3 février 2009





Pourquoi un accord avec la FSPX serait-il gênant ?
3 février 2009 - Christophe Geffroy - la-croix.com
Dans cette affaire de la levée des excommunications des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie-X (FSPX), un peu de recul est sûrement nécessaire. Mgr Williamson est devenu le prétexte un peu facile pour vouer aux gémonies une bonne fois pour toutes ce que tous s’acharnent à nommer les « intégristes ». Ce serait tellement plus confortable si tous ces gens-là pouvaient définitivement rester dehors et nous laisser débattre tranquillement entre « personnes bien » !
Evidemment, à l’heure du dialogue tous azimuts, cela fait un peu « tache » de rejeter une partie du troupeau, de se satisfaire finalement qu’une brebis demeure égarée, tant on nous redit que ces gens-là ne représentent rien ! Et puis certains ont eu ici l’honnêteté d’avouer que l’on ne pouvait pas « faire Eglise avec les intégristes » et que leur possible réintégration leur faisait « honte », comme s’il fallait avoir honte d’être catholique quand l’un des membres de notre Eglise, fût-il évêque, proférait d’énormes sottises.
Depuis l’origine de l’Eglise, il y a toujours eu des prélats indignes, même des papes, c’est un prétexte un peu facile pour rejeter ceux qui ne nous conviennent pas – les bêtises d’un Mgr Gaillot n’ont jamais atteint mon amour de l’Eglise, car s’il fallait que tous les évêques soient des saints pour aimer l’Eglise, on pourrait attendre encore longtemps.
A La Nef, le mensuel que j’ai l’honneur de diriger, nous avons choisi comme devise la phrase de saint Jean : « Il y a des demeures nombreuses dans la maison de mon Père » (Jn 14, 2). L’Eglise ne se réduit pas à l’idée que nous nous en faisons, ce n’est pas nous qui, selon notre seul petit point de vue, façonnons l’Eglise à notre guise. Quand nous avons fondé ce mensuel fin 1990 en proclamant que nous aimions la liturgie dans sa forme extraordinaire, sans remettre en cause pour autant la nouvelle forme ni, bien sûr, le Concile Vatican II, certains nous ont gentiment aussitôt gratifié de l’étiquette qui tue : « intégristes » ! Visiblement, en toute charité, notre seule existence les gênait ! Ceux-là n’ont jamais essayé de débattre avec nous, ils nous ont ostracisés dès le départ sans autre forme de procès.
Depuis, il faut le reconnaître, les choses ont bougé en ce qui nous concerne et la meilleure preuve en est ma présence ici dans ce blog. Pourquoi ? Parce que, me semble-t-il, nous avons montré que des catholiques attachés à la forme extraordinaire pouvaient être en première ligne pour défendre ce que Benoît XVI a depuis appelé « l’herméneutique de la continuité » : cela fait près de vingt ans que nous travaillons à montrer la richesse du Concile Vatican II – avec lequel je suis parfaitement à l’aise – et que toutes ses nouveautés indispensables – liberté religieuse, rapport avec les autres religions,… – s’inscrivent dans une continuité fondamentale du Magistère. Penser que l’Eglise a enfin découvert la réalité du message évangélique avec le Concile ou que ce dernier marque une apostasie – dans les deux cas opposés, il s’agit bien d’une rupture – est ce que Benoît XVI a dénoncé dans son magistral discours à la Curie romaine du 22 décembre 2005.
De même, il est facile d’affirmer que les « intégristes » ne disent que des bêtises lorsqu’ils rejettent une partie du Concile Vatican II. Mais qui a pris la peine d’examiner leurs objections et d’y répondre ? Leurs objections ont ceci d’utiles qu’elles nous obligent à faire notre propre auto-critique sur les déviances réelles qui ont eu lieu au nom de ce que Benoît XVI a appelé « l’esprit du Concile ». Ce n’est pas un hasard si Rome a dû faire de nombreuses mises au point sur des sujets chauds (que l’on songe à Dominus Jesus, pas exemple) : c’est bien parce qu’il y avait eu des déviances au sein même de l’Eglise.
S’il n’y avait pas eu de crises doctrinale et liturgique, si l’on n’avait pas appliqué aussi brutalement la réforme liturgique avec un esprit de rupture avec le passé, sans doute n’y aurait-il jamais eu de FSPX, seulement quelques théologiens contestataires isolés qui n’auraient jamais réuni de grandes foules, ne l’oublions pas. Et à ceux qui menacent d’un « départ massif » de fidèles pour cause de « réintégration des intégristes », rappelons-leur que cette réintégration n’est pas encore faite et, surtout, qu’ils se souviennent de ces fidèles – autrement plus nombreux – qui sont partis silencieusement dans les années 70 parce qu’ils ne reconnaissaient plus leur Eglise ni leur liturgie.
Alors, ne refaisons pas les mêmes erreurs en sens inverse. N’ayons pas la même brutalité à l’égard des fidèles d’aujourd’hui, j’en suis bien d’accord. Mais cette réintégration de la FSPX, en quoi menace-t-elle les fidèles d’aujourd’hui ? Qu’est-ce que cela change pour l’immense majorité d’entre eux ? Pensent-ils vraiment que le pape va brader le Concile ou la réforme liturgique au nom d’un accord avec Mgr Fellay et ses amis ? Ou ont-ils peur qu’une certaine « herméneutique de la rupture » soit davantage remise en question à la suite d’un accord ?
Christophe Geffroy