5 février 2009





Lettre ouverte à mon évêque
5 février 2009 - Rémi Fontaine - Présent - mise en ligne par leforumcatholique.org
Monseigneur, avec tout le respect que je dois à votre fonction, permettez à un simple fidèle du bout du banc, de reprendre les termes de votre message du 31 janvier (« aux catholiques du diocèse et aux habitants du Val-de-Marne ») à l’occasion de la levée des excommunications du 21.01.09. « Il est, y dites-vous, hors de question, dans notre diocèse, de remettre en cause l’enseignement du concile Vatican II… »

Résidant du Val-de-Marne depuis ma naissance, j’entends ce leitmotiv épiscopal (NNSS de Provenchères, Frétellière, Labille, Santier) depuis ma jeunesse. Aujourd’hui père de famille et informateur religieux, j’ai assez vécu pour en vérifier les fruits véreux et en déceler l’alibi frauduleux comme arme par destination contre l’enseignement du Magistère romain. J’en ai même fait plus largement un Livre noir (et blanc) des évêques de France (chez Renaissance catholique), que vous avez dû recevoir.

Nous avons suffisamment insisté dans ces colonnes sur : 1) l’incongruité consistant à prendre Vatican II comme un bloc dogmatique non négociable ; 2) la distinction à faire entre le 21.01.09 et le 07.07.07 (le motu proprio relevant de l’ensemble de l’Eglise à la différence du cas particulier de la levée des excommunications) ; pour protester contre l’amalgame que vous faites ainsi :

« En donnant la possibilité de célébrer la messe dans le rite précédant le Concile, et en levant l’excommunication, [Benoît XVI] veut ouvrir le chemin du dialogue en vérité et de la réconciliation. Mais ce dialogue demandera encore du temps pour cheminer vers la pleine communion, et le décret souligne bien que l’acceptation de l’enseignement du Magistère du Pape comprend l’acceptation entière du concile Vatican II. »

D’abord le décret ne dit pas cela. Ensuite, si vous avez raison (par ailleurs) de dénoncer le « déni de la vérité historique » commis par Mgr Williamson, vous semblez ici « pécher » par omission en taisant le déni de justice (reconnu le 07.07.07) commis par le personnel de l’Eglise (Maritain) en censurant carrément la messe – mais aussi le catéchime et l’Ecriture – précédant le Concile.

Le chemin du « dialogue en vérité », c’est là d’abord qu’il a été inexplicablement fermé, sans que les évêques comprennent alors « l’émotion et le trouble » de beaucoup de fidèles, qu’on plaçait trop souvent devant ce dilemme déontologiquement aberrant de l’hérésie (apparente) sans schisme ou du schisme (apparent) sans hérésie. Et c’est, certes, tout à l’honneur du Pape de tenter de rouvrir un périmètre visible de réconciliation, mais non pas d’un seul côté, des deux côtés à la fois, selon les concepts de son discours à la Curie de 2005 (contre « l’herméneutique de rupture »), avec les faits et gestes qui l’ont entouré. Nous l’avons déjà dit : la rupture de la rupture vaut dans les deux sens, pour permettre légitimement cet espace de réconciliation et la réforme de la réforme.

Citons le P. Garrigou-Lagrange : « Miséricorde et fermeté doctrinale ne peuvent subsister qu’en s’unissant ; séparées l’une de l’autre elles meurent et ne laissent plus que deux cadavres : le libéralisme humanitaire avec sa fausse sérénité et le fanatisme avec son faux zèle. On a dit : “L’Eglise est intransigeante en principe parce qu’elle croit, elle est tolérante en pratique parce qu’elle aime.” Les ennemis de l’Eglise sont tolérants en principe parce qu’ils ne croient pas, et intransigeants en pratique parce qu’ils n’aiment pas. » Le P. Richard John Neuhaus, récemment rappelé à Dieu aux Etats-Unis, le disait autrement : « Partout où l’orthodoxie devient optionnelle, elle devient tôt ou tard interdite. »

On ne nous empêchera pas de constater, avec le Pape, que, par le fameux « esprit du Concile » (s’appuyant sur quelques textes litigieux), on est parvenu à ce terrible résultat d’interdire pratiquement la tradition dans l’Eglise. Si, par son histoire et son importance, la FSSPX a contribué efficacement à poser de bonnes questions (avec ses réponses et, peut-être, ses excès propres), elle n’est pas la seule à les poser, ces questions « ouvertes » se posant bien au-delà de sa mouvance et de sa situation particulière, puisque le Saint-Père les soulève lui-même à sa manière. Ces questions ne sont plus désormais taboues et il est crucial, pour le bien commun de l’Eglise, d’y répondre avec patience, en justice et en vérité, dans la charité. Voilà pourquoi, Monseigneur, il me semble abusif, dans la situation critique de l’Eglise de France et de votre diocèse, d’imposer comme préalable à votre dialogue l’affirmation d’un Concile intouchable, même si ce dernier n’est pas exempt d’une « pieuse interprétation », à la lumière de la tradition bimillénaire, en continuité précisément avec tous les autres conciles. Avec l’expression de mes respects filiaux, en union de prière.

REMI FONTAINE


Article extrait du n° 6773
du Jeudi 5 février 2009