Cela fait très longtemps que je le sens. Cela fait un moment que je me le répète : dans l'Eglise dite conciliaire par ses propres représentants, le problème immédiat n'est pas dogmatique. Pour les tenants de ce Concile pastorale qu'est Vatican II, le pb est pastoral. Tout à l'heure, j'ai participé à un enterrement (sans messe) que l'on a refusé que je célèbre, au fin fond d'une banlieue. Le Père R., d'origine africaine est un type sympathique. Il sait dire la foi... Mais hélas, dans cet enterrement... il est à côté de la plaque. Commentaire des Béatitudes, qui ont été lues. Quelques formules. beaucoup de mots. Et au bout de tout cela, après un petit couplet (très bien pensant d'ailleurs) sur la justice sociale... rien ou presque, je ne dis pas sur la défunte (il avait assimilé, en bon professionnel que nous essayons d'être les uns et les autres quelques bribes de cette vie), rien ou presque sur la mort de la défunte, sur ce que signifie cette mort pour chacun d'entre nous, pour la mise en question radicale qu'impose cette séparation d'avec un être cher. tout à l'heure au cimetière, la fille de la défunte lira un beau poème : "Je suis dans la pièce d'à côté". rien de cela dans le sermon du prêtre. Plein de bonnes choses, mais rien qui accroche, rien qui morde sur la vie, rien qui impose silence réflexion, prière.
Vous avez sans doute assisté, les uns et les autres, à ces enterrements sans messe qui traînent en longueur, parce que l'essentiel n'est pas dit. "Il importe à toute vie de savoir si l'âme est mortel ou immortel" disait Pascal. La mort est un tabou dans la société actuelle. Nous vivons aujourd'hui sous le régime de ce que Philippe Ariès appelait "la mort interdite". Interdit d'en parler. Interdit d'y penser. Et, par la vertu de puissants sédatifs, interdit de vivre sa mort !
On attend d'une Eglise vraiment pastorale qu'elle sache lever ce tabou, qu'elle sache aider les hommes et les femmes qui franchissent le seuil de la maison du Seigneur à tutoyer la camarde, à la regarder en face, en articulant une prière.
Ce qui m'est apparu comme dramatique dans cette cérémonie, c'est qu'elle soit si... bien pensante, si pleine de considérations chrétienne et si vide de réalité. Oui décidément, il y a sans doute des problèmes doctrinaux. Mais immédiatement le pb est pastoral. Il est tellement clair pour tout le monde que passé l'heure du téléthon rituel, les bons sentiments n'intéressent personne.
Gide disait paraît-il : on ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments. Eh bien ! Je crois que l'on ne fait pas une Eglise avec des bons sentiments.
Si l'on veut construire la demeure de Dieu parmi les hommes, impossible de faire l'impasse sur la vie, la mort, la souffrance (dont on ne se débarrasse pas d'une larme rituelle), le péché. Impossible de faire l'impasse sur la métamorphose qui nous attend tous. Au temps où il croyait encore à une fin des temps relativement proche, saint Paul disait aux Corinthiens : "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés". Auprès des Galates, il caractérise cette métamorphose de la façon suivante : "Celui qui sème dans la chair récolte de la chair la corruption. Celui qui sème dans l'Esprit récolte de l'esprit la vie éternelle".
C'est déjà tout le sens du rite classique du baptême : Que demandez-vous à l'Eglise ? - La foi. Que vous procure la foi ? - la vie éternelle ".
Pas de parlure comme dirait Claudel. C'est bref. Mais tout est dit. Le secret de notre destinée, le miracle attendu de notre métamorphose. Si l'on oublie cela, où est la pastorale ? |