15 février 2009





"Un désaccord total"
Février 2009 - Frère Bruno de Jésus - crc-resurrection.org
Le « présent décret » dit bien, en annulant la censure d’excommunication, qu’il veut être un « signe de promotion de l’unité de l’Église universelle dans la charité ». Un journaliste m’a demandé quelle était ma réaction. Elle consiste à poser une seule question : Comment atteindre l’unité dans la charité en dehors de la vérité ?
Car, c’est ce qui manque de part et d’autre.
Le décret de la Congrégation pour les évêques, levant les excommunications de 1988, commence en citant la lettre du 15 décembre 2008 adressée à S. Ém. le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, par Mgr Bernard Fellay sollicitant cette levée de l’excommunication au nom de « la volonté » des quatre évêques « de rester catholiques et de mettre toutes nos forces au service de l’Église de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est l’Église catholique romaine. Nous acceptons son enseignement filialement ».
Je demande : Mgr Fellay inclut-il dans cet enseignement le « culte de l’homme » proclamé par le pape Paul VI le 7 décembre 1965 comme le fruit du concile Vatican II ?
C’est la seule question qui importe à l’unité de l’Église depuis lors déchirée entre deux religions qui se battent en son sein : la millénaire et la conciliaire, la divine révélée et l’humaine inventée.
Pour ma part, c’est la question que je posais, il y a déjà de nombreuses années, à Mgr Re, alors assesseur à la secrétairerie d’État, aujourd’hui préfet de la Congrégation des évêques et, à ce titre, signataire du décret levant l’excommunication.
C’était le 1er décembre 1981. Il me reçut fort aimablement. Je voulais l’interroger sur les « erreurs théologiques graves » qu’il était réputé reprocher à l’abbé de Nantes. « Cette expression, me répondit-il, n’a figuré que dans une seule et unique lettre adressée par notre dicastère à une personne privée, sous la signature de Mgr Lanzoni. » Tout en assumant la responsabilité de ladite lettre, Mgr Re me déclara formellement ne connaître à l’abbé de Nantes « aucune erreur dogmatique, ou doctrinale, ou même simplement théologique ».
J’ai encore dans l’oreille ces paroles fermement prononcées dans un français parfait, à peine teintées d’un léger accent.
Néanmoins, ajoutait-il, on peut reprocher à l’abbé de Nantes, « d’une manière beaucoup plus générale, une situation ecclésiale erronée.
Quelle situation ? demandai-je, rappelant que l’abbé de Nantes se soumettait scrupuleusement à la “ suspens a divinis ” dont il était frappé... sans raison ! et que la “ disqualification ” qui lui avait été “ notifiée ” en août 1969 n’avait aucune valeur canonique.
– C’est vrai, reconnut Mgr Re, mais votre refus du Concile vous place dans une position ecclésiale erronée.
C’est précisément toute la question ! m’écriais-je. Où est l’erreur ? L’abbé de Nantes pose cette question depuis 1968 à la Congrégation pour la doctrine de la foi, et il attend encore la réponse. »
En faisant publiquement état de cette audience, dans son éditorial de janvier 1982, intitulé “ Un désaccord total ”, l’abbé de Nantes soulignait la portée des aveux du prélat romain :
« Notre frère est rentré de Rome, mission accomplie. Un personnage ecclésiastique de premier plan a rétracté les paroles qu’un secrétaire lui avait attribuées. Après avoir écrit qu’on me reprochait “ des erreurs théologiques graves ”, on a désavoué le diffamateur et reconnu que nous n’étions dans l’erreur ni sur le dogme ni sur la morale. Nous avons seulement le tort d’être des opposants et c’est mal vu au Vatican, comme dans toutes les cours et tous les partis.
« Mais alors, la proposition que j’énonçais tranquillement ci‑dessus s’en trouve tragiquement renversée ! S’il est reconnu que je ne suis pas dans l’erreur, Celui que je contredis et combats, Celui auquel je m’oppose sur la foi et la morale, l’est donc, dans l’erreur, et jusqu’au cou ! Si cela n’était, maintenant que j’ai obtenu la rétractation de la diffamation qui m’accablait, la réconciliation serait facile, immédiate.
