
«L'hérésie», seul motif possible
Doute profond, en revanche, du côté romain, où l'on se refusait hier à commenter ce nouvel épisode. Si la communauté catholique reste sous le choc de la levée des excommunications - décidée par Benoît XVI pour quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre et annoncée le 24 janvier, alors que les propos négationnistes de Mgr Williamson venaient d'être publiés - les spécialistes du droit canonique, ce droit spécifique de l'Église catholique, ne voient pas par quel moyen le Pape peut agir sur Mgr Williamson.
Les canonistes sont toutefois certains d'un premier point : la levée des excommunications a juridiquement redonné du pouvoir au Pape sur ces évêques. Ils sont - en droit strict - en communion avec le Pape pour la raison suivante : ce type d'excommunication appartient à la catégorie des «censures médicinales».
Par cette peine, le récalcitrant doit justement prendre conscience de son problème, s'amender et demander le retour, réparant ainsi le «scandale» de la séparation. Conditions objectivement réunies aujourd'hui, constatent les canonistes. Ces évêques sont donc juridiquement en communion avec le Pape.
Deuxième certitude, ces évêques, parce qu'ils n'ont pas reçu de mission canonique, restent cependant dans une situation «d'irrégularité» : ils sont donc «limités» dans leur droit et ne peuvent exercer leur pouvoir d'évêques. Troisième certitude : ces évêques - sous le rapport de l'enseignement de l'Église et de son magistère, et non plus sur le plan juridique - ne sont toujours pas en communion avec le Pape.
Commence alors la difficulté pour les canonistes. Le Pape, qui a bien juridiction sur ces évêques, ne peut pas excommunier à nouveau Mgr Williamson. Le seul motif possible serait une «hérésie» contre la foi, soutenue «avec obstination». Si l'Église condamne la Shoah, elle n'en fait pas un article de foi.
Reste le «canon 754». Il permet de «proscrire une opinion erronée». Mais le droit de l'Église interdit que l'on oblige quelqu'un (sauf pour le Credo) à adopter, au fort interne, une opinion. Ce canon, qui protège en fait le droit de conscience, ne peut s'appliquer qu'au fort externe en obligeant la personne à… se taire !
Il a déjà été appliqué à Mgr Williamson par son supérieur hiérarchique, Mgr Fellay. L'évêque n'a pas obéi et a confirmé publiquement ses propos. Une seule solution s'ouvre donc pour le Pape aujourd'hui : exiger publiquement de Mgr Williamson qu'il se taise.