« Las ! blanchi par l’assesseur de la secrétairerie d’État, en échange de cette justice, je ne puis rien rétracter de mes désaccords, rien relâcher de mon opposition. Au contraire ! Il faut bien que Celui, que ceux qui font erreur sur erreur, en matières dogmatiques et morales graves ! sortent de leurs erreurs. Et qu’ils ne comptent sur aucun courtisan, sur aucun partisan pour le leur demander, pour le leur réclamer, mais sur nous, encore sur nous, et toujours sur nous, terrible charge, glorieuse tâche ! Car “ nous ne pouvons pas ne pas parler ”. »
Aujourd’hui, Mgr Fellay « envisage comme nécessaires des entretiens avec le Saint-Siège qui permettront à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X d’exposer les raisons doctrinales de fond qu’elle estime être à l’origine des difficultés actuelles de l’Église. Dans ce nouveau climat, déclare-t-il, nous avons la ferme espérance d’arriver bientôt à la reconnaissance des droits de la Tradition catholique. »
Le cardinal Vingt-Trois, quant à lui, rétorque : « Des gens qui, pour la plupart, se présentent sincèrement comme des défenseurs de la tradition, se donnent le pouvoir magistériel de distinguer la bonne et la mauvaise tradition. Mais un tel acte de discernement ne peut être qu’un acte de l’Église et pas celui d’un groupe particulier dans l’Église. »
L’unique issue à ce qui se présente déjà comme un dialogue de sourds se trouve dans la solution préconisée depuis quarante ans par l’abbé de Nantes : l’appel au jugement infaillible du Pape. Il ne s’agit pas de discuter, il ne s’agit pas des droits de la tradition à coexister malgré l’hégémonie de l’erreur, il s’agit de savoir si les enseignements conciliaires sont conformes au dépôt de la foi, ce qu’en conscience l’abbé de Nantes nie depuis plus de quarante ans, en fournissant d’innombrables preuves à l’appui de ses accusations.
Je ne citerai ici que le point focal de ces divergences et oppositions, celui qui est au centre de tout : la liberté religieuse. Inutile d’en débattre, il y a cent ans que cela dure et que les parties ne parviennent pas à se convaincre : « Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. » (Dignitatis humanæ, n° 2)
L’abbé de Nantes soutient que cette “ déclaration ” est injurieuse à Dieu qui veut sauver tous les hommes, et il « déclare » à son tour anathème qui fait profession de croire à cette liberté religieuse tous azimuts.
Toutefois, seul le Pape peut définitivement trancher cette question, non pas en imposant son opinion de théologien privé, mais en répondant à la question posée dans les formes qui lui garantissent l’assistance infaillible du Saint-Esprit. Ce privilège a été accordé par le Christ au Successeur de Pierre précisément pour garantir l’unité dans la foi du troupeau confié à ses soins. Nous ne cesserons de le rappeler. Car il est urgent de voir le Pape user de ses pouvoirs propres.
Nous livrons ci-après (p. 3-6) les quelques pages du commentaire littéral de la “ Constitution pastorale ” Gaudium et spes du concile Vatican II, rédigées par l’abbé de Nantes à la fin de son exil dans l’abbaye cistercienne de Hauterive, sur la vie “ économico-sociale ”. Elles sont brèves et appellent toute l’écologie des 150 Points, mais ces quelques remarques sont d’une richesse qui contraste avec les poncifs stériles du texte conciliaire. Elles projettent une vive lumière sur la crise présente, aboutissement des principes posés par le Concile : « Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine. » (G. S. 63, 1) Et Dieu ? Il est évincé par l’homme : « C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale. » Alors, ne vous étonnez pas des conséquences, si du moins vous savez ce qu’il y a dans l’homme (Jn 2, 25).
L’article suivant (p. 7-14) fournit les principes capables d’éclairer nos évêques sur la conduite à tenir pour faire œuvre de vérité, donc d’unité, vis-à-vis des intégristes. Ce compte rendu d’une conférence prononcée au cours de notre “ université d’été ” de l’an dernier tombe dans l’actualité avec un providentiel à-propos ! Nouvel exemple de l’extraordinaire fécondité de l’œuvre de l’abbé de Nantes. Le salut de l’Église passera nécessairement par l’exercice de l’autorité pontificale, mais pour imposer la pure doctrine catholique, il faudra non moins nécessairement reconnaître que notre Père en aura été l’unique défenseur et docteur en des temps d’apostasie.
frère Bruno de Jésus.